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17 novembre 2021

💿 Album du mois : Sylvie Kreusch reconstruit son cƓur brisĂ© avec une pop ambitieuse

par Tsugi

C’est l’album du mois du Tsugi 145 (novembre 2021) : Montbray de Sylvie Kreusch, sorti sur Seedy Tricks/Sony Music.

Chronique issue du Tsugi 145 : les grandes Ă©nigmes de la musique, disponible en kiosque et en ligne.

Y a-t-il un thĂšme plus Ă©culĂ© que celui de la peine de cƓur ? Pourtant, pour rĂ©activer son universalitĂ©, malgrĂ© plusieurs dĂ©cennies d’exploitation, il suffit d’artistes capables de le rĂ©inventer. C’est ce que fait la Belge Sylvie Kreusch, avec son premier album solo. Ces derniĂšres annĂ©es, on a pu l’entendre au sein du groupe de rock Soldier’s Heart, ou dans le projet Warhaus aux cĂŽtĂ©s de Maarten Devoldere de Balthazar. Ici, elle se livre entiĂšrement Ă  une pop ambitieuse, aux multiples couches d’arrangements. Du genre Ă  ĂȘtre Ă  la fois un cri du cƓur mais aussi un doux chuchotement. Bref, le type de pop qui semble convenir avant toute chose aux cƓurs brisĂ©s. Pour reconstruire le sien, Kreusch est partie enregistrer Ă  Montbray, petit village de la Manche. Et c’est autant la commune que le processus qu’elle y a vĂ©cu qui donne son nom au disque. Dans la ruralitĂ©, elle semble avoir trouvĂ© une tranquillitĂ© qui permet Ă  la fois de se retrancher sur soi, mais aussi de savourer Ă  nouveau des plaisirs simples. Il suffit d’entendre « Walk Walk », hymne aux promenades de chiens, mais surtout aux nouveaux dĂ©parts, pour saisir toute cette atmosphĂšre.

Artwork

Tout au long de ses douze titres, l’album nous rappelle que l’intime peut Ă©galement s’apparenter Ă  une cathĂ©drale. Le travail vocal de la chanteuse fait sentir l’immensitĂ© de cet espace intĂ©rieur. Ce lieu, elle le remplit, avec tout un travail de reverb, d’échos. Sous de multiples formes, sa voix, pourtant souvent retenue, est avant tout d’une prĂ©sence folle. Elle vient nous hanter, se croisant Ă  ses chƓurs d’enfants ; elle se dĂ©multiplie, se heurte aux arrangements, se rĂ©verbĂšre dans chaque recoin, confĂ©rant au disque toute sa dimension envoĂ»tante. Les instrumentations, rĂ©solument pop, et surtout trĂšs ambitieuses, rappellent parfois l’indie rock ou l’art rock, et plus encore le trip-hop. Mais surtout, tout ceci baigne dans un psychĂ©dĂ©lisme poignant. Tout ne semble que rĂȘverie, bien que des lignes de basses toujours nettes et trĂšs mĂ©lodiques se chargent d’ancrer ces constructions sonores. S’en servant comme fil d’Ariane, Sylvie Kreusch explore chaque recoin de sa cathĂ©drale intime, trouvant une Ă©trange lumiĂšre dans les endroits les plus sombres ; dĂ©celant du mystĂšre dans ce qu’on croyait Ă©vident.

PiĂšce par piĂšce, le disque opĂšre comme un travail de reconstruction. Vient d’abord le deuil de la relation, la tristesse (« Falling High »), les doutes (le renversant « Shangri-La »), puis la rage, manifestĂ©e notamment dans « All Of Me », avec ses cuivres pĂ©taradants, presque menaçants. Et mĂȘme la reprise de confiance, Ă  l’Ɠuvre dans toute la seconde moitiĂ© du disque, culminant avec le triomphal « Let It All Burn ». Puis arrive ce titre final, qui semble boucler la boucle, comme un retour Ă  la case dĂ©part. « Love’s a stranger forever », rĂ©pĂšte-t-elle. Car l’amour revient toujours Ă  la charge, entraĂźnant la peine avec lui. Mais aprĂšs avoir vĂ©cu avec elle un parcours si riche en Ă©motions, peut-ĂȘtre qu’on se connaĂźt un peu mieux nous-mĂȘmes. Suffisamment pour l’apprĂ©cier, mĂȘme, cette peine.

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Tsugi 145

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