Dans l’ADN de Neida, producteur bordelais | INTERVIEW
On vous parlait déjà de lui il y a quelques mois, comme l’un des producteurs les plus prometteurs de Bordeaux : on a rencontré Neida à l’occasion du lancement de son propre label, NDA.
Par Marion Sammarcelli
Depuis petit, Quentin baigne dans la musique. Entre un père fabricant d’instruments, une médiathèque remplie de richesses auditives qu’il squattait de longues après-midis puis des cours de batterie à l’école de musique, il s’est forgé une culture plus que solide et éclectique. Pas étonnant que son alter ego, Neida, s’épanouisse dans différents projets musicaux. Si il a commencé avec des petits groupes, c’est avec le collectif bordelais SUPER Daronne qu’il assoit sa crédibilité puis son désir de devenir DJ et producteur de musiques électroniques.
Premièrement guidé par la house, c’est aux côtés des rythmiques frénétiques de la bass music et des sonorités UK, profondément club, que Neida a décidé de continuer. Vite repéré, il enchaîne les EPs et collaborations avec des labels comme Nezha Records et Bad Tips ainsi que des artistes comme Le Motel, Tatyana Jane ou encore Camion Bazar. Aujourd’hui, désireux de liberté et pour soutenir des artistes qu’il admire, il se lance dans l’aventure de son propre label, NDA. Et c’est de tout cela dont nous allons discuter ici. Rencontre.
———-
Comment as-tu construit ta culture musicale ?
Neida : Ça a commencé très jeune, parce que mes parents écoutaient beaucoup de musique. Mon père conçoit des instruments donc j’ai toujours baigné dedans. J’ai commencé à écouter mes premiers disques avec la bibliothèque musicale de mes parents. Très vite, je me suis mis à la batterie dans une école de musique.
Puis, j’ai fait ma culture personnelle en allant dans les médiathèques, en chopant des CDs à la pochette, en ne sachant pas trop comment ça allait sonner (rires). Il y avait de tout : musiques électroniques, jazz, metal, un peu de rap aussi… Puis je numérisais sur mon ordi’, je hackais la médiathèque en fait (rires).
Quel a été le premier track électronique que tu as écouté et qui t’a fait te dire « c’est ça que je veux faire » ?
Neida : Je n’ai pas vraiment eu de révélation. Quand j’ai commencé à faire de la musique électronique sur FL Studio, je produisais ce que j’écoutais à ce moment-là : du dub. Mais oui, j’ai commencé par écouter Coldcut, Morcheeba… J’écoutais même de la musique électronique sans le savoir avec Portishead. Puis au lycée j’ai découvert SBTRKT, puis il y a eu Gesaffelstein, Brodinski… Ça a été ma base.
Est-ce qu’il y a un DJ-set / un live qui t’a marqué dans le début de ta carrière ?
Neida : J’ai commencé à écouter de la musique électronique au lycée et à sortir en club juste après le bac. À l’époque je sortais au BOOTLEG, à Bordeaux, un club asso un peu plus underground que l’I.BOAT. Mais ce n’est pas forcément un DJ-set ou un live qui m’a marqué, c’est plutôt l’atmosphère du club en elle-même.
Ta musique est profondément club, quel est ton rapport à ce dernier justement ?
Neida : Moi j’aime bien le club, ça c’est sûr (rires). Être dans le noir, avec beaucoup de fumée, un gros système son et voir que tout le monde est dans sa bulle mais ensemble… Ça, c’est en tant que consommateur. Après, en tant qu’artiste, je n’aime pas trop les gros clubs, je préfère les endroits intimistes, dans lesquels je peux être assez proche des gens.
Et en tant qu’artiste, dans quel club as-tu préféré jouer ?
À Bordeaux j’ai eu des moments vraiment cool, mais dernièrement c’était à La Machine du Moulin Rouge. J’y ai fait le closing pour la soirée Nehza Records et TraTraTrax. J’avais pas mal la pression, les vingt premières minutes ça a été compliqué de se mettre dedans, et après ça j’ai trop kiffé. Les gens étaient à fond, ça sautait, ça gueulait… Alors ouais, si je devais en choisir un ça serait celui-ci.
Comment es-tu devenu producteur de musique électronique ? Tu étais instrumentiste à la base ?
À la base je suis batteur, j’ai fait partie de plein de petits groupes quand j’étais jeune. Puis au collège-lycée j’ai commencé à faire du son dans ma chambre sur mon ordi, j’imitais ce que j’écoutais : Panda Dub, Kanka… bref des trucs de jeunesse (rires).

© Victor Magniont
Tu as commencé comme DJ aux côtés du collectif SUPER Daronne, mais tu avais aussi un groupe du nom de Wonkey, un trio plus house… Comment as-tu découvert les sonorités UK, break, jungle, drum and bass ?
C’est une bonne question (rires). Je pense que ça vient quand même de mes goûts à la base, du dub, comme je disais. Puis de toute cette culture musicale anglaise : j’écoute aussi beaucoup de reggae, de rock anglais. Mais sinon, je ne sais pas pourquoi j’aime ça, mais j’aime ça (rires). Enfin, c’est vrai que je me souviens que je ne comprenais pas cette musique au début. Quand j’allais à la médiathèque et que je chopais plein de disques, je suis tombé sur Reprazent et Roni Size et j’ai été perturbé. Au début je n’ai vraiment pas aimé, c’était trop étrange pour moi. Mais ça a été ça mon premier contact avec cette musique.
Comment définirais-tu l’empreinte sonore de Neida ?
Je dirais que c’est une musique très percussive, assez frénétique, rythmique car je viens de la batterie. Souvent quand je compose, c’est ce que je fais en premier. J’ai plus de mal avec la partie mélodique, harmonique… Je ne dirais pas que ma musique est profondément sombre mais on la décrit souvent comme mélancolique. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi mes morceaux sont comme ça, car dans la vie de tous les jours, je ne suis pas quelqu’un de sombre, je suis même l’opposé (rires) !
Voir cette publication sur Instagram
Qui sont les artistes qui t’inspirent au quotidien ?
Il y en a plein. Il y a Le Motel que j’ai rencontré il y a deux ans environ, avec qui je suis devenu pote. Le fait d’avoir fait de la musique avec lui, d’avoir observé la manière dont il travaille, c’est super inspirant. Je n’hésite pas à lui envoyer des morceaux que j’ai composés, il est de très bons conseils. Et quand on joue ensemble, c’est génial.
La scène américaine, notamment new-yorkaise, m’inspire aussi énormément avec des artistes comme Ayesha, Sha Ru, Sobolik… Aussi Nick Leon basé à Miami. Je trouve que l’énergie de cette scène américaine est super intéressante. Il se passe un truc. Et dans la scène UK il y a Ben UFO. Mais c’est un peu le pape de tout le monde (rires). Mais c’est bien de le dire aussi car c’est un mec ultra cultivé qui a une super approche de la musique notamment à travers le label Hessle Audio qu’il a cofondé avec Pearson Sound et Pangaea.
Ton EP Slowing (2021) a été la première release du label de RONI Nezha Records, ça t’avait fait quoi à l’époque ?
J’ai trouvé ça cool et puis c’était une sortie sur vinyle, ce qui est incroyable. C’est un step dans ta vie d’artiste quand ta musique se matérialise en un objet. C’est cool de se dire que des gens peuvent tomber dessus par hasard, chez un disquaire.
Mais comme j’étais la première sortie je n’avais pas assez de recul sur le label. Aujourd’hui, Nezha Records est assez implanté dans le paysage des musiques électroniques, il y a de supers artistes. Puis après j’ai sorti un second EP sur le même label, False Nostalgia, c’est le disque qui m’a un peu fait percer ! Le morceau qui a donné son titre à l’EP a bien marché et il a été joué par plein d’artistes. Même I Hate Models devant je-ne-sais-pas-combien de personnes à Miami. Je ne m’y attendais pas du tout (rires).
À lire également sur tsugi.fr :: RONI : « Quand je digue, c’est instinctif. J’aime, je prends, je joue » | INTERVIEW neida
Tu as l’air de porter une grande importance au remix, ton dernier projet Can’t get enough en comporte (Subsism, Miss Jay). Tu en as fait aussi pour Camion Bazar ou Tatyana Jane. Quelle est selon toi la plus-value d’un remix sur le track original ? Et pour l’artiste ?
J’adore l’exercice du remix, car je trouve ça super d’écouter une autre version d’un track. Quand je demande à une-un artiste de remixer mon morceau, je suis curieux de voir ce qu’elle ou il va en faire. Puis, à l’inverse j’adore re-travailler des morceaux pré-existants, les déformer, bidouiller… Et ce n’est pas un argument de fainéant : c’est peut-être plus simple que de produire un track de A à Z, mais c’est plus ludique. Comme quand t’es gamin et qu’on te file une caisse pleine de jouets : tu prends un truc, tu le détruis, tu l’allonges… (rires)
Sur l’EP Can’t get enough, c’est surtout grâce à Gboi puisqu’il veut faire de son label Bad Tips un vivier d’artistes.
Pourquoi as-tu décidé de te lancer dans l’aventure de ton propre label, NDA ?
J’aime toujours travailler avec d’autres labels mais j’avais la volonté d’avoir une plateforme digitale qui me permet de sortir la musique que je veux puis d’avoir une plus grosse liberté de choix. Quand tu envoies des morceaux à des labels, certains ne sont pas retenus, c’est eux que j’ai envie de sortir parce que je les aime bien.
Dans un premier temps, ce sont mes morceaux que je partagerai : la première sortie est un EP deux tracks qui se nomme In Circles / Howyudu. Mais, par la suite, il y aura surtout des singles avec à chaque fois un remix d’une ou un artiste que j’ai choisi(e). Et pour l’instant ça reste secret… Mais j’ai la volonté de mettre des artistes dont j’admire le travail en avant !
Dans « In Circles » et « Howyudu » on perçoit ta patte UK Bass, drum and bass, breaks… Est-ce que ça annonce la couleur musicale du label ? Ou bien tu vas en faire un laboratoire d’expérimentations vers d’autres sonorités ?
C’est complètement ce que je veux faire. Les prochaines releases sont orientées vers ce que les gens connaissent de moi — à part peut-être un morceau. Mais par exemple, si j’ai envie de faire de l’ambient, je le ferai. Bon, évidemment je ne ferai pas de zouk (rires) cela restera de la musique électronique.
Mais c’est vrai qu’aujourd’hui je trouve qu’il n’y a plus trop de frontières entre les genres musicaux, donc… Est-ce vraiment utile de tout mettre dans des cases ? En tout cas si les gens n’arrivent pas à mettre un genre sur ma musique, peut-être que j’aurai réussi à proposer quelque chose d’intéressant.
Pour finir, que penses-tu du renouveau de la scène UK en France ?
Je pense que ce sont des phases. Il y a un moment où tout le monde jouait de la house, du lo-fi, durant la période où le groupe Chineurs de House était encore très actif. Là, la hard techno est en train d’exploser. Je trouve que ça n’est pas le même phénomène avec la musique UK puisque la hard techno est mise en avant surtout grâce aux réseaux sociaux.
Mais c’est vrai qu’il y a de plus en plus de plateformes comme les webradios Egregore ou Rinse FM. Ou sinon c’est peut-être juste la bass, les gens aiment le gros son (rires).
Pour pré-commander la première sortie de Neida sur son label NDA, c’est par ici !
Par Marion Sammarcelli