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© Brantley Gutierrez
1 février 2021

📀 Album du mois : Buzzy Lee alias Sasha Spielberg, un travail d’orfèvrerie pop

par GĂ©rĂŽme Darmendrail

C’est l’album du mois du Tsugi 137 : Spoiled Love de Buzzy Lee alias Sasha Spielberg, vient de sortir chez Future Classic.

Chronique issue du Tsugi 137 : Bicep, la house prend feu, disponible en kiosque et en ligne le 5 février.

© Janell Shirtcliff

En 2013, le New York Times titrait « oubliez leur papa, contentez- vous de les écouter » au-dessus d’un article consacré à Wardell, fugace duo folk-pop composé de Theo et Sasha Spielberg, dont l’attrait, malgré ce qu’en disait le journaliste, tenait plus à leur nom de famille qu’à leur musique. Quelques années plus tard, force est de constater que la seule chose qu’on a oubliée, c’est Wardell. On ne se hasardera donc pas à réitérer pareille injonction au moment d’évoquer le premier album de Buzzy Lee, pseudonyme un peu passe-partout derrière lequel on retrouve Sasha Spielberg, cette fois sans son frère. À quoi bon, de toute façon ? Il n’y a pas vraiment de raisons de penser à son père à l’écoute de ce disque mélancolique et intimiste, dont la concordance cinématographique, s’il fallait en trouver une, serait plus à aller chercher du côté d’une autre « fille de », Sofia Coppola. Pour la musique, qui ne jurerait pas dans l’un des films de la réalisatrice américaine, et parce que Sasha pourrait tout bonnement ressembler à l’un de ses personnages : une jeune Californienne sensible et anxieuse, à qui la vie devrait sourire, partie au milieu d’une rupture amoureuse enregistrer un disque dans le nord de l’Italie… En attendant que Sofia Coppola ne s’attelle au tournage, on savourera la bande-son, qui est de toute beauté.

Trois ans après Facepaint, son premier maxi solo qui dévoilait cinq titres élégants, la chanteuse a, pour habiller sa voix, une nouvelle fois fait appel à Nicolas Jaar, dont la capacité à enchaîner les projets hétérogènes n’est plus à démontrer, que ce soit pour ses morceaux house soyeux ou la production de blues crépusculaire avec Dave Harrington ou de R&B désarticulé pour FKA Twigs. Le producteur chilien est une connaissance de longue date – elle l’a rencontré sur les bancs de la fac –, avant de former à ses côtés le duo électro-pop Just Friends au début des années 2010. Sans trop de surprise, celui-ci a fait le choix de la sobriété pour mettre en musique ses textes à fleur de peau et sa voix cristalline. Piano délicat et nappes vaporeuses constituent l’essentiel des morceaux, épurés, sans que cette frugalité ne sonne dépouillée. Un spleen soul soutenu de temps en temps par une rythmique légère. Il faut d’ailleurs attendre la quatrième piste pour entendre la première pulsation d’une batterie. Ce n’est ni trop tôt ni trop tard, car outre sa qualité mélodique, le magnétisme du chant de Spielberg et la finesse des prods de Jaar, l’une des grandes réussites de cet album court – 35 minutes – est son sens du timing. Tout semble arriver exactement au moment où il faut, refrain, pont, enchaînement, intermède. Un travail d’orfèvrerie pop qui confère à l’album un caractère impeccablement fluide et homogène. On a beau affectionner les disques retors, sales et déglingués, il est parfois appréciable d’écouter leur contraire.

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Retrouvez plus de chroniques dans le Tsugi 137 : BICEP, la house prend feu, en kiosque et en ligne le 5/2.

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