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LB aka Labat | © Juliette Valero
10 avril 2025

LB aka LABAT, 1000 anecdotes après son set à Panoramas | INTERVIEW

par Siam Catrain

Lors du festival Panoramas à Morlaix, on a échangé avec LB aka LABAT lorsqu’il sortait de scène. Alors que la pression redescend, on se pose en loge avec ce DJ lyonnais mêlant techno et rap. On discute, on rigole, on vous le présente.

LB aka LABAT c’est un son, une technique et des lunettes de vitesse. Difficile de passer à côté de sa house et sa techno déconstruites avec la précision d’un beatmaker hip-hop. Depuis ses machines, il sample vinyles soul et rap old school, pour les twister en grooves musclés, souvent breakés et toujours dansants. Sa méthode évoque autant le diggeur acharné que le producteur de club affûté, capable d’aligner des tracks aux textures organiques, teintés d’acid et une techno de Détroit, injectant une belle tension rythmique.

 

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Avec Poumpet Records, il bouscule la temporalité du release formaté, sortant un track par mois jusqu’à 2023, tous aussi généreux que débridés. Cette cadence effrénée ne sacrifie jamais la générosité de ses sets, ses respirations et ses montées. En bas, de la scène du Panoramas, on le rencontre cinq minutes après son intense performance. Moment idéal pour se poser, respirer et de debriefer un peu cette soirée.

 

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LB aka Labat | © Olga Varova

Dans quel état d’esprit étais-tu avant de monter sur scène ? Tu avais déjà une idée des morceaux que tu allais jouer ?

Je ne me prends pas trop la tête avant un set. Trop réfléchir n’est jamais une bonne idée. Il m’arrive d’avoir une ou deux intros en tête. Ce sont souvent des thèmes issus des animés, notamment ceux associés aux personnages maléfiques :  es musiques sont toujours incroyables, très épiques. Elles me donnent l’impression d’entrer dans une bataille.

 

La musique plus « hard » que tu as jouée ce soir, est-ce une nouvelle direction que tu veux explorer sous le nom LB aka LABAT ?

J’ai effectivement joué un set un peu plus intense et rapide, principalement pour répondre à l’énergie du public. Le set d’Étienne de Crécy, juste avant moi, était plus calme. Je me suis dit que c’était l’occasion d’apporter une nouvelle dynamique et de rompre avec une certaine linéarité. J’en ai aussi profité pour explorer un style encore inédit sur cette scène.

 

Tu as ressenti une pression particulière; à l’idée de jouer après Étienne de Crécy ?

Pas vraiment. Je l’ai seulement croisé rapidement derrière les platines. Mais j’ai une anecdote à ce sujet : je suis originaire de Strasbourg. À l’époque, j’allais à la Fnac pour acheter des vinyles… enfin, pour être tout à fait honnête, cette histoire commence mal : j’y suis allé pour en voler. (rires) J’avais alors volé un coffret vinyle d’Étienne de Crécy, contenant tous les Super Discount. Il valait 85 €. Je me suis fait prendre. C’était la première fois que je volais quelque chose. On m’a dit : « Soit vous payez, soit on appelle la police. » Mais je n’avais pas d’argent, sinon je les aurais achetés. Heureusement, un ami est venu payer à ma place. Je le remercie encore aujourd’hui. J’ai toujours ces disques chez moi.

 

Ce soir, la fusion entre rap et hard techno dans ton set a marqué les esprits. Quel est ton lien avec le rap ?

Cette combinaison me stimule énormément. C’est vraiment ce que je préfère. Le rap, tout comme le disco, m’a beaucoup influencé. Bien sûr, j’ai évolué vers d’autres styles plus électroniques, mais je reste très attaché au rap. Chez moi, je n’écoute quasiment jamais de musique électronique, uniquement du rap. Je continue à faire des recherches dans le rap français, mais je suis davantage attiré aujourd’hui par la trap américaine ou britannique, comme Playboi Carti ou Ken Carson.

 

« Dans une autre vie, j’aurais adoré être rappeur. »

 

Tu as déjà envisagé de rapper toi-même sur scène, à la manière de MCR-T ?

J’en ai très envie ! Mais on ne peut pas tout faire. J’aimerais également faire du rock, avoir un groupe… J’ai envie de tout. Il faut savoir choisir ses moments. Peut-être que je m’y mettrai à 50 ans. Devenir rappeur en revanche, c’est maintenant ou jamais.

Dans ma scène, il n’y a encore que très peu d’artistes qui le font, à part MCR-T. Et il le fait tellement bien que je me sentirais presque imposteur. Alors que lorsque je joue, je n’ai jamais ce sentiment. L’écriture est un vrai travail, il faut réussir à dire des choses intéressantes, éviter de parler pour ne rien dire. Il y a tellement de codes et d’héritage dans le rap.

Pour moi, le DJ set est le bon terrain pour intégrer du rap : un morceau hip-hop avec un bon kick fonctionne très bien. Comme je ne fais jamais de concerts classiques, uniquement des fêtes, c’est aussi un moyen de partager ce genre qui me touche particulièrement.

 

LB

LB aka Labat | © Olga Varova

Ça ne te donne pas envie d’aller voir sur scène les artistes que tu écoutes ?

Malheureusement, je manque de temps. Je n’arrive même pas à me dégager un moment pour regarder des séries ou des films. « J’ai une vie horrible, enchaînée à la musique. Au secours. » (rires) Plus sérieusement, cela fait longtemps que je n’ai pas assisté à un concert.

Mais j’ai une anecdote à ce sujet : la dernière fois que je suis allé à un concert de rap, c’était à Lyon, pour voir Pi’erre Bourne, le producteur des deux premiers albums de Playboi Carti. J’étais très motivé. Je suis arrivé au Ninkasi, et j’étais sans doute l’un des plus âgés. Je me suis installé, j’ai mangé un burger, bu une bière… Le cliché du trentenaire qui se prépare à un concert. Autour de moi, les jeunes étaient complètement défoncés, l’air saturé par la fumée de weed.

C’était mon premier concert de rap depuis longtemps, alors je me suis dit : « Je vais me mettre au premier rang. » Je me suis faufilé, la première partie était excellente, le DJ passait uniquement du Playboi Carti. J’ai fini dans des pogos avec des gamins. Mais ensuite, il y a eu une pause. J’ai commencé à avoir chaud, je suis allé chercher un verre… et black-out. Je me suis réveillé allongé dans les toilettes, dans une flaque de pipi, avec un ado qui me secouait en me demandant si tout allait bien. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Peut-être l’odeur, ou juste trop de stimuli d’un coup. Je crois que je ne suis plus fait pour ça. (rires)

 

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C’est assez surprenant, quand on connaît ton style de musique !

Justement. J’ai énormément de respect pour les personnes qui se placent juste devant les sound-systems. Je ne peux plus faire ça. Quand je vais voir des sets, je me place toujours à l’arrière, là où le son est plus doux et où on trouve de l’eau.

Bien sûr, je vais encore voir des amis jouer. Mais lors de concerts ou de sets, il y a une vraie déformation professionnelle. Je n’arrive plus à profiter comme quelqu’un qui découvre simplement la musique, sans arrière-pensée. Quelqu’un qui n’est pas DJ. C’est normal, un peintre analyse aussi les œuvres dans un musée. Je me pose mille questions : « Pourquoi a-t-il fait ça ? », « Comment a-t-il lancé ce morceau ? », « Pourquoi est-ce que ça fonctionne si bien ? ». Ce sentiment de liberté que j’avais en écoutant de la musique en live, je le ressens surtout en festival. C’est là qu’on entend des sons différents, et c’est ce qui fait la force d’un festival : sa diversité.

 

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Quel festival t’a justement donné cette sensation ?

J’étais en tournée aux États-Unis et on a terminé par le CRSSD Festival à San Diego. On est arrivé à 14 h, je jouais à 18 h, et le festival fermait à 1 h du matin. On a tout fait. J’en ai parlé à mon meilleur pote qui était avec moi : ça faisait longtemps que je n’avais pas simplement profité d’un set. J’ai été vraiment marqué par Ben UFO, et aussi par le set de Justice.

 

C’est une nouvelle source d’inspiration. On dit souvent qu’on est influencé par ce qu’on écoute à la maison. Qu’est-ce qu’on entendait chez toi ?

Du Garou ! (rires) Notre-Dame de Paris. La musique électronique elle, est venue par mon grand frère. J’avais sept ans quand il a eu ses premières platines. Il devait en avoir seize. Il écoutait beaucoup de hip-hop, et il faisait même un peu de scratch.

Un jour, sans que je sache vraiment pourquoi, il m’a prêté ses platines avec toute sa collection de disques. Je les ai branchées, et petit à petit, ça s’est installé. J’avais environ 12 ans quand j’ai posé mes premiers vinyles. J’ai acheté un ou deux disques et organisé une soirée à la maison avec des potes du collège… sauf que je n’avais que deux disques. La soirée a duré dix minutes. Les transitions étaient catastrophiques. (rires)

 

Tu te souviens d’un de ces disques ?

Oui, un en particulier. Je l’avais acheté chez Strictly Rhythm. C’était « Higher State of Consciousness » de Josh Wink. J’étais à Montpellier à cette époque, et je suis allé chez un disquaire. Je ne savais pas du tout quoi prendre, j’avais 10 € sur moi, et j’étais hyper impressionné. Comme dans tous les disquaires, un disque tournait sur la platine. Je l’ai pris.

Après, on a écouté du Digitalism, du Justice, du Daft Punk… Puis on a commencé à acheter de la minimale allemande avec un pote. Ensuite, on s’est intéressé au sample dans le hip-hop. On a traversé une vague jazz, soul, funk, disco, pour comprendre d’où venaient les sons samplés.

 

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Sur le festival, on m’a dit que tu mixais depuis tes 15 ans. Qu’est-ce que le Labat ado penserait du DJ ultra-booké que tu es devenu ?

Je pense qu’il serait content, et qu’il l’a un peu imaginé. J’avais collé un miroir derrière mes platines, et je me demandais : « Si je joue devant 10 000 personnes, qu’est-ce que je fais avec mon bras ? » (rires)

 

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LB aka Labat | © Olga Varova

Tu te souviens de ta première transition réussie ?

Avec mon pote Étienne (big up) à l’époque, on jouait uniquement en vinyles. Mais on ne comprenait pas encore bien le fonctionnement. À chaque fois qu’une transition passait bien, on notait les valeurs de pitch. Par exemple : « Quand le morceau de droite est à -3 et celui de gauche à +1, ça fonctionne. » Sauf que ça ne marche évidemment pas comme ça. On notait toutes les combinaisons, mais on n’arrivait jamais à les reproduire. Jusqu’à ce que ça rentre, petit à petit.

Même si j’achète encore des vinyles, ça fait deux ou trois ans que je n’en joue plus en set. Les conditions sont devenues trop complexes. Il faut que le disque sonne bien, que la préparation soit impeccable, il faut aussi du matériel adapté et des techniciens qui savent gérer tout ça. Comment le brancher ? Comment éviter le rumble ? Ce soir, par exemple, avec les basses, ça aurait été impossible. Le disque aurait sauté en permanence. J’aurais fini par jouer de l’ambient expérimental. (rires)

 

Comment tu te sens après un set ?

Il me faut toujours cinq à dix minutes pour redescendre. Il faut laisser retomber la dopamine. La dernière fois que c’était aussi intense, c’était lors d’un all night long au Sucre. Là-bas, c’est un peu chez moi. Il y avait beaucoup de mes amis, et le booth était presque au centre de la salle, en 360°. On aurait dit une arène de gladiateurs. C’était intense. J’ai perdu deux kilos en sueur. Après ça, j’étais dans un autre état, sur une autre planète. Mais c’est vrai, c’était sept heures d’affilée.

 

Comment on garde de la surprise sur un set aussi long ?

Je fais quelques respirations, mais je ne passe pas brutalement d’un style à un autre. En général, le set reste intense sur toute la durée. L’important c’est de ménager aussi des moments plus doux, pour laisser le public respirer.

 

C’est quoi la suite, pour LB aka LABAT ?

Je travaille sur mon prochain album, qui devrait sortir dans quelques mois. Je suis très heureux, ça fait un an et demi que je suis dessus. Surtout pour la première fois, je ne le fais pas seul dans ma chambre.

C’est un projet collaboratif avec plein d’artistes incroyables : des producteurs, des collab, des gens que j’ai rencontrés… Ce projet m’a fait comprendre qu’un bon album, celui auquel tout le monde croit, ça demande un vrai travail d’équipe. Il faut penser à tout : direction artistique, vision globale, sessions studio, production. J’ai découvert un nouveau monde et notamment celui du studio.

 

Le studio, c’est impressionnant au début ?

Oui un peu. J’avais peur d’être jugé, qu’on pense que je n’étais pas au niveau. Finalement ça s’est très bien passé. Mais c’est vrai qu’on peut vite se sentir intimidé quand on n’a jamais mis les pieds dans un studio !

 

Ton expérience de DJ t’a-t-elle aidé ?

Ce sont deux métiers très différents. Certains ne font que l’un ou l’autre d’ailleurs. Être DJ ça forme l’oreille, ça donne des clés pour comprendre comment construire un morceau. À la base, je ne suis pas musicien. J’ai des instruments chez moi, mais pour sortir quelque chose de qualité, ça me prend quinze fois plus de temps. Et pourtant j’adore ça.

 

Une future carrière de guitariste en vue ?

Carrément ! Pourquoi pas, un back-to-back avec José Gonzalez. (rires)

 

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LB aka LABAT est parti en quête d’une galette-saucisse, mais pas pour longtemps. Un album est en préparation les fourneaux. S’il est à la hauteur de ce teasing, on n’a qu’une hâte : l’écouter tout bientôt. 

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