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13 octobre 2017

En écoute : King Krule vient de signer l’un des meilleurs albums de l’année

par Clémence Meunier

Une claque. Mais pas le genre de gifle qui siffle et s’abat d’un coup sur une joue fraîche. Non, plutôt un coup de paluches moites, imbibées de bière, sales comme celle d’un punk londonien ayant trop roulé de clopes. Voilà ce qu’on se prend dans la face quand on écoute The Ooz, le deuxième album de King Krule. Difficile d’y mettre des qualificatifs précis, Archy Marshall ayant ce genre de talent qui demande à être décrit par métaphores. Car entre free jazz, blues et electronica sombre, le rouquin brouille les pistes sur cet album, dont le titre peut être traduit par « l’écoulement » – par-là, King Krule voulait évoquer la sueur qui suinte, les ongles qui poussent, le sperme, l’urine. Un champ lexical pas forcément ragoûtant plutôt bien adapté à la couleur générale d’un disque torturé, aux atmosphères toxiques, qui enferme l’auditeur dans une sorte de bourdonnement constant, comme si l’air lui-même devenait poisseux. Et après quelques écoutes, il y a encore plus de sens à cet « écoulement » : on dirait que le Londonien, en couv’ de Tsugi ce mois-ci, a tout simplement laissé couler son inspiration, sans s’imposer quelconque canon stylistique, pour 19 titres et une heure de cris, de voix de crooner défoncé et de guitares parfois désaccordées, portées par un genre de punk en pleine déprime.

Alors oui, on a un petit peu envie de se tirer un balle ou de s’achever au whisky en découvrant cet album difficile à cerner, balancé comme un sabotage de carrière, un suicide commercial même, après 6 Feet Beneath The Moon, un premier disque à succès. Mais pour tous ceux qui préfèrent passer une heure à suivre le lapin blanc King Krule au fond de son terrier effrayant plutôt que de dansouiller sur des chansons pop, The Ooz fera figure de chef d’oeuvre, entre le crépusculaire single « Czech One », le bizarrement ska et/ou rockabilly « Vidual » ou « Biscuit Town » et ses rythmiques de traviole mais pleines de groove. Un poison qu’on avalerait tous les jours.

Tsugi 106 est disponible, comprenant une longue interview de King Krule à domicile, est en kiosque jusque début novembre, ou à la commande ici

Si vous êtes plutôt Spotify :

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