Chronique : Lukid – Lonely At The Top
La dance music est morte ? Vive la dance music. Il pourrait s’agir du mantra d’une poignée de producteurs, souvent anglais, qui traitent actuellement le genre et ses sous-branches comme la réminiscence d’une époque révolue, et en vident sa carcasse pour jouer avec ses ombres. On pense bien sûr à Actress, passé maître en la matière, à l’Américain James Ferraro, qui a atteint le stade de gag conceptuel, ou encore à Lukid, qui signe son quatrième album sur le label d’Actress. Toujours plus loin du dancefloor, le Britannique frôle tous les sous-genres, de la UK bass jusqu’à la techno de Detroit, puis les filtre jusqu’à ce qu’ils deviennent des objets tenant plus ou moins sur eux-mêmes. Reposant sur des boucles décentrées crachant la poussière, “Manchester”, “Riquelme” et le morceau-titre sont autant de morceaux dance éclopés, lancinants, sans début ni fin, rongés par une douce corrosion. Aussi à l’aise dans le hip-hop instrumental craquelant (“This Dog Can Swim”) que dans les petites vignettes mélancoliques (Four Tet vient à l’esprit sur “USSR”), Luke Blair trouve toujours des points d’attaque décalés, même si tout ne fait pas toujours sens (on sent un vide, probablement voulu, sur “Bless My Heart” ou “Southpaw”). Étourdissant ou figé selon l’humeur, Lonely At The Top, dont le titre même exprime le détachement, est un bel hologramme qui se balade dans notre imaginaire électro-collectif. (Thomas Corlin)
Lonely At The Top (Werk Discs/Ninja Tune/Pias)