đż Album du mois : PotĂ© passe de la bass music Ă la pop (et ça marche)
C’est l’album du mois du Tsugi 141 : A Tenuous Tale Of Her de PotĂ©, sorti chez Outlier, le label de Bonobo.
Chronique issue du Tsugi 141 : Ed Banger 18 ans et toujours perché, disponible en kiosque et en ligne.
Il faut du temps pour se trouver. Mais PotĂ© semble ĂȘtre sur la bonne voie. Depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ , ses productions pour les clubs montraient son envie dâaller plus loin, avec des premiers singles privilĂ©giant tout autant lâĂ©motion que lâefficacitĂ©. Autant dire que la situation actuelle a accĂ©lĂ©rĂ© ce processus de rĂ©invention. Alors quâon parle de musique post-club pour ces DJs qui voudraient dĂ©passer le dancefloor, le terme nâa jamais paru aussi pertinent que depuis un an. Si la musique de danse est toujours largement convoquĂ©e ici, câest bien plutĂŽt sous lâangle du souvenir. NimbĂ©e de reverb et delay, elle vise plutĂŽt Ă recrĂ©er les Ă©motions ressenties lors de ces soirĂ©es. Ce qui fait de A Tenuous Tale Of Her un de ces disques qui soignent et comblent lâabsence.
Plus largement, PotĂ© veut se confronter Ă ses angoisses, et essayer de progresser. Pour cela, il opte pour une construction trĂšs narrative: alors que la premiĂšre moitiĂ© du disque se concentre sur des sentiments nĂ©gatifs (la claustrophobie dans « Stare », la paranoĂŻa dans « Valley », sans parler de « Lows », instrumental au titre explicite), la seconde partie, faite de morceaux plus apaisĂ©s, remonte la pente, montrant une volontĂ© dâaccepter ses Ă©motions (« Open Up » en Ă©tant lâexemple parfait). Tout ceci menant à « Together », final Ă©lĂ©giaque oĂč les percussions font leur retour dâune maniĂšre plus affirmĂ©e que jamais. Lâalbum est donc Ă la fois le processus et le rĂ©sultat de cette dĂ©marche de guĂ©rison mentale de lâartiste. Mais surtout, PotĂ© nous embarque avec lui, travaillant Ă chaque instant une grande proximitĂ©. Sa voix susurre, chuchote, tremble, navigue du trĂšs grave au trĂšs aigu, on entend Ă plusieurs reprises ses respirations ; il se met Ă nu, non pas devant un public, mais devant chaque auditeur individuellement. Celui-ci devient Ă la fois tĂ©moin, confident et acteur de la thĂ©rapie en cours.
Toute cette dĂ©marche dâouverture met Ă©galement lâaccent sur lâautre grande qualitĂ© de cet album: son ambition. PotĂ© veut assumer tout son hĂ©ritage, cherchant Ă faire cohabiter toutes ses facettes. Ce qui lâamĂšne Ă puiser dans tous les styles de musique qui lâont façonnĂ©. La house et ses dĂ©rivĂ©s restent centraux, avec toujours cette prĂ©sence importante des percussions caribĂ©ennes (PotĂ© est nĂ© Ă Sainte-Lucie, Ăźle au sud de la Martinique), mais celles-ci se retrouvent croisĂ©es avec de nombreux styles : pop, trip-hop, R&B, rap, musiques africaines, etc. Tout ceci se matĂ©rialise notamment Ă travers la collaboration dâartistes tous portĂ©s sur les croisements et mĂ©tissages. On pense bien sĂ»r Ă lâomniprĂ©sent Damon Albarn, mais aussi Ă Bonobo, qui hĂ©berge cet album sur son label. Ce brassage, finement Ă©quilibrĂ©, permet ainsi Ă PotĂ© de mieux se construire, mais Ă©galement de matĂ©rialiser lâidĂ©e de lutte intĂ©rieure. Il assume tout ce quâil est, ses paradoxes, ce qui le constitue, aboutissant Ă cet album aussi nocturne que solaire. Oui, PotĂ© est bien lĂ oĂč il a envie dâĂȘtre. Et on lây rejoint avec plaisir.
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