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©Juliette Abitbol
25 juin 2021

🥊 Fight Club : le nouvel album de Polo & Pan, pour ou contre ?

par Tsugi

Un album, deux avis. Aujourd’hui sur le ring, le nouvel album du duo Polo & Pan, Cyclorama. Fight !

Article issu du Tsugi 141 : 18 ans d’Ed Banger, en kiosque et en ligne.

Ces confinements successifs vous ont-ils changé? C’est la question récurrente que l’on retrouve dans ces pages. Et si on se l’appliquait à nous-mêmes ? Il est certain que sans la période grisée que l’on vient de traverser, au milieu de nos villes désertées par les effluves de fêtes et les effusions de foule en délire, nous aurions sans doute eu un regard beaucoup plus acéré sur ces, souvent très naïves, chansons de l’innocence retrouvée qui constituent le menu du second album de ce duo parisien. Il aurait été facile de sortir le bazooka pour dézinguer ici un single à l’allure de BO pour pub de déodorant («Ani Kuni »), là un rap-disco à l’eau («Tunnel »), ou là encore l’orient de carte postale («Oasis ») sans oublier la reprise, flûtiau compris, de la musique du film Le Grand Blond avec une chaussure noire signée par le désormais culte Vladimir Cosma. Eh bien non. On a encaissé sans frémir. C’est donc avec une grosse banane, irradiés d’ondes positives, que l’on a traversé l’écoute de ce Cyclorama. Avec l’impression de se retrouver un peu béat, comme lorsque l’on redécouvre à la télé un vieil épisode de Bob l’Éponge ou de T’Choupi. Mais ce n’est pas un hasard si depuis son premier album Caravelle (2017), le tandem Paul Armand Delille (Polo) et Alexandre Grynszpan (Pan) n’a cessé de remplir des salles de plus en plus grandes et de plus en plus complètes, jusqu’au légendaire festival californien Coachella. Quoi de plus rassurant, dans une époque agitée, promise même à la destruction climatique, que de se plonger dans ces compositions garanties sans prise de tête, qui mélangent exotisme, production disco, mélodies tirées en direct de la variété française 70s et easy-listening sous MDMA? D’où l’incontestable effet « feel good». Avec une légère crainte sur la durée de péremption. Est-elle supérieure à celle du vaccin contre la Covid-19? Pas grave, on n’aura rien contre une piqûre de rappel.

Patrice Bardot

 

Comme l’affirmait en son temps d’un air grave l’illustre Roger Gicquel: «La France a peur. Je crois qu’on peut le dire aussi nettement. Oui, la France a peur et nous avons peur, et c’est un sentiment qu’il faut déjà que nous combattions.» Peur du virus, peur des variants, peur de l’autre, besoin de réconfort, de tendresse, de plats régressifs… Mais tout ceci n’excuse en rien que l’on se transforme en bisounours, en Fluff sur pattes ou en adepte de la câlinothérapie. Car oui, la France souffre. Elle souffre aussi d’avoir succombé au côté doudou de la musique électronique, à la «deep forestation» des formats, aux mélodies gentillettes et, affirmons-le, à la niaiserie arborée avec fierté. Assez de couchers de soleil, d’épaule contre épaule et de baisers volés en se regardant avec l’œil torve de l’ovin qui vient de naître. On n’est pas dans La Boum 2 que diable. Soyons honnêtes, nous n’avons rien contre Polo & Pan, qui produisent sans doute aucun leur musique avec honnêteté, sans calcul – le remix de leur «Gengis » par Red Axes en 2019 avait trouvé à de nombreuses reprises le chemin de nos enceintes. Mais voilà, célébrer comme ici « l’esprit » des années 1970, sa légèreté, ses dessins animés, ses mélodies cul-cul ou son disco light passé à la moulinette de la béatitude, n’a jamais fait partie de nos fantasmes. C’est oublier un peu vite les pulls en lycra et la couleur orange mise à toutes les sauces. Alors oui, Cyclorama est joli, on y retrouve de vieilles lunes comme Pierre Richard, le fantôme de l’immense François de Roubaix (et un titre réussi en la personne de «Tunnel », avec Channel Tres aux vocaux), mais se fader quatorze titres d’une pop easy-listening délavée nous réjouit autant qu’un plat de navets bouillis. On dit toujours que si on n’aime pas quelque chose, il ne faut pas en dégoûter les autres. À en croire le succès de Polo & Pan, les autres vont aimer. Grand bien leur fasse.

Benoît Carretier

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