© Marion Flanda-Brown

Live report : Lana Del Rey en sweet rockstar à L’Olympia

Lorsque Lana Del Rey fait une escale en Europe, elle ne fait pas les choses à moitié. Rev­enue en France, la prétendue “gangsta-Nancy Sina­tra” était, exacte­ment 10 ans après, de retour à l’Olympia. Une salle et un con­cert à l’im­age de son dernier album qui explore le passé, le présent et le futur de sa vie et de sa musique.

En vis­ite à Lon­dres le 9 juil­let dernier pour le légendaire Hyde Park Fes­ti­val, où elle était en tête d’af­fiche, Lana Del Rey avait réservé une sur­prise de taille à ses fans européens : en annonçant des con­certs supplémentaires en Irlande, en Ital­ie, aux Pays-Bas et donc en France, sus­ci­tant une véritable effer­ves­cence par­mi ses fidèles. La date parisi­enne, annoncée à peine deux semaines aupar­a­vant (le 29 juin dernier pour un live le 10 juil­let, pour être précis) est enfin venue combler l’at­tente insouten­able des fans français, après l’an­nu­la­tion d’un con­cert com­plet à l’Ac­cor Are­na en 2020 pour des raisons de santé.

lana del rey

© Mel Mougas

Revêtue de son velours rouge vif, l’en­ceinte mythique d’une capacité de seule­ment 2900 per­son­nes — une frac­tion dérisoire de l’Ac­cor Are­na — a été le théâtre d’un con­cert à la fois explosif et vaporeux, offert aux chanceux qui ont obtenu le précieux sésame.

 

À l’Olympia comme à Bercy

Chanceux est bien le mot, téméraire également. Pour avoir une place, “c’était la guerre, je n’ai jamais vécu ça pour un con­cert. J’ai pris mon téléphone et deux ordi­na­teurs en jonglant sur différents sites” con­fie une fan quelques heures avant l’événement. Un autre atteste : “c’est vrai­ment dom­mage pour les per­son­nes qui n’ont pas eu de place mais je suis telle­ment heureux que le con­cert se passe ici, l’acoustique est excep­tion­nelle et l’ambiance bien plus intime”.

Si le show s’annonçait donc intimiste, il n’avait rien à envi­er aux plus grands con­certs. Aux abor­ds de la salle, une queue s’étend sur des kilomètres, avec les pre­miers de la file présents ‑pour certains- depuis la vieille. Une bro­chette de girls and gays à l’esthétique “coquette” (roman­tisme vic­to­rien) cra­ment sous le soleil parisien. On ne compte plus le nom­bre de fans en robes légères et avec des nœuds dans les cheveux, por­tant ‑bien sûr- des lunettes de soleil rouges en forme de cœur. Clin d’oeil au clas­sique de Vladimir Nabokov : Loli­ta (1955), dont Lana Del Rey s’est large­ment inspirée dans la création de son univers, lui dédiant même une chan­son dans son album Par­adise (2012).

18h30 les portes s’ouvrent, des sil­hou­et­tent courent, se bous­cu­lent et cri­ent dans l’e­spoir d’at­tein­dre le graal : la barrière. Les coquets devenus requins se tassent dans la fos­se, alors que la mez­za­nine se rem­plit au compte-goutte. La première par­tie, annoncée la veille, est assurée par Sofie Roy­er, artiste indie pop autrichienne-iranienne. Une cool girl à l’esthétique 70s chan­tant une pop nos­tal­gique et réconfortante, accompagnée de son violon.

 

lana del rey

© Mel Mougas

21h06 : les requins ont faim, après avoir détourné leur regard vers la chanteuse belge Angèle, présente dans le pub­lic, la foule se con­cen­tre à nou­veau sur sa proie prin­ci­pale, qui monte sur scène à 21h30 après sa demi-heure de retard dev­enue habituelle.

 

Sweet rockstar

Sur scène, les ombres de trois cho­ristes, une petite dizaine de musi­ciens et six danseuses se dis­cer­nent. Dans la pénombre, une musique épique accom­pa­gne un mes­sage sur l’écran de la scène : “Que dieu vous bénisse Paris”, alors que les hurlements des fans ren­dent presque inaudi­bles les notes glitch pop de son dernier tube en date : l’ex­cel­lent “A&W”. Lana décide de pass­er le début de la chan­son, une balade au piano, pour s’attaquer au vif du sujet, la trap entrainante et tapageuse de l’outro du morceau. La salle crie ‑comme elle le fera sou­vent le reste du concert- avec elle : “Jim­my, Jim­my, cocoa puff, Jim­my, get me high”.

La super­star appa­rait enfin, habillée à l’image de son pub­lic, vêtue d’une longue robe vic­to­ri­enne orangée, d’un imposant col­lier de per­les, en référence au troisième sin­gle de son dernier album “Can­dy Neck­lace” et de quelques dia­mants par­faite­ment disposés dans ses cheveux. Le décor est min­i­mal­iste, quelques miroirs dorés en fond de scène et une petite table sur laque­lle fig­ure une bougie rap­pel­lent un cabaret. Lana s’assoit, sa coif­feuse lui rajoute un noeud satiné dans les cheveux, pen­dant qu’elle joue cer­taines de ses plus belles bal­lades : “Bar­tender”, “The Grants” et “Chem­trails Over The Coun­try Club”

 

 

Comble d’émotion lors de l’enchaînement des titres embry­on­naires ‑devenus sainte tri­nité- de sa carrière : les fameux “Ride”, “Born to Die” et “Blue Jeans” que les spec­ta­teurs chantent en choeur (for­cé­ment), les yeux rivés sur l’écran dif­fu­sant un mon­tage retraçant les esthétiques de ses différents albums.

Elle enchaine sur 90 min­utes de con­cert, inter­pré­tant les plus gros succès de sa discogra­phie. Et il y en beau­coup. Ses influ­ences trap, folk, gospel et rock se mari­ent naturelle­ment offrant un live cinq‑étoiles, avec la chan­son éponyme de son dernier album, “Did You Know That There A Tun­nel Under Ocean Blvd” arrivant en tête. En pro­posant un moment rétrospectif aus­si intense que cru, Lana nous par­le et se par­le, à tra­vers ses paroles : “Don’t for­get me / When’s it gonna be my turn ?”

Con­cert de rock­star oblige : deux malais­es en fos­se, forçant l’artiste à sus­pendre le con­cert quelques min­utes, s’assurant telle une moth­er ‑comme l’appellent ses fans- que tout se passe bien. Elle clôture le live avec l’éternellement mythique “Video Games” qu’elle interprète sur une balançoire fleurie, volant presque au-dessus de la fos­se éblouie. L’écran annonce un dernier mes­sage : “Fin”, clôturant le film rétrospectif auquel nous venions d’assister. Prouesse vocale, riffs de gui­tare et émo­tion brute se sont intel­ligem­ment alignés, devant une foule nos­tal­gique quit­tant la salle les yeux humides et la voix inévitablement éraillée.