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Otzeki à Rock en Seine (Crédit Photo : Olivier Hoffschir)
11 septembre 2018

Interview : Otzeki, ces inconnus que les festivals s’arrachent

par Corentin Fraisse

Otzeki? C’est qui? D’abord une histoire de famille. Un duo de pop électronique venu d’outre-Manche, formé par deux cousins : Mike Sharp au chant et aux guitares, Joel Robert aux claviers et aux machines. D’abord influencés par le rock et le blues, de Tom Waits à Jimi Hendrix, ils forgent aussi leur culture avec des comédies tournant autour de l’univers DJ comme It’s All Gone Pete Tong de Michael Dowse et Human Traffic de Justin Kerrigan, décortiquées ensemble à l’adolescence pendant leurs vacances en famille : ils se découvrent une passion commune pour la musique électronique. Après leurs deux maxis Falling Out (2016) et Sun Is Rising (2017), ils écument les routes et les festivals notamment en France, à Nuits Sonores, Fnac Live, Printemps de Bourges ou aux Vieilles Charrues. En avril dernier ils publient Binary Childhood, un premier album élégant à la croisée de la pop, du rock et de l’électronique élu album du mois dans notre numéro d’avril. A quelques heures de leur concert brillant et fédérateur à Rock en Seine sur la scène de l’Industrie, Tsugi a profité d’une interview sous le soleil pour en savoir plus sur cet intrigant duo.

A chaque fois qu’on vous demande l’origine du nom Otzeki, vous donnez une réponse différente. Qu’est-ce que ça va être aujourd’hui? Ce nom a-t-il seulement une vraie signification?

Joel : Pas du tout, c’est un nom complètement inventé autour duquel on aime créer le mystère.

Mike : C’est un nom mystérieux, comme une fable et on peut y associer plein de choses très différentes. Plus qu’une réflexion, plus qu’une projection… C’est tout simplement Otzeki.

Comment avez-vous commencé à jouer ensemble? Quand a réellement germé l’idée de former un groupe?

Joel : On faisait déjà de la musique tous les deux régulièrement, comme on est cousins il venait souvent chez moi. Et puis plus tard quand on a eu 20 ans, Mike était dans un groupe qui n’avait plus de batteur : donc un jour il m’a proposé de venir répéter avec eux chez lui. Je suis arrivé avec mes machines, ma boîte à rythmes et on a commencé à faire des boeufs… Ca a démarré comme ça.

A cette époque, qu’est-ce qui influençait le plus votre musique?

Joel : On est beaucoup sorti dans des clubs tous les deux, on a beaucoup fait la fête entre Londres et Berlin, dans des endroits qui passaient surtout de la musique électronique donc je pense que ça été une énorme influence pour nous… On a commencé à coller des textes sur des compos toujours électroniques, puis en rajoutant de la guitare ça a apporté une touche nouvelle, une nouvelle dimension.

Mike : Je pense que le groupe est parti d’influences majoritairement rock pour se diriger vers une musique de plus en plus électronique. C’est typique pour un premier album : certaines chansons sont si vieilles pour nous qu’on arrête de les jouer en live, pourtant elles doivent avoir leur place dans le disque. Elles sont le témoin de notre évolution.

Justement, en avril vous avez sorti Binary Childhood. C’est votre premier album et il est difficile à ranger dans un seul style… Il y a des chansons pop avec des sons plus dancefloor, des influences techno, des morceaux downtempo plus sombres qui font penser à Darkside (par exemple le titre « Walk On ») : quelle était l’idée principale, la ligne directrice de cet album?

Mike : On voulait que l’album reflète notre éclectisme. Les goûts musicaux très différents qu’on a développés à l’adolescence, pour finalement grandir et en sortir. C’est cette idée qui a donné le titre de l’album Binary Childhood : tu peux choisir d’être un jour rockeur, un autre jour producteur techno… Mais en fait tu es tout à la fois.

La plupart de vos chansons sont mélancoliques. On le sent dans vos boucles et vos riffs de guitares, dans quelques accords soul au piano (« Are You For Real?« ) avec une voix claire par-dessus. Diriez-vous que vous faites de la musique mélancolique?

Joel : Franchement, je ne pense pas ! On peut créer une musique, une ambiance très sombre et réussir à en faire quelque chose d’heureux avec un impact clairement positif. « Sombre » ne veut pas nécessairement dire « mélancolique ».

Mike : Pour moi c’est surtout cathartique. Ce n’est pas pour se complaire dans la mélancolie, c’est plutôt l’idée de canaliser une émotion dans quelque chose de positif. C’est intéressant parce que si on réunit un groupe de personnes avec la même forme de mélancolie, c’est en fait un environnement très positif. Par exemple si tu prends la techno, tu trouveras beaucoup de morceaux très sombres et hypnotiques mais c’est souvent pour en ressortir une sensation énergique, atmosphérique, flamboyante. La techno peut être mélancolique mais en l’écoutant, le public peut avoir un goût de paradis.

Vous aimez inclure des sons organiques dans vos chansons. Par exemple dans « Sun Is Rising », on entend un bruit lourd, comme un marteau qui se fracasse contre un mur. Pourquoi cet attrait pour les sons organiques dans vos compositions? 

Joel : J’adore le mélange des sons digitaux et organiques. Depuis toujours j’ai été attiré par les textures brutes et réelles qui s’imbriquent dans la musique électronique.

Mike : Je crois qu’on pense souvent en termes de décoration et d’architecture du son. C’est intéressant de placer une construction artificielle, ou au moins quelque chose de très soigné qui ne colle pas forcément avec le reste, qui n’a rien à faire là… Comme un accident et ça semble irréel. C’est comme si tu te baladais seul dans une forêt et que tu tombais sur un énorme miroir parfaitement rond, flottant au-dessus du sol ou pendu aux arbres : ce serait un moment incroyable. C’est une idée qu’on aime transposer dans nos compos : prendre un environnement et y greffer des sons qui semblent à l’opposé complet, mais qui finalement collent bien. 

Vous avez produit un remix de « Deadcrush » d’Alt-J (dans une compilation de 8 titres) : comment avez-vous pris part au projet et comment avez-vous composé ce remix?

Joel : Notre manager a réussi à nous inclure au projet et on a tout de suite été emballés ! C’est surtout Mike qui a fait le remix. C’était l’année dernière en France pour deux semaines pendant l’été, on jouait aux Vieilles Charrues alors Mike a composé ça dans une petite maison en Bretagne.

Mike : J’ai composé dans le train, le casque sur les oreilles… Et aussi dans cette petite maison bretonne. Pour moi c’était un challenge personnel : je voulais caser plein d’idées dans une chanson assez courte. Le morceau s’appelle « Deadcrush », ça m’a inspiré cette idée de compresser énormément de pensées, d’accidents et de souvenirs dans une temporalité très réduite. 

Pour vous, c’est quoi le concert parfait? 

Joel : Un de mes meilleurs souvenirs de concerts c’était à Nuits Sonores à Lyon. Il y avait une telle excitation dans le public, ça a forcément ressurgi sur nous sur scène. Quand il y a ce genre de connexion avec le public, tu embarques les gens en voyage et tu ressens toute cette émotion, l’engouement général… Et c’est absolument génial.

Mike : J’ai adoré Pete the Monkey (Haute-Normandie), c’était incroyable ! De manière générale, cet été a été complètement dingue. Je ne peux littéralement pas mettre de mots sur ce qu’on a vécu, personnellement ça m’a retourné le cerveau. Quand tu te retrouves dans cette position où t’as tellement voyagé, rencontré énormément de gens, tu ne sais pas par où commencer.

Quand Mike se glisse dans la foule de Rock en Seine (Crédit Photo : Olivier Hoffschir)

Quand vous êtes en tournée, trouvez-vous toujours le temps et l’inspiration pour écrire et composer? 

Joel : Récemment on a rencontré un groupe qui nous a parlé du logiciel VCV Rack, un modulateur de synthétiseurs. Et ça m’a rendu addict ! J’ai beaucoup appris à synthétiser, à construire mes morceaux différemment, seulement sur mon ordinateur portable.

Mike : Quand on est sur la route, on ne peut pas chanter parce qu’on voyage surtout en train. Cela fait au moins six mois que je n’ai pas écrit de chanson, c’est très étrange. Mais en termes de composition et de production, quand on est dans l’avion et qu’on voit par la fenêtre une vue magnifique et extra-large, c’est un très bon moment pour écrire. Parce que tu peux t’imprégner du moment et de l’environnement. Ca débouche souvent sur des titres très ambient, comme des musiques de films. Voyager en train, c’est parfait pour écrire de la musique électronique, parce que tu ressens plein de petites choses qui passent très rapidement. Et la musique imite fatalement ce que tu ressens. Etre en tournée, c’est la meilleure occasion de composer avec son environnement.

Quels sont vos prochains projets? 

Joel : On va déjà écouter beaucoup de musique, pour garder l’excitation et continuer à trouver l’inspiration.

Mike : On ne peut pas vous dire ce que c’est mais on va vraiment prendre une direction sensiblement différente. Mais je pense que pour le moment, on va être être épuisés en rentrant chez nous !

Crédit Photo : Andy Willsher

Retrouvez Otzeki en concert au festival Détonation de Besancon le 29 septembre, à La Liberté A Rennes en compagnie de Her le 5 octobre et à la Maroquinerie le 5 décembre.

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