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@David Garbi Lopez
11 septembre 2020

Inter[re]view : Avec ce (trop) bon maxi, Regina Leather n’est pas ce qu’elle prétend être

par Léonie Ruellan

Regina Leather. Fraîchement débarqué sur Voam – le label du duo Karenn (Blawan et Pariah) – un mystérieux nom qu’on n’avait jamais vu nulle part. Pourtant, à l’écoute du maxi Portraits Of A Collective Hallucination, impossible que cela soit l’œuvre d’un débutant, trop mature et porteur de cette folie subversive que l’on obtient lorsqu’on se cache derrière un alias et qu’alors tout est permis. On découvrira que derrière Regina Leather se cache en réalité l’Italien Paolo Di Nola, plus connu en tant que Cosmic Metal Mother, l’un des visages de la nuit italienne et berlinoise. On lui a demandé de nous raconter ce disque.

Regina Leather

©David Garbi Lopez

Son nom ne vous dit peut-être rien, pourtant Paolo Di Nola n’est pas un nouveau né dans la scène électronique, au contraire, il joue dans la cour des grands. En 1987, il fonde le club Devotion à Rome et importe ainsi la house américaine dans la capitale italienne. Il lance ensuite son label PANACUSTICA puis déménage à Berlin pour devenir l’un des visages de la nuit berlinoise, notamment en tant que résident des soirées Buttons, qui se tiennent chaque mois dans l’un des meilleurs clubs de la ville, l’About Blank (ou pour être plus exact, le « :// about blank »).

Sous le nom de Cosmic Metal Mother, le DJ touchait au disco, à la dance music voire à l’indie dance, comme on peut l’entendre dans l’EP Italian Cowboy qu’il sortait en 2012. Avec l’EP Portraits Of A Collective Hallucination et sa techno à résonance industrielle, on le reconnait difficilement, ce qui n’est pas étonnant car Regina Leather ne semble pas très attaché au passé :  « Je ne vois pas l’utilité d’accumuler du matériel du passé, puisque les choses dégagent une réelle énergie qu’au moment M où elles sont créées. » D’où la logique de changer de style, et de nom : « Le nom Regina résonne mieux avec ce que je fais maintenant, et je pense qu’un prénom féminin célèbre l’un des nombreux genres qui s’expriment en moi ».

« Le nom Regina résonne mieux avec ce que je fais maintenant, et je pense qu’un prénom féminin célèbre l’un des nombreux genres qui s’expriment en moi »

Avec cette nouvelle patte techno, il tape dans l’œil de Blawan et Pariah alias Karenn, souverains de la techno indus britannique au début des années 2010, désormais à la tête du label Voam. « Blawan et Pariah m’ont contacté après avoir entendu quelqu’un jouer le titre « Comunicazione Uno ». Ils m’ont demandé si j’avais autre chose en stock, je leur ai envoyé des tracks et ils ont sélectionné ce qui compose l’EP. Je suivais déjà les sorties de Voam avant qu’ils me contactent, j’ai toujours trouvé qu’ils avaient une approche de la techno plus qu’unique, et très proche de mon univers. »

Regina Leather VOAM

Artwork par Sean Bell

Des expériences, des codes musicaux que l’on casse, c’est ce qu’on peut constater à l’écoute des quatre tracks de Portraits Of A Collective Hallucination. Peut-être serait-ce le résultat de son voyage au Japon, source d’inspiration pour l’artiste qui a été « immergé dans un environnement très futuriste ».

Lorsqu’on demande à Regina Leather de nous décrire sa création, il nous répond qu’il s’agit simplement et uniquement de techno, et semble peu convaincu de l’étiquette industrielle qu’on souhaite lui coller : « Les gens donneront toutes sortes d’étiquettes à cet EP afin de le catégoriser et d’en faire ainsi un produit vendable, mais en réalité, c’est simplement une autre expression de la techno. Je n’appartiens d’ailleurs à aucune scène en particulier, je pratique dans mon coin, je suis un loup solitaire et un marginal convaincu. »

« Je n’appartiens à aucune scène en particulier, je pratique dans mon coin, je suis un loup solitaire et un marginal convaincu. »

Portraits Of A Collective Hallucination se veut porteur d’un message transgressif, dénonçant l’aliénation de l’humain dans notre société industrialisée : « Le nom de l’EP est une métaphore qui décrit la manière surréelle dont nous vivons sur cette planète. Le réchauffement climatique est désormais considéré comme normal, j’ai l’impression que nous vivons dans une réalité altérée. Mais la pandémie nous force à regarder de plus près notre comportement, à adopter des modes de vie alternatifs et à non seulement accepter mais aussi engendrer le changement. L’histoire derrière les tracks, c’est envisager une planète où il fait bon vivre pour tout le monde, à travers un monde imaginaire idéal et sans machines, et une société différente, davantage basée sur l’interaction humaine et l’empathie. » De sages paroles dignes du loup solitaire qui roule sa bosse dans l’électro depuis plus de 20 ans.

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