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©Daniel Swan
12 juillet 2021

🔊 Inter[re]view : Aprùs la club music ? Il y a le prodige Koreless et ce 1er album passionnant

par Tsugi

AprĂšs des dĂ©buts trĂšs prometteurs, le jeune Koreless a voulu frapper un grand coup pour son premier album. Il lui aura donc fallu six ans de tentatives, d’échecs, d’expĂ©rimentations, pour finalement aboutir Ă  un coup de maĂźtre : ce Agor, Ă  la fois ambient, electronica, dubstep, classique, et bien d’autres choses. Mais avant tout passionnant.

On peut vite se perdre dans les mĂ©andres de la composition. Koreless, lui, y a passĂ© six ans. Et ça valait le coup. Le jeune Lewis Roberts grandit au Pays de Galles, loin de la musique Ă©lectronique. Il y a bien cet oncle londonien excentrique, qui lui fait dĂ©couvrir les titres phares d’Ibiza, mais c’est en dĂ©mĂ©nageant en Écosse Ă  18 ans qu’il s’immerge dans ces musiques. « Cette musique Ă©pique, apocalyptique mais aussi mĂ©lancolique, Ă©tait hors de propos dans la campagne galloise » explique-t-il. Il dĂ©couvre alors la dubstep, les clubs, et tout un univers. TrĂšs vite, il sort ses premiers titres en tant que Koreless, et devient le jeune prodige du post-club. AprĂšs une poignĂ©e d’EP et singles remarquĂ©s, il se lance en 2015 dans son premier album. Pour l’achever seulement aujourd’hui.

« Je me suis mis la pression, l’album devait ĂȘtre bon, et pour moi, cela voulait dire passer beaucoup de temps dessus. »

Car Koreless voulait faire les choses bien. Trop, peut-ĂȘtre. « Je me suis mis la pression, l’album devait ĂȘtre bon, et pour moi, cela voulait dire passer beaucoup de temps dessus ». Le travail Ă©tait mĂ©ticuleux, menant certains titres Ă  connaĂźtre des centaines de versions diffĂ©rentes. « J’avais le sentiment qu’il fallait tout essayer. En fait, l’album a Ă©tĂ© fait en deux phases. Une premiĂšre trĂšs compulsive, trĂšs longue, oĂč j’essayais tout, contrĂŽlais tout. Puis j’ai passĂ© une semaine Ă  mixer ça Ă  New York avec un ami. Les morceaux n’étaient pas vraiment terminĂ©s, mais avaient besoin que quelqu’un dise qu’ils Ă©taient finis. MalgrĂ© tout, il en manquait encore pour finir l’album, et la seconde moitiĂ© du disque a Ă©tĂ© faite bien plus rapidement. Je me suis beaucoup dĂ©tendu ». Pourtant, malgrĂ© quelques frustrations durant la premiĂšre phase, « la crĂ©ation Ă©tait toujours trĂšs joyeuse ».

En rĂ©sulte un album tiraillĂ©, Ă  la fois prĂ©cis et libre. Le disque impressionne surtout par la quantitĂ© d’influences brassĂ©es, poussant jusqu’aux musiques Ă©lectro-acoustiques d’un Pierre Henry ou la musique traditionnelle japonaise, « qui ressemblent Ă  la dubstep, au fond, dans leur maniĂšre d’utiliser l’espace ». C’est justement cette densitĂ© sonore qui vient placer ce disque dans l’hĂ©ritage d’une musique de club, tout en allant bien au-delĂ . Mais il en retient surtout cet Ă©quilibre Ă©motionnel particulier ; cette ligne « entre l’euphorie, une innocence juvĂ©nile, et l’angoisse », sur laquelle Koreless joue les funambules. Tout le disque est fait de contrastes, stylistiques et Ă©motionnels, donc, mais aussi dans les structures, les sonoritĂ©s. « Je finis toujours par travailler avec des oppositions trĂšs fortes », nous faisant basculer sans cesse dans des univers nouveaux, foisonnants.

« J’avais le sentiment qu’il fallait tout essayer. »

Une autre opposition structurante du disque est celle entre humain et synthĂ©tique, incarnĂ©e par cette voix fĂ©minine dans plusieurs titres, purement artificielle. Le musicien aime ces « voix crĂ©Ă©es en laboratoire, lisses, sans personnalité », en assumant leur cĂŽtĂ© irrĂ©aliste. Cela n’empĂȘche pas l’émotion, en particulier une profonde mĂ©lancolie. Plus largement, l’artiste Ă©vite le plus possible l’emploi des sons de batterie, l’amenant Ă  trouver des moyens toujours ingĂ©nieux pour amener de la densitĂ© Ă  ses morceaux, tout en restant trĂšs aĂ©rien, Ă  la frontiĂšre de l’ambient. À force de balancer, Koreless a trouvĂ© un Ă©quilibre rare, toujours en mouvement, Ă  la limite de l’explosion. Avec un contrĂŽle parfait.

©Daniel Swan

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