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© Farah Diod
11 mars 2022

Décès de Alain Maneval, le plus punk des animateurs radio et télé

par Antoine Gailhanou

Après un parcours médiatique incroyablement riche, Alain Maneval est décédé à l’âge de 69 ans des suites d’un cancer des os. Par ses goûts, son attitude et son phrasé, il avait bousculé les méthodes d’animation à la radio et à la télévision. En y amenant une dose de punk.

Il a laissé une marque. Par son énergie frisant l’hystérie, Alain Maneval s’est imposé comme une de ces figures médiatiques qui fascinent ceux qui l’ont connus. On le célébrait encore dans le numéro 147 de Tsugi, parmi les « dix légendes du micro » au sein d’un dossier consacré à la radio. Né à Saint-Étienne, il quitte dès 17 ans le domicile familial pour Paris, puis Londres. Là, il vit avec le cinéaste Derek Jarman, et découvre le métier d’attaché de presse. Il continue de l’exercer en France, pour Iggy Pop, Lou Reed, les Heartbreakers, ou des groupes français comme Starshooter. On est alors en pleine fièvre punk. En parallèle, Maneval fait ses armes dans les radios libres : Cité Future, Carbone 14, Radio Bellevue ou encore Gilda.

Avec cette énergie punk et sa soif libertaire, il arrive en 1978 chez Europe 1, où il anime son émission Po-Go (pour « petites ondes, grandes ondes »). L’animateur s’y montre aussi furieux que sa musique, avec son timbre et phrasé déjà uniques. L’aventure est pourtant de courte durée. Dès mars 1978, il est témoin du naufrage de l’Amoco Cadiz en Bretagne, responsable d’une des plus grandes marées noires de l’histoire. Dès l’émission suivante, il hurle au boycott de Shell, propriétaire de ce pétrole… mais également grand sponsor de la radio. Maneval est immédiatement suspendu, et ne fera son retour en radio que trois ans plus tard.

Qu’importe : il se reconvertit comme animateur télé. Après plusieurs essais, on le retrouve de 1982 à 1984 à l’animation de Megahertz, sur TF1 (avant sa privatisation). Avec son look dandy futuriste, il y présente les plus grands groupes punk de l’époque. Il reprendra le même concept, mais cette fois accompagné d’un concert et en direct, dans l’émission Tam-Tam entre 1984 et 1986. Celle-ci se déroule sur TV6, éphémère chaîne de télévision parmi les premières à se positionner sur un créneau jeune dont on retrouve l’histoire extravagante dans notre nouveau numéro. En parallèle, on le retrouve également dès 1982 comme présentateur de la première soirée consacrée au hip-hop en France, « New York City Rap ».

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Suite à la fermeture de TV6, il quitte la France pour le Maroc, où il restera plus de dix ans. Il participe au lancement d’une chaîne du pays, 2M, mais participe également aux débuts d’Arte, officiant comme directeur des programmes de 1993 à 1995. Durant les années 2000, il continue son métier de passeur musical, à travers de nombreux documentaires pour la télévision. En 2013, il réalise également « Vivre En Positif », un documentaire sur le SIDA où Maneval évoque sa propre séropositivité.

Son retour à Paris en 2009 se fait sur France Inter. « Je reprends conscience de mon corps, j’ai ­arrêté de fumer et de boire pour France Inter » raconte-t-il alors à Télérama. « Je ne suis plus une « fashion victim » habillée par Jean-Paul Gaultier avec une tresse bleue. J’engrange des chansons, j’éjacule des mots pour cacher mes maux. J’essaie surtout de ne jamais rater les adieux. » Avant de faire les siens. Et en attendant d’enfin voir arriver son successeur (en particulier à la télé), peut-être peut-on garder en mémoire une phrase tatouée en berbère sur son bras : « Souviens-toi du futur ».

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