Le boss du label français Versatile Gilbert Cohen alias Gilb’R a sorti son premier album… après plus de 25 ans de carrière.
Interview : Sylvain Di Cristo
Chronique : Patrick Thévenin
DJ emblématique et inclassable de la scène française, fondateur et boss du label Versatile, moitié du duo Château Flight (qu’il forme avec I:Cube), Gilb’R aura mis de longues années, et profité de son exil à Amsterdam depuis cinq ans, pour se lancer enfin dans l’épisode de l’album solo.
On danse comme des fous, avec ses dix titres enregistrés pendant cette drôle d’épidémie et ses confinements à répétition, n’est ni un disque d’explosion club pour conjurer le sort ni un album d’ambient comme catharsis aux péripéties que l’on vit. Mais surtout un espace sans frontières et sans genre où Gilb’R laisserait libre cours à ses divagations comme des volutes de fumée.
De « Plantlife » qui ouvre le disque avec ses mélopées orientales à l’ambient synthétique de « Super Spreader » accompagné de I:Cube, du post-baléarique « Café del Pijp » échoué sur le sable à l’electronica rêveuse de « Chorea Lasciva » en passant par la rythmique drum’n’bass de « Reaching », Gilb’R échappe à toutes les classifications, mélange les pistes pour mieux désarçonner l’auditeur, insère des touches de jazz comme de world et se fait plaisir. Histoire sans doute de mieux nous perdre dans un disque que certains classeront dans le bac ambient alors qu’il mérite bien mieux que ça.
« Je me suis rendu compte que l’ordinateur comme instrument n’était pas du tout pour moi, et quand je m’en suis éloigné, tout s’est débloqué et je n’ai plus pu m’arrêter. »
Pourquoi maintenant, après toutes ces années ? Quel a été le déclencheur ?
Depuis je suis à Amsterdam (six ans maintenant), j’ai intensifié mon rythme de travail ; et étant un peu plus isolé par rapport à Paris, j’ai commencé à faire plus de musique tout seul. Mais ce qui m’a surtout libéré, c’est d’avoir trouvé un set-up qui me correspond complètement : je me suis rendu compte que l’ordinateur comme instrument n’était pas du tout pour moi, et quand je m’en suis éloigné – pour une approche plus live de la composition – tout s’est débloqué et je n’ai plus pu m’arrêter. Comme les gens sur la pochette.
Justement, parlons-en. La pochette est inspirée de la fameuse première soit-disant « rave » de l’histoire, en 1518 à Strasbourg. Quel est le rapport avec ce qu’il y aura sur le disque ?
Je suis parti de cette idée de l’épidémie de danse arrivée au Moyen-Age en Europe. C’est un sujet qui me fascinait et je voulais prendre, avec un peu d’ironie, le contre-pied de ce que nous vivons en ce moment. Mais l’illustration est de Frédéric Cochet, celle faite pour le livre Tarantella ! d’Alèssi dell’Umbria qui traite aussi du même sujet mais plus localement, dans l’ancien Royaume de Naples en l’occurrence.
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À quoi doit-on s’attendre ? Un disque de club ou quelque chose de plus introspectif ?
J’ai fait beaucoup de morceaux pour en choisir dix qui, au final, me semblaient s’inscrire dans une expérience d’écoute fluide. Les morceaux clubs (à part un morceau drum and bass que j’ai d’ailleurs fait en dernier) ont disparu du tracklist et feront sûrement l’objet d’une release à part. Donc oui, c’est plus introspectif. Je vous laisse la surprise, je vais pas spoiler, mais j’espère avoir réussi à faire un truc bien personnel.