1998 a vu naître nombre de succès planétaires. Non, on ne parle pas du premier sacre des Bleus le 12 juillet. Ici on parlera musique, avec les albums marquants qui ont façonné l’année 1998. Parmi eux Moon Safari, tonitruant premier album de musique électronique downtempo, du duo formé par Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin aka Air. Tsugi vous propose un retour sur cet album mythique, aussi reposant que sophistiqué, enregistré entre un home studio de Montmartre et les studios londoniens d’Abbey Road.
Jean-Benoît et Nicolas grandissent avec des coeurs de rockeurs, écoutant Pink Floyd dans leurs chambres d’ados parisiens, en rêvant de carrière internationale et de rock à guitares. Quand leur label d’alors (ils ne sont pas encore majeurs) veut les faire chanter en français, les Versaillais s’écartent un temps de la musique pour se consacrer aux études. Architecture pour l’un, maths et physique pour l’autre… Et doucement mais sûrement, Paris commence à résonner sous les coups d’une nouvelle scène électronique repoussant codes et frontières, qui sera bientôt portée par un disque majeur : Homework de Daft Punk. Dès lors plus de complèxe pour Jean-Benoît et Nicolas. Ils savent qu’une carrière mondiale tout en étant français, c’est désormais possible : fin 1997, ils terminent l’enregistrement de Moon Safari, le tout premier album de Air.
Quelques mois après l’EP Sexy Boy où le duo s’offrait la voix de Madame Françoise Hardy sur le titre « Jeanne », le premier LP de Air sort le 19 janvier 1998 chez Virgin… Dix perles électroniques downtempo pour un album référence. Il s’ouvre sur « La femme d’argent », un premier morceau instrumental et plutôt long (7 minutes) : pari assez risqué à l’époque, mais merveilleusement tenu. Dans une interviewée donnée à Reverb, Nicolas Godin explique que ce titre ne pouvait se placer qu’au début ou à la toute fin de l’album, et qu’il a dû se battre avec le label pour que « Sexy Boy » ne soit pas le morceau d’ouverture. Parce qu’il faut imposer ses choix dès le début. Il faut dire que Moon Safari est le premier album de deux quasi-trentenaires, moins maléables que de jeunes artistes. Ils prouvent directement leur maturité sur leur deuxième morceau : le fameux « Sexy Boy », hymne à la sensualité avec ce son instantanément iconique, une basse ronflante pleine d’effets et une douce voix susurrée.
Sous leurs allures de premiers de la classe, Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin ne forment pas un duo de DJs hautains mais plutôt un groupe pop, simple et humble comme dans « populaire ». Ils ont apporté à la musique électronique française son aspect grand public, sans jamais perdre en élégance, comme un clin d’oeil permanent aux compositions de Ferrer, Polnareff et Gainsbourg. Air a d’ailleurs longtemps cherché à copier le son inimitable de la basse sur le titre « Melody » de Serge Gainsbourg, avant de se résigner à acheter exactement le même modèle. Quand on a le soucis du détail…
Air a cherché à reproduire des sons rétro tout au long de Moon Safari. Selon Godin, toute l’alchimie de l’album repose sur le mélange entre son piano Fender Rhodes, « des riffs de basse et des nappes de Solina string ensemble. Et pour lier le tout, des vagues de synthés monophoniques passées dans des delays analogiques […] sans oublier le vocoder Korg DVP1« . Une explication un brin technique il est vrai, mais qui a le mérite de traduire l’approche scientifique et méthodique du duo pour composer l’album. On reprend très vite ce safari lunaire en planant sur « All I Need » et la voix de Beth Hirsch -qui reviendra sur « You Make It Easy »- n’y est clairement pas pour rien… En se laissant guider par la basse et les violons de « Talisman », par les voix déclicieusement vocodées sur « Kelly Watch The Stars » et « Remember », très proches des premiers pas de Stevie Wonder à la talk-box… Et c’est sur « Le voyage de Pénélope » que s’achève le nôtre, avec un titre en douceur rempli d’effets à base de pédales wah-wah sur chaque attaque des claviers et de cuivres langoureux.
Moon Safari s’est rapidement imposé comme une référence, non seulement de la French Touch mais surtout de toute la musique downtempo. Recueil de ballades vaporeuses et de constructions savantes, assemblées en dix morceaux d’une simplicité pure, Moon Safari n’aurait pas pu trouver meilleur nom : « Safari » à cause de ses sonorités transplanétaires qui nous invitent dans un zoo musical, et « Moon » pour son côté planant. Cet album devenu mythique, vendu à 2 millions d’exemplaires et plusieurs fois réédité, ralentit le tempo pour permettre à l’auditeur d’analyser charque parcelle de sons disséminée dans les mélodies et atteindre une plénitude certaine. 1998 marque enfin le retour du siècle des lumières en France mais développement durable oblige, on le fait avec des LEDs. Déployer moins d’énergie pour rayonner plus loin.
Et si vous êtes plutôt Deezer :