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20 août 2018

Erratum : les débordements de Jackmaster au festival Love Saves The Day étaient bien plus graves qu’une histoire de bouilloire

par Clémence Meunier

On y a cru, on s’est fait avoir, aussi peut-être car c’était l’explication la plus potache : quand Jackmaster a posté un long message d’excuses suite à son « comportement inacceptable » au festival Love Saves The Day à Bristol en mai, et qu’une bonne partie des commentaires évoquaient en se marrant le DJ en pleine montée en train de déféquer dans une bouilloire, photo cul-nu à l’appui, on y a cru. Tout en relevant tout de même du coin de l’oeil une théorie bien plus grave d’un commentateur : Jackmaster aurait agressé sexuellement une bénévole. Sans preuve, sans réponse de la part du festival ni de l’artiste, qui ne rentrait pas dans les détails dans son message, impossible de porter ce genre d’accusation – tandis que bon, à part à Tefal, cette histoire de bouilloire ne faisait de mal à personne. Et pourtant… Dans un long message transmis à Resident Advisor, aux côtés de témoignage d’une bénévole anonyme et de l’équipe du festival, il explique : « Il n’y a pas de quoi rire de cette situation, et je n’ai pas écrit mon post pour me présenter sous un jour positif, loin de là. Mon comportement était grossier, sans scrupule et inapproprié auprès de nombreux membres du staff au festival – hommes et femmes – pendant un black-out lié à la drogue dans lequel je suis tombé après ma performance et avoir bu une substance appelé GHB. Le GHB, et sa variante le GBL, est une drogue avec laquelle j’ai des problèmes depuis quelques temps, et j’ai rechuté le samedi soir de Love Saves The Day : plutôt que de prendre ce qui pourrait être considéré comme une dose « normale » de GHB, j’ai été vu en boire directement à la bouteille. Pendant le black-out qui a suivi, j’ai essayé d’embrasser et d’empoigner des personnes contre leur gré. Je suis vraiment dégoûté et honteux de mon comportement, et ne souhaite pas utiliser mes abus de drogues comme une excuse de mes actions. Ce genre de comportement ne doit pas être toléré ». Il avoue ensuite avoir considéré se dénoncer à la police, avant de se mettre d’accord avec le festival pour s’excuser publiquement et ainsi espérer ne pas voir ce genre d’actions se répéter. « Rétrospectivement, mon message d’excuses était trop ambigu », poursuit-il, regrettant les nombreuses plaisanteries qu’il a généré. Il conclut : « par respect pour les personnes impliquées, je ne retournerai pas jouer à Bristol cette année. J’espère être de retour l’année prochaine ».

De son côté, la bénévole souhaitant rester anonyme explique que suite aux événements de ce samedi soir de mai, Jackmaster a rencontré les équipes du festival, dont certaines personnes qu’il a agressées ce soir-là. « La réunion était intense », se souvient-elle. « J’avais peur de le revoir, même s’il m’avait contactée avant ce face-à-face pour s’excuser. Avant même que nous commencions cette réunion, il a dit qu’il ferait tout le nécessaire pour que nous nous sentions mieux. Si nous avions voulu qu’il se rende à la police immédiatement, il l’aurait fait. J’ai pu voir et sentir qu’il était complètement sincère dans ce qu’il disait. Il a dit qu’il était dégoûté par son propre comportement, et que ces événements ont été un catalyseur pour lui, le poussant à opérer de vrais changements dans sa vie. A la fin de la réunion, Jack et nous étions tous d’accord pour dire que des excuses publiques pourraient aider à empêcher que ce genre de comportement se reproduise à nouveau dans cette industrie, et encourager les gens à intervenir plus rapidement s’ils en sont témoins ». 

Entre festivaliers ou en backstage, les problèmes de harcèlements et agressions sexuelles en festival sont légion. L’été dernier, le nombre de plaintes pour violences sexuelles dans ces contextes, pourtant sensés être festifs et bon enfant, était effrayant. En Suède, une plainte pour viol et quatre pour agression sexuelle ont été déposées lors du festival Sweden Rock. Le même été, toujours en Suède, quatre plaintes pour viol et vingt-trois pour agression (!!!) étaient enregistrées au Bråvalla, dont l’édition 2018 a de facto été annulée. Le problème n’est évidemment pas uniquement suédois : plus de plaintes y sont enregistrées car la définition de l’agression sexuelle y est plus large que dans la loi française, le dépôt de plainte y est plus systématique et les sujets du viol, de l’agression sexuelle et du harcèlement y sont plus librement discutés, ce qui explique les chiffres tristement impressionnants de nos voisins nordiques. Mais le problème ne s’arrête pas à la frontière. Voir un DJ de la popularité de Jackmaster avouer son comportement, sans se chercher d’excuses (tout en évoquant ce fléau qu’est le GHB/GBL) et appeler à la fin de ce genre de comportement, pourrait peut-être aider à faire changer les choses. Et tant pis si cette histoire de bouilloire faisait un peu plus sourire.

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