đ„ Fight Club : le nouveau black midi, pour ou contre ?
Un album, deux avis. Aujourdâhui sur le ring, le dernier album de black midi, CavÂalÂcade. Fight !
Chronique issue du TsuÂgi 140 : Free ParÂty StoÂry, disponible en kiosque et Ă la comÂmande en ligne.
Plus vivace que jamais, le revival post-punk briÂtanÂnique semÂble arrivÂer dans une secÂonde phase. ApreÌs des albums triÂomÂphants (les secÂonds disÂques dâIdles, Fontaines D.C. ou Shame, par exemÂple), voilaÌ que les fous sont laÌcheÌs. Squid frappe fort, Black CounÂtry, New Road meÌlange avec brio rock, jazz et klezmer. Mais dans tout ça, black midi brigue claireÂment la palme de forÂmaÂtion la plus barreÌe du royÂaume. ApreÌs un preÂmier disque deÌjaÌ bien givreÌ, on sâattendait aÌ les voir en heÌritiers tareÌs de The Fall. Et les voilaÌ qui sâattellent aÌ reÌhabiliter le jazz rock, dans lâesprit dâun Frank ZapÂpa. Ou eÌventuellement dâun Aquaserge sous steÌroiÌdes. De quoi francheÂment deÌtonner dans la spheÌre punk. Mais une fois le malenÂtenÂdu clarÂiÂfieÌ, que reste-t-il ? En preÂmier lieu, un disque touÂjours inatÂtenÂdu. PasseÌs la claque « John L » et son riff façon MahavÂishÂnu OrchesÂtra passeÌ au broyeur, on croise des balÂlades deÌcaleÌes, voire atmospheÌriques (« DiaÂmond Stuff ») pour terÂminÂer sur une valse jazzy grandilÂoÂquente. Avec ce senÂtiÂment dâurgence omnipreÌsent, le bien nommeÌ CavÂalÂcade sonne comme une fuite en avant dans le meÌlange des styles et regÂistres. En reÌsulte un disque deÌment. Et on a touÂjours besoin de ce grain de folie. De cette musique qui va trop loin. Dâautant que le reÌsultat est loin dâeÌtre abscons. Il faut eÌtre preÌpareÌ, certes, mais cette plongeÌe intense dans la folie a une verÂtu catharÂtique. Alors que le monde semÂble plonger dans lâabsurditeÌ, black midi le prend de vitesse, arboÂrant cette folie comme un cosÂtume. AinÂsi, ce disque tragiÂcomique foncÂtionne comme un miroir deÌformant, qui perÂmet de prenÂdre un peu de disÂtance. Et de bien deÌlirer au passage.
Antoine GailÂhanou
La magie du post-punk, du moins dans son accepÂtion conÂtemÂpoÂraine, tient aÌ peu de choses, aÌ une seule chose meÌme : son immeÌdiateteÌ. DiaÂmant brut et noir, il perd de son eÌclat deÌs quâune subÂstance eÌtrangeÌre lâapproche. Se lancer dans une CavÂalÂcade effreÌneÌe et conÂvoÂquer le jazz-rock, ce sous-genre deÌmonstratif qui est au jazz ce que lâEDM est aÌ la techÂno ou ReneÌ La Taupe aÌ John Coltrane, câest proÂposÂer aÌ lâauditeur deÌjaÌ reÌfractaire de se ripoÂlinÂer le conÂduit audiÂtif aÌ la soude causÂtique ou, dans les cas extreÌmes, aÌ ressenÂtir les meÌmes soufÂfrances que lors dâune staÂtion assise, nu, sur une planche de fakir chauffeÌe aÌ blanc par un troll sociopathe. Alors oui, chez black midi, ça joue. Les instruÂmenÂtaÂtions se font comÂplexÂes, les envoleÌes lyriques, mais la pluÂpart des titres sont dâune telle disÂsoÂnance quâon est incaÂpable de profÂiter plus de trente secÂonÂdes du brouhaÂha. SâeÌcouter lâinteÌgrale dâAutechre passeÌe aÌ lâenvers ou tenÂter de suivÂre les conÂsignes sanÂiÂtaires de Jean CasÂtex rend suÌrement moins fou quâun seul titre de CavÂalÂcade eÌcouteÌ aÌ lâendroit. Mais, car il y a touÂjours un mais, quand black midi sâextirpe de son post-punk pour neÌvrotiques, il devient audiÂble. Des huit titres de cette purge, trois ressorÂtent du chaos et renÂdent lâeÌpreuve moins difÂfiÂcile aÌ vivre : lâentraiÌnante « MarÂlene DietÂrich » et les treÌs longues balÂlades « DiaÂmond Stuff » et « AscendÂing Forth » (grand final de lâalbum), draÂmaÂtiques et apocÂaÂlypÂtiques dans leurs dernieÌres notes. Trois sur huit, câest peu, et pas suffÂisant pour appreÌcier un disque qui, au final, risque dâalteÌrer un peu plus notre santeÌ menÂtale. Covid + CavÂalÂcade = septieÌme cerÂcle de lâenfer.
BenoiÌt CarÂretiÂer
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