© Ronan Siri

Une nuit au Laos avec… Wax Tailor

Deux ans après le reven­di­catif The Shad­ow Of Their Suns, Wax Tai­lor revient avec son huitième album Fish­ing For Acci­dents, plus onirique. Mais avant de con­naître la gloire, le Français a été un espoir de la scène down­tem­po, dont la sor­tie du pre­mier essai a été syn­onyme de tournée inter­na­tionale. Des dates par­fois improb­a­bles, qui l’ont mené jusqu’en Asie.

Arti­cle issu du Tsu­gi 157, Flavien Berg­er et Agar Agar : Bande à part, disponible à la com­mande en ligne et dans tous les bons kiosques 

Mon his­toire remonte à 2006. Après la sor­tie de mon pre­mier album, j’ai eu assez rapi­de­ment pas mal de deman­des pour jouer à l’étranger. Comme jusque-là l’exotisme pour moi était lim­ité à descen­dre sous la Loire, j’avais beau­coup de mal à refuser quoi que ce soit. On m’a pro­posé une série de dates en Asie que j’ai accep­tées sans même vrai­ment réfléchir à ce que j’allais y jouer. Plusieurs pays étaient au pro­gramme : Indonésie, Hong Kong, Thaï­lande et le Laos. Je décou­vre donc plusieurs pays et je finis par faire escale à Vien­tiane, cap­i­tale du Laos.

À l’époque, en bon occi­den­tal ignare, ma vision du pays se lim­i­tait à la carte postale, deux-trois infor­ma­tions culi­naires, et c’est tout. Nous sommes en 2006, je n’ai pas de smart­phone, les com­mu­ni­ca­tions coû­tent un rein et j’ai à peine reven­du mon fax. Je pars de Bangkok, cap­i­tale cos­mopo­lite et somme toute mod­erne et je débar­que en début d’après-midi à Vien­tiane. Assez rapi­de­ment je com­prends que mal­gré la prox­im­ité géo­graphique, on n’est pas sur les mêmes réal­ités – on m’expliquera d’ailleurs que pour les Lao­tiens, Bangkok est un peu l’Eldorado, Hol­ly­wood. Bref, quelqu’un vient me chercher, on monte dans un véhicule direc­tion l’hôtel. La route est au “stan­dard local” avec aucune voiture ou presque, et une nuée de scoot­ers avec à chaque fois deux à trois pas­sagers. On m’explique que c’est l’artère prin­ci­pale de la ville.

Arrivé à l’hôtel, le pro­mo­teur me pro­pose d’aller directe­ment faire le sound­check, rendez-vous est pris dans le lob­by. Je pense repar­tir pour le club, mais il m’explique que je joue dans la “dis­cothèque” de l’hôtel. Un peu éton­né vu qu’il s’agit d’une chaîne d’hôtels plus réputée pour la qual­ité de ses oreillers que de son dance­floor, il me répond que c’est en fait le seul club de la ville. On descend donc pour le sound­check. À l’époque, de mémoire, je demandais deux CDJ 1 000, par­fois on m’annonçait des CDJ 800, mais rien de très dérangeant. Là je vois dans le booth des platines que je n’avais jamais vues (et que je n’ai pas revues depuis), mais dont j’aurais plus volon­tiers attribué la pater­nité à Playskool qu’à Pioneer.

Fatigue aidant, je dis un peu sèche­ment au pro­mo­teur que j’ai envoyé une fiche tech­nique et que ce n’est pas déco­ratif. Là, il me regarde et me dit très gen­ti­ment que ce sont les seules platines disponibles dans le pays. Je crois qu’en une frac­tion de sec­onde, j’ai com­pris que j’étais pris en fla­grant délit de “gros con d’Occidental hors sol” donc je fais un 180°, un grand sourire et je dis que ce n’est pas grave, que ça va le faire.

On part ensuite dîn­er et on revient en fin de soirée à l’hôtel pour mon set. Quand j’arrive dans le club, je com­prends tout de suite que la moyenne d’âge ne doit pas excéder 15 ans, vu que les Lao­tiens ren­trent plus vite dans la vie active, se mari­ent, etc. Donc ils sor­tent plus jeunes. Un DJ rési­dent est en train de jouer du hip-hop main­stream de l’époque – on par­le de 2006 donc pas le meilleur cru. Le temps d’aller au DJ-booth, je me dis qu’il faut claire­ment revoir ma copie, que ça va être impos­si­ble de faire un set avec mes pro­pres titres. Du coup je pars sur un set com­plète­ment impro­visé avec les quelques CDs de sec­ours que j’avais sur moi.

Glob­ale­ment j’ai le sou­venir que ça s’est bien passé, à part la chaleur acca­blante. Je sors tout de suite après mon set. L’avantage du club dans l’hôtel, c’est que j’ai deux étages pour arriv­er à ma cham­bre. Je prends une douche, je redescends dans un salon en short cla­que­tte une tisane à la main avec cette touche du touriste qui cumule les fautes de goût. À côté, j’entends le sub du club der­rière deux portes, et je n’ai pas du tout envie d’y retourn­er. J’ai l’impression ce soir-là avec le décalage d’avoir 90 ans.

Le lende­main matin, je pars tôt pour une autre date. À l’aéroport, au moment de pass­er les con­trôles, je vois arriv­er qua­tre douaniers au look très mil­i­taire, qui m’invitent très sèche­ment à les suiv­re dans une pièce. Ils me deman­dent un doc­u­ment dont j’ignore tout, mais très vite je sens que ce n’est pas clair. Ils me lais­sent une quin­zaine de min­utes, le temps file, je n’ai pas d’autres vols et je pense qu’ils le savent très bien. Finale­ment ils m’expliquent qu’il faut que je paye l’équivalent de 200 $ pour non-présentation du document.

 

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Je refuse et au bluff, les informe que je viens de prévenir l’ambassade de France à Bangkok, dont je n’avais même pas le numéro sur moi. Ils finis­sent par me deman­der l’équivalent de 10 $ pour une pho­to­copie de mon passe­port, je vois que mon avion doit décoller dans moins de dix min­utes donc je leur donne. Ils me ren­dent mon passe­port, je cours comme un dératé et j’embarque sur le fil alors que tout le monde est déjà assis. Je n’ai jamais vrai­ment su le pourquoi du com­ment, mais il y a eu un avant et un après dans mes tournées, autant dans mon organ­i­sa­tion que dans mon attitude.”

 

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