©Jacob Khrist

Le Péripate est mort, vive le Péripate

Une page se tourne. Le Peripate-Freegan Pony, occu­pant orig­inel du lieu sous le périphérique du 19e arrondisse­ment de Paris, n’a pas rem­porté l’ap­pel à pro­jet lancée par la munic­i­pal­ité en décem­bre dernier pour repren­dre la con­ces­sion. Elle en con­fie désor­mais les clés au col­lec­tif FAWA pour cinq ans, trois anciens mem­bres du club alter­natif, qui doit d’abord se charg­er de remet­tre le squat aux normes et main­tenir l’i­den­tité du lieu. Le Peripate-Freegan Pony était une asso­ci­a­tion cul­turelle et surtout un club, sol­idaire et lib­er­taire, porté par Aladdin Charni depuis 2015. Situé dans une sorte de hangar de 1 000 mètres car­ré sous le périphérique, le lieu rég­nait en maître dans le milieu de la nuit parisi­enne indompt­able et débridée.

Le jour, le Freegan-Pony était un restau­rant sol­idaire ser­vant des repas à prix libre pour les plus dému­nis. La nuit, le Péri­pate se trans­for­mait en tem­ple des fêtes les plus déjan­tées de Paris où pen­dant 15 heures cha­cun pou­vait se défaire de ses vête­ments et de ses mœurs. Seule­ment voilà, le hangar n’é­tait pas aux normes, ce qui lui a valu une pres­sion de la part de la munic­i­pal­ité ain­si qu’une dénon­ci­a­tion pour con­cur­rence déloyale, en juin dernier, par le SNEG & Co, le syn­di­cat des lieux fes­tifs & de la diversité.

Pour­tant, avant d’en arriv­er à la fer­me­ture défini­tive, Aladdin Charni et les mem­bres de son asso­ci­a­tion se sont bat­tus pour récolter les 900 000 euros de finance­ment néces­saires à la mise aux normes ERP (étab­lisse­ment rece­vant du pub­lic). Refu­sant éthique­ment tout spon­sor­ing de la part de mar­ques d’al­cool, le Péri­pate est par­venu à récolter 153 000 euros de sub­ven­tion de la part de la munic­i­pal­ité ain­si que 30 000 euros de la part de par­ti­c­uliers suite à un appel aux dons. Ce ne fut pas suff­isant. Sans une remise aux normes, inter­dic­tion d’or­gan­is­er des soirées. Sans soirée, pas de finance­ment néces­saire à la remise aux normes. Rideaux.

Mais le lieu n’est pas mort pour autant. Le col­lec­tif FAWA, gag­nante de l’ap­pel à pro­jet, est portée par trois femmes habituées du Péri­pate : Camelia Ben, Jane Sargos-Vallade et la DJ Cor­beille Dal­las. Dans un com­mu­niqué de presse, elles ont annon­cé que leur pro­jet allait vis­er “le développe­ment d’ini­tia­tives alter­na­tives, sociales et écologiques, à tra­vers l’or­gan­i­sa­tion d’événe­ments cul­turels, sol­idaires et culi­naires.” Aus­si, il leur tient à cœur d’en­vis­ager les “deux ver­sants de cette iden­tité comme devant com­mu­ni­quer l’un avec l’autre afin de créer et de ren­forcer le lien social.”

Le Peri­pate, vide / © Luc Bertrand

Con­crète­ment, elles souhait­ent rou­vrir rapi­de­ment le restau­rant sol­idaire. Ensuite, elles pro­jet­tent d’or­gan­is­er deux soirées par mois afin de préserv­er l’o­rig­i­nal­ité pre­mière du lieu. Avant cela, il va fal­loir que la déci­sion de la mairie de Paris soit accep­tée par son Con­seil. Puis, il s’a­gi­ra d’en­tre­pren­dre les travaux req­uis con­cer­nant la mise aux normes du site, notam­ment en matière de sécu­rité et de ven­ti­la­tion. Quant à Aladdin Charni, con­tac­té par la rédac­tion, il se passe de com­men­taires : “Je recherche l’a­paise­ment et je ne leur souhaite que de la réus­site et du courage.” Du côté de la marie de Paris, le dis­cours est égale­ment à l’en­cour­age­ment par la voix de Frédéric Hoc­quart, adjoint à la nuit et la cul­ture : “L’aventure con­tin­ue avec un pro­jet de Restau­ra­tion sol­idaire et respon­s­able, créatif, fes­tif, noc­turne et féminin.”

Le défi est de taille pour le col­lec­tif FAWA car ce hangar désaf­fec­té, îlot intem­porel aux aspects de club berli­nois under­ground, fait par­tie des derniers bas­tions de la fête baroque, sauvage et libre de la capitale.

©Jacob Khrist

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