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Capture YouTube "Kampire | Boiler Room x Nyege Nyege Festival"
14 novembre 2023

En Ouganda, la scène électronique queer violemment chassée par son pays

par Sasha Abgral

C’est quelque chose dont l’époque devrait bien se passer. Dans un article de DJ Mag, les artistes du collectif Nyege Nyege et de ANTI-MASS (que nous verrons très bientôt au festival Nyokobop), se dévoilent à propos de la loi anti-LGBTQ promulguée en mai dernier par le président de leur pays, l’Ouganda.

À en lire la colonne de DJ Mag parue le 9 novembre dernier sur son site, tout cela semble inimaginable. Et pourtant. Dans cet article publié par Marke Bieschke, le journaliste va à la rencontre d’une bande d’artistes de ce pays d’Afrique de l’Est, éparpillée mondialement : Nsasi, Tayo, Decay et Kampire, certain·es producteur·ices, toustes DJs. L’Ouganda était déjà une terre où iels ne sont pas les bienvenues, il s’agit maintenant d’un enfer promis. Pour cause, « la loi anti-homosexualité 2023«  promulguée par le président Yoweri Museveni en mai dernier, loi qui prévoit la prison à vie pour les personnes surprises en train d’avoir des relations homosexuelles, et potentiellement la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d' »homosexualité aggravée« .

Considérée comme « loi méprisante [qui] viole de manière flagrante les droits humains des personnes LGBTI » par Amnesty International, elle est dirigée directement par « l’influence des [américains] religieux évangélistes« . Idéologie arrivée en Afrique bien avant la promulgation de la loi, elle mettait déjà un terme définitif à l’espoir de refuges et d’organisations LGBTQ en Ouganda, faisant l’objet de descentes ou de fermetures. C’est sans compter les « 100 cas d’attaques personnelles » signalés par DJ Mag.

 

Du côté de la scène électronique ougandaise

Enfin, la réalité, ce sont Nsasi, Tayo, Decay, Kampire et d’autres, qui la vivent vraiment. Toustes acteur·ices de la scène électronique ougandaise, et plus particulièrement de la capitale Kampala, ielles observent l’état politique de leur pays de loin. Ielles sont çà et là. Nsasi, membre de ANTI-MASS, réside actuellement à Londres dans un petit appartement, restreint à devoir prolonger l’attente autour de la sortie de son album pour le label du collectif Nyege Nyege, censé être dans les bacs en début d’année prochaine. C’est grâce, et en compagnie de Tayo, fondateur.ice de ANTI-MASS, qu’iel s’est retrouvé en Angleterre, loin des discriminations sexuelles.

Mais leur sécurité, c’est leur visa. L’article explique que les « deux producteurs sont très vigilants à ne pas faire de bruit lorsqu’ils travaillent sur des morceaux dans leur quartier londonien dense, car les plaintes pourraient avoir une incidence sur le statut de leur visa. »

 

 

Un lien qui reste

Ils veulent vivre, mais restent lié·es à leur pays et évoquent une expression discrète de leur personnalité qui, depuis la loi, est devenue impossible. Il y a des projets sur le tas, comme l’album de Nsasi, mais aussi Kampire, membre de Nyege Nyege, qui considère à présent la majeure partie de sa propre expression comme un « défi« .

Decay, DJ membre du même collectif, a elle récemment participé à la construction d’un nouveau centre d’art contemporain pour soutenir la scène de Kampala. Avec ce type de projet, elle « ne [veut] pas quitter l’Ouganda indéfiniment« , après être partie en tournée suite à l’adoption de la loi. Car oui, cette quête de liberté devient un problème de mobilité obligeant les Ougandais queer à fuir « vers des camps de migrants et des situations de vie instables au-delà des frontières » autant qu’elle devient de facto une limite artistique. Effectivement, les moyens de production et le matériel sont devenus sujets compliqués pour ces artistes émergents.

Dans le même temps, de nombreux Ougandais queer reçoivent du soutien grâce à un fonds GoFundMe créé spécialement pour la communauté LGBTQ ougandaise, et lancé par des organisations militantes et artistiques telles que #Hashtagwhatnext, Ugly Duck, misery et le festival Kallida, dont les deux derniers ont organisé une soirée de collecte de fonds en avril, avec des DJs d’Afrique et du Royaume-Uni.

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