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© Bérénice Hourçourigaray
12 mars 2024

LIVE REPORT | ‘Re-tour’ de Flavien Berger à la Cigale

par Tsugi

Du 11 au 21 mars, Flavien Berger est en ‘Re-Tour’ à Paris, pour six concerts dans trois lieux différents, avant un petit tour d’Europe. Mini-tournée pour célébrer dix années passées à bidouiller la pop dans sa chambre comme sur scène, et la sortie de son 3e album Dans cent ans. L’occasion pour Tsugi, durant ce premier concert à La Cigale, de voir défiler sous ses yeux toutes les circonvolutions d’une musique aussi cosmique que maîtrisée.

Par Bérénice Hourçourigaray


Flavien Berger est un obsessionnel du temps. C’est un peu notre lapin blanc à nous, comme celui qui entraîne Alice au Pays des Merveilles. Il relie le monde réel à celui de l’imaginaire, éveille notre curiosité dévorante et on ne peut résister à partir à sa poursuite. Son mémoire de fin d’étude à l’Ensci (école de design à Paris) portait déjà sur le tableau Geochronmechane, The Time Machine From the Earth par Paul Laffoley (1935-2015), artiste américain atteint du syndrome d’Asperger, qui avait peint les plans d’une machine à remonter le temps.

Flavien Berger

Geochronmechane, The Time Machine From the Earth

Vaste programme qu’il décide d’encapsuler dans son univers musical, alors qu’il commence à faire de la musique en ‘contre-pratique’ pour se déculpabiliser de sécher les cours. Après Léviathan (2015) et Contre-Temps (2018), Dans cent ans (2023) est paru l’année dernière pour clôturer sa trilogie pop sur le temps passé, présent et futur.

Pour fêter ses dix ans passés sur scène, il a imaginé un ‘Re-tour’ et travaillé une setlist piochant dans un corpus s’étendant de 2014 à 2024. Nous y voilà, à la Cigale, devant la scénographie signée Juliette Gelli (qui l’accompagne sur le papier, sur écran ou sur scène depuis ses débuts) qui embrasse ce timelapse et les affinités futuristes de Flavien Berger. Les néons de lumière ne cessent de faire des clins d’œil à la DA de ses projets, passant des voiles de son tout premier EP Mars Balnéaire pour finir par le diablotin de la pochette de son dernier album.

Comme si l’émotion d’interpréter ses anciens morceaux ne suffisait pas, Flavien Berger les joue dans les salles qui ont marqué son parcours. De la plus grande, La Cigale, à la plus petite, Le Point éphémère, dont la jauge n’est -que- de 300 personnes. Sorte de pied de nez à la course au succès et à la croissance qu’entraîne l’industrie musicale, Flavien Berger souhaite retrouver une proximité avec son public. Il ne se lasse jamais de partager le même oxygène que la foule.

 

 

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Premiers succès, vieilles connaissances 

On retrouve donc ses premiers morceaux comme de vieux amis, extraits de deux superbes EPs sortis coup sur coup en 2014 : Glitter Gaze et Mars Balnéaire. À l’image des compositions de son ami Jacques, ses chansons compulsives et surréalistes qui, malgré leur phénoménale puissance, semblent bricolées avec des bouts de ficelles, sa musique est venue agrandir les frontières d’une scène électronique longtemps arc-boutée sur elle-même. Dans ‘Océan Rouge‘ ou ‘Les véliplanchistes‘, l’ADN de la musique de Flavien Berger est déjà là : musique symphonique, électronique, dans laquelle les voix ont toute leur place.

Mais Flavien ne se contente pas de nous livrer un mashup en ordre chronologique. Il réussit à créer des ponts entre ses projets, pour finalement dégager l’essence de sa musique. Le parallèle entre sa voix cristalline dans « Pamplemousse » (Contre-Temps, 2018) et celle de « Plongeureuse » (contrebande 02. le disque de l’été, 2024) révèle le volet plus calme de l’univers musical de Flavien Berger. Des morceaux languissants aux allures de poèmes, où les mots viennent colorier ses mélodies.

À lire aussi sur tsugi.fr : Flavien Berger en plein souvenir d’été sur ‘Plongereuse’


Viennent ensuite se distiller dans ce concert les compositions plus rocks de son premier album, signé chez Pan, Léviathan. C’est ainsi qu’il avait pu assurer les premières parties de la tournée de Christine and the Queens en 2015. Des Zéniths dans lesquels il a testé l’efficacité de ces morceaux et surtout, développer son sens de l’humour. Flavien Berger aime faire des blagues qu’il définit lui-même comme ‘ratées’ pour attirer l’attention. Ces interludes parlées sont devenus la marque de fabrique de ces propres concerts et marquent des respirations entre ses enchaînements souvent intenses.

Danses méditatives

C’est dans Léviathan que reviennent les changements de rythmes et d’ambiances de son morceau le plus connu : « La Fête Noire« . Flavien Berger étire non seulement les musiques mais aussi les sons, héritage de son travail de recherche sonore avec le Collectif sin~ avec qui il produit des installations, des projets video et travaille sur le concept de dream machines (en référence Brion Gysin et William S. Burroughs-. Ce titre réserve aussi le plus beau moment dansé de cette messe noire.

Flavien berger

© Bérénice Hourçourigaray

Pour reprendre une notion que Flavien Berger aime, celle de ‘momentum’ (instant clé), les pics d’intensité du concert sont venus sur ses interprétations de Contre-Temps. C’est peut-être aussi puisque c’est notre album préféré… Celui où le musicien- alors âgé de 32 ans- assume pour la première fois sa position d’artiste vadrouillant sur les sentiers d’un temps désarticulé. Un temps où le romanesque, l’absurde et le beau s’entremêlent, s’épousent, se disputent. « Brutalisme« , comptine pop bidouillée de deux amoureux qui se séparent, prie pour « un peu plus de minutes avant l’après ». Un peu comme nous, en écoutant le titre. Contre- Temps s’humanise aussi en intégrant dans ses musiques des bruits du quotidien (de radiateur, de cuisine..), archivés dans une banque de sons, équivalent sonore de son « herbier à mots ». C’est peut-être dommage que le musicien n’en intègre pas davantage dans son show.

En remontant les temps et en réduisant l’espace, Flavien Berger a réussi son pari de défier Stephen Hawking. Fin de trilogie, fin de tournée, fin de cycle, le tout en apothéose. Une seule hâte : que le phœnix renaisse de ces cendres. (Session de rattrapage dès ce vendredi à la Gaité Lyrique, si jamais)

Par Bérénice Hourçourigaray
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