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© Lila Azeu
26 juin 2018

20 ans de Solidays : 3 jours de love et un anniversaire record

par Corentin Fraisse

212.000 festivaliers ont foulé l’Hippodrome de Longchamp pour l’anniversaire de Solidays : record d’affluence pour le festival qui, depuis 20 ans, met en lumière la lutte contre le Sida. Trois jours de concerts, de partage et de prise de conscience pour un public intensément varié… Une grande réussite.

Vendredi, début tranquille avec le hip-hop ciselé et coloré de L’Or du Commun, avant le mélange surf-rock / rock-qui-tache de Requin Chagrin sous la voix pure de Marion Brunetto. On se dirige vite vers la scène Bagatelle pour voir un Eddy de Pretto toujours aussi classe, même dans une chemise sur-colorée à la limite du bon goût. Le menton est haut, les textes montrent les muscles. Ses chansons sont scandées comme des hymnes par le public: « Quartier des lunes », « Mamere », « Normal » et bien sûr « Fête de trop »… le « Kid » a fait du chemin. On le quitte le coeur un peu « Random » sous le soleil couchant. Après un tour rapide chez Brain Damage et Jain, on retrouve Nekfeu sur la scène Paris. Accompagné par ses reufs Doums et Sneazzy, il met vite le feu et crée quelques remous dans la foule. Mais évidemment incomparables aux pogos et aux cercles de danse qui se sont improvisés devant le live de Bagarre. Et autant vous dire qu’on y a bouffé de la poussière par poignées. La rage aux commissures des lèvres, les canines scintillantes, cinq monstres d’une énergie sexuelle communicative ont retourné le Dôme. De l’électro sale, du dédain dans la voix et beaucoup d’amour : Bagarre, c’est le nouveau rock ! « Danser seul ne suffit pas », alors le public vibre comme un seul homme. La soirée s’achève avec deux lives de douce violence, givrée cette fois-ci, par Mr. Oizo et Rebeka Warrior.

Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence © Olivier Samyde

Retour samedi à Longchamp pour une journée sous le signe de la communion. D’abord avec Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence, un collectif queer qui livre un spectacle tout en humour cinglant et en bienveillance préventive, avant la Cérémonie contre l’oubli devant la grande scène. Là, on scande les prénoms de ceux qui ont été emportés par le Sida cette année, on se tient la main en ligne, de grands patchworks sont déployés en étendards sur le son d’Antony & The Johnsons « You Are My Sister« … Moment de recueillement et d’émotion, qui se prolonge avec les Maliens Amadou & Mariam et surtout avec Her. Son chanteur Victor Solf semble très affecté lorsqu’il chante le dernier single « Icarus » dédié à Simon Carpentier, l’autre moitié du duo, décédé l’été dernier des suites d’un cancer. Mais Victor gère cette émotion et, avec une énergie féroce, il livre une soul empreinte de gospel pour un concert habité… Ca transpire le funk par ici. Mais pas le temps de lambiner : sur la scène Bagatelle, Bruxelles arrive et ce serait dommage de la rater. Sur scène, Roméo Elvis est d’humeur taquine. D’autant plus quand la Belgique vient de terrasser la Tunisie 5-2 en Coupe du Monde. Il déroule son album Morale2, il fait son habituel clin d’oeil à son pote Lomepal en reprenant quelques phrases de « Yeux disent », puis chauffe le public à blanc en jouant avec lui. Dans la fosse, c’est une marée humaine qui déferle, dès le premier morceau « Jaloux ». Plus tard devant le stand des objects trouvés, on retrouvera une pancarte « J’ai perdu un genou dans un pogo devant Roméo. Merci de me contacter si vous le retrouvez« . Pour la fin de soirée on retiendra le classic hip-hop de Chinese Man, les cuivres de Meute, la house tribale de Bambounou, la techno brutale et libératrice du taulier Arnaud Rebotini… En oubliant assez vite les prestations d’Hungry 5 et surtout de David Guetta, hué pour son retard de 45 minutes et un concert plus que moyen.

Her © Lila Azeu

Pour ce dernier jour, on retrouve Polo & Pan sous un Dôme bondé : coquillages, crustacés et électro burnée. Therapie Taxi fait monter la pression avec « PVP » ou « Hit Sale » jusqu’à ce que Raphaël, l’un des chanteurs, fasse monter une fan sur scène pour un baiser torride, sur le morceau « Bisous tendres » (voir directement ce moment hot dans la vidéo ci-dessous). Déferlement de groove sur Longchamp, d’abord avec Jungle entre basse ronde, déhanchés et harmonies à 4 voix… Puis FKJ jongle avec des boucles de basse, guitare, claviers, saxophone et percus pour un live transpirant de soul. La madone Clara Luciani lâche une prestation électrique, animale et envoûtante d’une voix droite qui transperce notamment sur « Eddy », « Drôle d’époque » et « La Grenade »… Et le dernier concert du week-end a une saveur particulière : les Marseillais d’IAM fêtent eux aussi un anniversaire, avec les 20 ans du classique L’école du micro d’argent. Les chevaliers de l’apocalypse enchaînent les classiques, un public aux origines diverses les reprend en choeur… Et c’est sous la même étoile qu’on entend retentir les dernières mesures.


C’est épuisé et le coeur lourd qu’on quitte cette 20ème édition. Rares sont les festivals grand public où l’on peut ressentir autant de ferveur, autant de rassemblement autour d’une cause commune. On ne compte plus le nombre de baisers, de câlins et autres moments de partage qu’on a pu observer pendant ces trois jours. Avant pratiquement chaque concert, la foule entonnait un « joyeux anniversaire » retentissant et scandait haut et fort le nom de Solidays. Le record d’affluence devrait « générer plus de 2 millions d’euros de fonds » selon Luc Barruet, co-fondateur de l’association Solidarité Sida et patron de Solidays. Un argent reversé principalement aux 100 associations, engagées, innovantes, venues du monde entier et présentes ce week-end au Village Solidarité. Solidays, c’est aussi un lieu de rencontre, de forums, conférences, expositions autour du thème du Sida, de la prévention et des évolutions de son traitement. Ce festival pétri d’amour met en lumière des luttes qui continuent tout au long de l’année. Pour reprendre les mots d’Arnaud Rebotini aux César qui affirmait qu' »Act Up existe toujours et le Sida n’est pas qu’un film« , il faut garder en mémoire que le virus est toujours là et que Solidarité Sida, ce n’est pas qu’un festival.

© Brice Delamarche

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