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10 avril 2017

« Interpassion », le nouveau morceau « géo-pop-litique » de Yelle

par Clémence Meunier

Parler de politique en musique : l’exercice n’est jamais, ô grand jamais, simple. Plusieurs écoles s’affrontent. Les amoureux de chansons à texte d’abord, de Léo Ferré, de Brassens, de Jean Ferrat, quitte à s’empêtrer dans les hommages, les références, sans jamais réussir à tutoyer les « maîtres ». A l’opposé, le politique à la Disney : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et ça donne « We Are The World ». Et puis il y a les absurdes, les doux rêveurs, les rigolos-gentils. Yelle et Grand Marnier, qui à eux deux, au chant et à la production, forment le groupe Yelle – on a tendance à parfois l’oublier – font partie de ceux-là. Adeptes des jeux de mots et des doubles sens, le tandem abandonne le temps d’un morceau la lecture entre les lignes pour s’adonner à un nouveau jeu : la géo-pop-litique. Ou comment aborder un thème qui fait parler à toutes les machines à café du monde en ce moment – le vivre ensemble, Trump, le multiculturalisme menacé, etc – sans tomber dans la leçon de conduite ou dans la récupération de combats importants à des fins commerciales (coucou Pepsi !). Non, « Interpassion » est juste une ritournelle amusante, fraîche, sur une production ultra-dansante et qui semble tout simplement dire « aimez-vous les uns les autres, bisous ». Enjoué, on est alors allé poser quelques questions à Yelle et Grand Marnier.

Qu’avez-vous voulu faire avec ce clip d' »Interpassion », très simple et graphique ? 

Grand Marnier : Ce n’est pas un clip dans le sens traditionnel du terme, il n’est pas narratif. On voulait simplement des images pour accompagner les paroles, filmées à la verticale – les gens pourront le regarder sur leur téléphone sans avoir à le tourner. On voulait surtout quelque chose qui colle au morceau en terme de fraîcheur, de rythmique, avec les paroles qui s’affichent très simplement. Cette année, on essaye d’adopter une nouvelle démarche : on fait un morceau, on le sort. Il y a un mois, on ne savait pas qu’on allait sortir un nouveau titre.

Yelle : On a voulu garder ça simple, en tournant dans le gymnase à côté de chez nous.

Grand Marnier : On aurait pu sortir un clip Benetton, avec plein de figurants… Mais ce n’est pas le but, ça aurait été trop long, et cliché. Pour « Ici & Maintenant » aussi, on a voulu alléger le process : des potes nous ont dit qu’ils étaient partants pour faire une vidéo à Los Angeles, on a pris nos billets d’avion et on a sorti le clip peu après !

Du coup, « Ici & Maintenant » et « Interpassion » ne sont pas les deux premiers singles d’un nouvel album ? 

Grand Marnier : Cette année, on va sortir des morceaux, comme ça. On pensera à un album plutôt l’année prochaine. On a déjà sorti trois disques, en enchaînant ensuite avec des tournées partout dans le monde… Un album, une tournée, un album, une tournée : ce n’est pas que cette cadence soit déplaisante, mais on avait envie de changer.

Yelle : On ne voulait pas tomber dans une routine, un schéma, retrouver toujours les mêmes scènes… Bien qu’on adore ça, on souhaitait se mettre un peu plus en danger.

Grand Marnier : C’est ce qu’on exprime aussi dans le morceau « Ici & Maintenant » : vivre le moment présent, sans se projeter en avant ou en arrière. Le fait d’avoir notre propre label, Recreation Center, nous permet ça. Dès le deuxième album de Yelle, j’ai trouvé le format un peu lourd, et long.

Yelle : Oui, c’est long ! Ton album est déjà terminé mais il faut encore attendre, car le label veut modifier des trucs, il faut qu’il soit mixé, faire des choix entre des morceaux… Tandis que là, c’est hyper excitant.

Et puis tu dois te sentir un peu plus en phase avec les paroles que tu chantes, en tout cas beaucoup plus qu’avec un morceau qui sort deux ans après avoir été écrit… 

Yelle : Oui bien sûr ! Alors évidemment, quand on écrit quelque chose, on ne change pas complètement d’avis sur la question en deux ans, mais en effet, le fait de le sortir vite rend le propos plus frais. « Interpassion », c’est vraiment ce qu’on peut ressentir en ce moment.

Grand Marnier : On voulait sortir ce morceau avant les élections. Yelle n’a jamais été un groupe engagé politiquement, du moins pas de manière explicite, mais on peut aussi exprimer nos idées de manière ludique, comme un morceau d’Alain Souchon qu’on aime beaucoup, « Vous êtes lents », qui parle d’Europe, ou « Zoolook » de Jean-Michel Jarre – ça dit quelque chose, sans donner des leçons, tout en suggestion. En l’occurrence, « Interpassion » est beaucoup plus direct. Quand Julie chante « J’aime les gens / Je trouve ça bien / Quand on s’fait tous des câlins », c’est exactement ce qu’on veut exprimer en ce moment, à l’heure où tu as un Trump au pouvoir et des élections françaises hyper lourdes.

Yelle : Ça peut sembler naïf et ne pas avoir de poids, mais on trouve qu’il n’y a jamais trop de messages de paix et d’amour.

Grand Marnier : Et autant d’habitude il y a des doubles lectures dans les textes de Yelle, autant celui-ci est assez direct. C’est aussi pour ça qu’on a mis les paroles en gros dans la vidéo, pour que ce soit très clair, un peu comme si on faisait de la politique.

Vous citez Mafalda dans les paroles, pourquoi ?

Grand Marnier : Mafalda est une héroïne de BD de l’Argentin Quino, une petite fille passionnée de géopolitique. Elle a toujours des commentaires sur sa situation de citoyenne du monde, et ça rejoint ce qu’on voulait faire sur « Interpassion », en inventant ce mot, peut-être un peu tiré par les cheveux, de « géo-pop-litique » : exprimer des idées géopolitiques, qui est un terme lourd, de façon ludique – on trouve que tous les thèmes lourds ne sont pas obligatoirement à aborder de manière dramatique.

A quand le prochain morceau ?

Grand Marnier : On n’a pas particulièrement prévu de planning, toujours dans cette idée d’être spontané. Mais vu notre cadence de production on peut se dire qu’il y aura sûrement quelque chose cet été, même si ce n’est pas encore vraiment établi !

 

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