© Tristan Loper

Le crépusculaire pionnier grunge Mark Lanegan est décédé à 57 ans

Pio­nnier du grunge réin­ven­té en blues­man ténébreux, Mark Lane­gan s’est éteint le 22 févri­er chez lui en Irlande à l’âge de 57 ans. Le musi­cien améri­cain avait été mem­bre des Scream­ing Trees et de Queens Of The Stone Age, tout en menant une remar­quable car­rière solo.

Son par­cours était mar­qué par la tragédie. Issu d’une famille pau­vre, il tombe dès l’adolescence dans l’alcoolisme et la délin­quance. La musique lui offre un salut. Impres­sion­né par Jef­frey Lee Pierce et son groupe The Gun Club, il lance sa pro­pre for­ma­tion en 1984, The Scream­ing Trees. Avec un son rugueux et som­bre, le groupe est pio­nnier du mou­ve­ment grunge, notam­ment avec son pre­mier album, Clair­voy­ance, en 1986. Instal­lé à Seat­tle, il fait la ren­con­tre de Kurt Cobain et Kris Novosel­ic de Nir­vana. Ensem­ble, ils mon­tent l’éphémère The Jury en 1989, dédié au réper­toire du blues­man Leadbelly.

Dans la foulée de ce pro­jet, Lane­gan sort son pre­mier album solo en 1990, The Wind­ing Sheet, plus blues et moins agité que son groupe. Ce dernier, porté par les suc­cès de Nir­vana et Pearl Jam, acquiert une cer­taine notoriété, en par­ti­c­uli­er avec l’album Sweet Obliv­ion en 1992. Mal­heureuse­ment, ce suc­cès per­met seule­ment au chanteur de s’adonner à ses addic­tion autode­struc­tri­ces. Héroïne, alcool, il use son corps, pas­sant non loin d’une ampu­ta­tion du bras en 1992. C’est seule­ment en 1997, après la fin des Scream­ing Trees, qu’il suit une cure de dés­in­tox­i­ca­tion, payée par Court­ney Love.

C’est le début d’une sec­onde car­rière pour l’imposant chanteur. Loin du grunge, il se réin­vente en Tom Waits cav­erneux. Il pro­duit des albums blues sou­vent pas­sion­nants, et jamais ratés. S’il est ques­tion d’affronter ses démons, dans des chan­sons tour­men­tées, son œuvre pos­sède égale­ment une cer­taine lumière tou­jours présente. En par­al­lèle, il mul­ti­plie les col­lab­o­ra­tions auprès d’artistes var­iés : War­ren Ellis, Moby, Tinari­wen, PJ Har­vey, Wax Tai­lor ou même Gérard Manset font appel à sa voix rauque. Il crée égale­ment un duo avec la chanteuse écos­saise Iso­bel Camp­bell, échap­pée de Belle And Sebas­t­ian, et devient mem­bre à part entière des Queens Of The Stone Age entre 2000 et 2005, pour­suiv­ant la col­lab­o­ra­tion avec Homme jusqu’en 2013. Une vie plus sage, donc, mais égale­ment très prolifique.

Géant écorché, Lane­gan sem­blait égale­ment han­té par le syn­drome du sur­vivant. Échap­pé d’une scène grunge décimée, après avoir mené une vie d’excès, il expri­mait sou­vent avoir con­science de sa chance. Dans le deux­ième vol­ume de son auto­bi­ogra­phie, Dev­il In A Coma, paru en décem­bre dernier, il racon­te son com­bat con­tre le Covid-19 con­trac­té en mars 2021, qui l’avait plongé dans le coma. Le voilà qui rejoint désor­mais ses plus vieux amis. La pluie d’hommage ayant suivi l’annonce de sa mort témoigne a elle seule de l’impact du chanteur. Iggy Pop, Anton New­combe, Peter Hook, Bad­ly Drawn Boy, John Cale, les Sleaford Mods… Tous ont pleuré le décès d’un musi­cien rare.

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