Né en 2021, le dispositif Safer fête ses quatre ans avec un bilan éloquent : plus de 219 festivals partenaires, 6000 bénévoles mobilisés, et une influence croissante sur les pratiques culturelles en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS).
Porté par l’association Orane — également organisatrice de Marsatac à Marseille — Safer s’impose depuis quatre ans comme un acteur dans la sécurisation des espaces festifs. À l’été 2024, le cabinet GECE a mené une étude d’impact sur sept festivals (Marsatac, la Fête de l’Humanité, No Logo BZH, Nancy Jazz Pulsations, le V and B Fest et les Francofolies de la Réunion) pour mesurer la perception et l’utilisation du dispositif par les festivaliers et identifier leurs attentes en matière de prévention des VSS. L’enquête révèle un chiffre marquant : 28% des festivalier.es affirment que l’absence d’un dispositif de prévention contre les VSS pourrait compromettre leur venue.
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« On sait aujourd’hui que les publics sont sensibilisés autour de ça, que leur accueil est important, et que ça crée un climat de confiance et de bienveillance en cas de souci. » souligne Justine Noël, responsable du projet Safer. « Les chiffres nous permettent de dire que c’est devenu un critère de venue sur un festival, et donc un critère économique pour eux. »
Une approche globale de terrain
La force du dispositif réside dans sa méthode complète : diagnostic, formation, outils, présence sur site, ainsi qu’une application mobile grâce à laquelle les festivalier·es peuvent signaler une situation problématique et devenir des « témoins actifs ».

« Souvent, il n’y a pas assez de bénévoles pour être les yeux et les oreilles sur les festivals. L’application permet de mobiliser le public, de leur donner un rôle actif. Et ensuite, chaque signalement entraîne une prise en charge directe par des professionnel.les formé.es » explique Justine Noël.
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Avec plus de festivals impliqués, les signalements sont en augmentation. Mais plutôt que d’y voir un mauvais signe, Safer y lit une prise de conscience collective. « Les publics comprennent qu’ils peuvent signaler. Et parfois, ce sont des signalements de remarques sexistes ou d’outrages. C’est essentiel, car ça permet d’agir en amont, avant que cela n’aille plus loin. »
Les signalements peuvent aussi être effectués auprès des bénévoles, ou sur le stand du dispositif. En coordination avec les services de sécurité et les équipes du festival, les interventions permettent de désamorcer des situations, voire d’exclure des auteurs de violences. « On a pu accompagner plusieurs sorties du site de personnes auteures de comportements problématiques. » En 2023, le dispositif a permis la prise en charge de deux femmes victimes de viol lors de l’Insane Festival.
Responsabiliser les festivals
Les résultats de l’étude d’impact menée par le cabinet GECE ont été dévoilés en exclusivité en avril dernier au FGO Barbara. Ils ont donné lieu à un cycle de rencontres, qui ont permis de monter des groupes de travail. Les prestataires de sécurité ont notamment été conviés pour l’écriture d’un cahier des charges commun sur la prévention des VSS.
« Quand on demande au public quels sont les moyens pour eux de signaler des agressions, ils nous disent qu’ils vont en priorité vers des agents de sécurité. Ça nous semblait donc important de veiller à ce qu’ils soient formés pour accueillir cette parole. » précise la responsable du projet.
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En mai dernier, la question du budget et de la formation des opérateurs et opératrices culturelles était également sur la table d’une discussion avec les pouvoirs publics. Elle devrait donner lieu à la publication d’un livre blanc — document de quelques pages destiné à répondre à une problématique — en octobre sur les préconisations, les outils et les moyens nécessaires à la mise en place d’un dispositif de lutte contre VSS en milieu festif. « À terme, on aimerait imposer aux festivals de les inclure directement dans leur budget et dans leur protocole de sécurité. »
En attendant, Justine Noël insiste sur l’importance de la communication des festivals à propos de Safer : « Les résultats dépendent aussi de l’engagement du festival à se saisir du dispositif et à communiquer dessus ». Moins les évènements communiquent sur la présence du dispositif en leur sein, moins les gens sont au courant qu’ils peuvent utiliser ce biais pour signaler les situations d’agression dont ils sont témoins ou victimes.
De nouveaux terrains d’action
Aujourd’hui uniquement disponible lors d’événements partenaires, l’application Safer sera repensée en 2026 pour devenir une ressource permanente et ouverte à tous. « On veut qu’elle devienne un vrai outil de sensibilisation, avec les bons réflexes, les bonnes ressources, et une cartographie des dispositifs existants sur les territoires, » annonce Justine Noël.
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La militante féministe Anna Toumazoff a également été choisie comme marraine du dispositif et a réalisé pour l’occasion une série de témoignages d’artistes sur le sujet.
Et quand on évoque le futur du projet avec sa responsable, Justine Noël, elle insiste sur l’importance de déployer le dispositif autant que possible, y compris aux manifestations non-culturelles : « Notre but, c’est de pouvoir accompagner et outiller le plus d’organisations possible, petites ou grandes ». Les bénévoles étaient ainsi présent.es à Peacock Society, on pourra les voir à Cabaret Vert et ils-elles devraient ainsi être là lors du championnat du monde badminton qui aura lieu à Paris, ou encore dans les nombreuses soirées étudiantes à la rentrée.