© M. Tchakmakdjian / C. Fraisse / F. Mayolet

Live report : La Magnifique Society 2023, jardin royal sous soleil de plomb

Don­ner son coeur avec un bou­quet d’fleurs : ohlala, c’est Mag­nifique !” La Mag­nifique Soci­ety était de retour en ce dernier week-end de juin, pour prou­ver que Reims reste une terre prop­ice aux sacre­ments de rois et de reines. Trois nou­veaux jours pleins de ten­dresse, de (bonnes) sur­pris­es musi­cales et de grandes con­fir­ma­tions, sous une chaleur écras­ante… Chaleur qui a peut-être un peu entamé l’én­ergie de cer­tains festivaliers.

Bon­heur de retrou­ver la Mag­nifique Soci­ety après une édi­tion record en 2022, où le le parc de Cham­pagne avait accueil­li 26 000 fes­ti­va­liers dans un week-end chargé de bonnes ondes et de grands lives.

magnifique royal garden

© B.BARTHOLET

Au vu de la nou­velle pro­gram­ma­tion cette année, on était de toute évi­dence sur du grand-public (plutôt que de l’un­der­ground) et une volon­té inter­na­tionale. Comme on ne se refait pas, de notre côté on a évidem­ment passé pas mal de temps sur la seule des trois scènes à ne jamais pren­dre de pause : celle du Roy­al Gar­den, LA scène élec­tron­ique de la Mag­nifique. La struc­ture cir­cu­laire, club à ciel ouvert, avec des enceintes autour per­me­t­tant une spa­tial­i­sa­tion par­faite. Ladite scène changeait de ban­nière chaque jour : Nova ven­dre­di soir, Pan African le dimanche avec la présence de Derek Debru, créa­teur du fes­ti­val Nyege Nyege… et Tsu­gi Radio le same­di. Fierté.

Au Roy­al Gar­den donc, on aura notam­ment vu Bonne Nuit à demain ouvrir dès le ven­dre­di, avant l’ex­cel­lent set de Yuk­sek et son Dance’o’­Drome en b2b avec Mari­na Trench… Le dimanche Croustis­bass invi­tait entre autres Niz, Vod­kako­ka et Mon­jules… Et évidem­ment le same­di était orchestré par la team Tsu­gi Radio, de 14h jusque tard dans la nuit, d’abord Moon­shin­ers avec Panteros666, puis La Mverte et ses tracks suin­tants de sen­su­al­ité, suivi par le duo Japon­ais Don­go­rizu for­mé par un MC, Mori et un pro­duc­teur, Chomo. C’é­tait la belle sur­prise du same­di, juste avant de laiss­er place aux reimois du col­lec­tif La Forge, qu’on retrou­ve eux aus­si puisqu’ils étaient déjà là l’an­née dernière, avec tou­jours autant de fougue et de volon­té de partager, de com­mu­nier avec le pub­lic présent ‑à l’aide de sam­ples aus­si éloignés que “Mag­a­len­ha” de Ser­gio Mendes et “Wel­come To Jam­rock”. Profitez-en pour regarder la vidéo Insta­gram qui résume ce week-end au Roy­al Gar­den !

magnifique la forge

© B.BARTHOLET

magnifique royal g

© A.MASSIN

 

Côté con­certs sur les deux autres scènes, les lives ont ryth­mé le week-end. Sur la scène Club Trot­ter, on est restés pen­dus aux lèvres de Clara et aux boucles syn­thé­tiques d’Ar­mand du duo Agar Agar, ambiance entre new wave et rave 90’s, portée par un syn­thé mod­u­laire qui transperce la peau. Coup de cha­peau à “Trou­ble” qui, défini­tive­ment, fonc­tionne bien en live. Et que dire de leur scéno, avec cet immense rocher aux grands yeux rouges qui s’ou­vrent et se refer­ment ? Flip­pant à souhait.

On l’a écrit plus haut, le fes­ti­val a voulu renouer avec des ambi­tions inter­na­tionales. En témoigne par exem­ple la présence de Rema, super­star pop-afrobeat venue du Nige­ria, les Japon­ais de Don­go­rizu et deux pro­jets qui nous ont inter­pelé : d’abord Jan Ver­straeten, qui a débar­qué sur scène maquil­lé de blanc et coif­fé d’or­eilles de Mick­ey ros­es. D’ailleurs tout le groupe qui l’ac­com­pa­gne est vêtu de rose, de la bassiste au bat­teur en pas­sant par le trio de cordes frot­tées. Côté musique c’est solaire, une pop chic des plus effi­caces avec, çà et là, des cordes dis­co grandil­o­quentes à la ABBA. Comme un live de Jamiro­quai, sans un chanteur qui en fait des caiss­es. Et alors s’il ramène un ours en peluche de 2 mètres 50 ‑tou­jours rose‑, on ne peut que fon­dre pour le Fla­mand. Profitez-en pour écouter l’in­téressé, au micro de Tsu­gi Radio peu après son show :

 

magnifique verstraeten

© J.DERA

On s’est fait cueil­lir au moment où on s’y attendait le moins : ce fut devant Lova Lova, début d’après-midi sous la chaleur écras­ante. On a vu débar­quer ce punk de Kin­shasa, vêtu d’un kilt écos­sais et des même ailes que Buzz L’É­clair ‑le fameux duo gag­nant ? Son énergie sur les planch­es est folle, le jeu de scène habité, la voix est droite et le mon­sieur sait crier (ce qui n’est VRAIMENT pas don­né à tout le monde, croyez-nous sur parole). Il offre une reprise de “I Wan­na Be Your Dog” des Stooges, avec de vrais bouts de Lin­gala dedans… Dans l’as­sis­tance les hanch­es se déco­in­cent, tout doucement.

Phoenix a égale­ment offert un moment de partage et de nos­tal­gie, com­mençant par l’hymne “Lisz­to­ma­nia”. Puis suiv­ront “Armistice”, “If I Ever Feel Bet­ter”, “Enter­tain­ment” devant un immense visuel de la galerie des glaces… Le chanteur Thomas Mars le dit lui-même entre deux chan­sons : “je voudrais bien par­ler, mais on a 7 albums et une heure de musique”. Ici on sait tenir un pub­lic, la scéno­gra­phie est grandiose, et le tra­vail sur les lumières est admirable : c’est pas Ver­sailles, ici ? Un live plein, com­plet, qui a envoyé du bois et ren­du hon­neur au duo basse-batterie, impec­ca­ble tout du long.

 

 

magnifique phoenix

©️ F. MAYOLET

 

Ont suivi trois grandes dames de la pop chan­tée en français, nou­velle généra­tion. D’abord Angèle, dont le live nous a un peu déçu, peut-être pour la pre­mière fois. Depuis les pre­mières chan­sons et les pre­miers lives, on est assez sub­jugués (on n’est pas les seuls) par les mélodies intel­li­gentes et par le poten­tiel pop d’Angèle. Mais depuis le dernier album 95, depuis le feat avec Dua Lipa, depuis Coachel­la, le change­ment de dimen­sion de la Belge nous déroute. C’est joli et pro­pre, le show est cal­i­bré, les dans­es sym­pa, mais c’est car­ré et lisse. Donc très froid au ressen­ti. Qu’im­porte, une bonne par­tie du pub­lic a eu l’air de s’en satisfaire.

En revanche, Aya Naka­mu­ra n’a pas déçu. La dernière fois qu’on l’avait vue sur scène, c’é­tait en 2019 à We Love Green. Alors le con­traste a été sai­sis­sant : depuis, elle vend des dis­ques dans le monde entier et rem­plit des stades. Son spec­ta­cle dégouline d’as­sur­ance, de chorés et de tableaux entre danseurs et cho­ristes, d’orches­tra­tions kom­pa avec une bat­terie qui claque… Et quand on a 450 tubes que le pub­lic peut repren­dre en choeur, c’est tout de suite plus facile. Qu’on aime ou pas, dif­fi­cile de nier le charisme et la pro­gres­sion d’Aya Naka­mu­ra. Queen.

magnifique aya

©️ F. MAYOLET

Mais l’im­mense claque/confirmation du week-end, c’est Zaho de Sagazan. Si vous lisez régulière­ment Tsu­gi, vous savez qu’on suit son tra­vail, que son album La Sym­phonie des Éclairs nous a plu. On vous avait même racon­té son con­cert au Tri­anon. Mais le jour­nal­iste qui écrit ces lignes n’avait pas encore vu Zaho sur scène… Com­ment vous expli­quer le choc ? Ce con­cert fut une vague d’é­mo­tions, où Zaho a fait preuve d’une justesse d’in­ter­pré­ta­tion assez déroutante. Parce que la jeune chanteuse et son groupe sem­blent avoir pen­sé chaque sec­onde de ce show. D’abord cela vous enveloppe et vous cap­tive, puis on vous balade entre émo­tion franche et dans­es cathar­tiques. Quelle voix, et que de grandes chan­sons. “Sans tristesse, dit-elle entre deux titres, je n’au­rais pas d’al­bum (…) Ma sen­si­bil­ité c’é­tait sur mon piano, ça créait de jolies mélodies, et c’é­tait tout de suite mieux que de pleur­er sur mon oreiller” Ce con­cert nous mèn­era jusqu’à une transe col­lec­tive, une invi­ta­tion au lâcher-prise. Zaho a réus­si à nous faire danser ET pleur­er en moins d’une heure. Plusieurs exploits d’un coup.

Le week-end se ter­min­era sur une liesse générale devant Louise Attaque et son chanteur emblé­ma­tique Gae­tan Rous­sel, impres­sion­nant chef d’orchestre. C’est le genre de con­certs qui réu­nit les petits (on a vu beau­coup d’en­fants, même de très jeunes dans des pous­settes) et les grands, les familles… Même ceux qui n’é­coutent pas de musique. Et en ça, c’est un pari haute­ment gag­nant pour la Mag­nifique Society.

On n’ou­blie pas le doux con­cert de Sofi­ane Pamart, mais aus­si Japan­ese Break­fast ou encore Kekra ! On préfèr­era ne pas se con­cen­tr­er sur la mol­lesse générale du pub­lic pen­dant le week-end, pour se focalis­er sur l’e­sprit de com­mu­nion et de partage qui tran­spire du fes­ti­val. Ce que beau­coup d’artistes n’ont pas man­qué de soulign­er lors de leur pas­sage sur scène. Mer­ci Reims, mer­ci la Mag­nifique, pour l’ac­cueil, l’am­biance, les décou­vertes. Et à l’an­née prochaine !

 



 

Pire moment : le cagnard inviv­able (on est passé tout près des inso­la­tions) et la demi-déception sur le live d’Angèle

Meilleur moment : le Roy­al Gar­den et Zaho de Sagazan, à égal­ité ! Le corps s’est délié, des larmes ont coulé