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© Juliette Valero
6 novembre 2023

LIVE REPORT|Positive Education, fête dantesque et adieu à la Cité du Design

par Corentin Fraisse

Du 31 octobre au 4 novembre, Positive Education rendait une glorieuse fête d’adieu à la Cité du design avec près d’une centaine d’artistes, et une certaine idée de la fête. Et on peut dire que l’adieu fut plus que réussi. Récit d’un week-end électronique de feu en hangars, dans la Loire, à Saint-Etienne ! 

En septembre 1995 chez Soma Quality Recordings, sortait un double vinyle 12″ intitulé « Positive Education » par Slam, fondateur du label aux côtés de Dave Clarke. Un track de 8 minutes 40, aux sources de la techno bien au fond du temps, élégant et lancinant, vous menant tendrement vers la transe. Depuis 2016, Positive Education c’est surtout un festival électronique –déjà– reconnu à Saint-Etienne, qui fait tout pour se hisser vers ces standards. La fête, la transe, l’élégance et surtout la musique électronique au centre du débat. On ne change pas une équipe qui gagne, alors on a rempilé pour cette 7ème édition à la Cité du Design de Saint-Etienne. La dernière ici, d’ailleurs. Alors forcément, on voulait en être.

Sachez que le journaliste que je suis est né à Saint-Etienne, y a grandi et y reste, quelque part, très attaché. Alors faire Paris-Sainté, c’était la sensation de revenir au bercail. Même s’il a fallu endurer les soucis de métro, les bagages abandonnés dans le train, les travaux sur les lignes, les bus relais… Mais rien ou presque n’aurait pu entamer mon enthousiasme.

On débarque le vendredi mais le festival, lui, a démarré depuis mardi. On aura donc raté entre autres Zaatar, KINK, FJAAK, Tatyana Jane et Amor Satyr… Entre la Cité du Design et des performances plus ‘défricheuses’ à la Halle éphémère. On rejoint la Cité du design, fleuron et fierté stéphanoise au haut potentiel festif. Cette semaine, Positive Education se tient ici pour la dernière fois (l’an prochain, le festival déménage vers un nouveau coin de la ville). Ici c’est l’ancien site de la Manufacture d’armes, qui a définitivement fermé ses portes en 2001. On déambule entre de grands hangars vitrés, où se répartissent trois grandes salles, pour trois scènes imposantes.

 

Pas dans la dentelle

Parfois, le premier titre qu’on entend en découvrant un festival donne une certaine idée de la soirée qu’on va passer. Là, on tombe sur un remix quasi-eurodance par Del.Duc du « J’en ai marre » d’Alizée. Comme quoi, les règles sont faites pour être transgressées. Car cette première soirée à Positive Education (la nôtre, du moins) n’a vraiment pas fait dans la dentelle.

Un duo qui paraît inarrêtable est là pour le prouver en b2b. Voilà Olympe 4000 et Von Riu, respectivement boss d’Adrenaline quality et de Jerry Horny, deux labels centrés sur des influences différentes mais qui se rejoignent sur une chose : la fête sans compromission. Alors leur set commun pioche dans du breakbeat, de la techno pure, des percées un peu plus club, il y a de la trap, des sonorités dub, quelques rythmiques saccadées afro. L’intensité qu’Olympe 4000 et Von Riu envoient, pour l’heure qu’il est, ça n’a pas de sens. Il n’est même pas 22h30, ressenti 4h du matin.

Positive education olympe 4000 von riu

© Juliette Valero

 

Suivent DJ Bus Replacement Service et son masque en latex de Kim Jong Un. Toujours sympa. Voilà un original, tant dans l’apparence que dans le set. Car s’il vient de la techno et du hardcore, il incorpore des styles étonnants (par exemple yodel, donk russe…) et des bruitages très « cartoon bon marché »… Le coté bordélique-marrant faisait un peu tache entre les très intenses Olympe 4000 x Von Riu avant, et VTSS juste après. VTSS n’est pas venue pour blaguer. Pas le temps pour une montée en puissance, après 10 secondes la Polonaise, a tout envoyé d’un coup. Sa techno se joue vite et fort, brutalité x1000. Elle nous offre ce que la culture rave de l’Est a de meilleur entre indus, acid et EBM. Le hangar se remplit à vue d’œil.

Scène 2 pour retrouver la productrice et DJ lyonnaise Flore, prêtresse française de la bass music et boss du label POLAAR. Sa culture et ses goûts musicaux couvrent un territoire bien vaste, et elle le prouve une nouvelle fois avec un set aussi explosif que désinvolte.

Positive education flore vtss

Flore / VTSS © Juliette Valero

 

Entre ces sets, on se sera baladé pour aller découvrir le live AV de Toé, celui de Ténèbre ou encore Sentient. Et pour un tableau complet, on ajoutera plusieurs performances marquantes de ce vendredi soir : celle bien énervée de l’acid queen KI/KI (qu’on avait eue en interview il y a à peine un mois), fidèle à sa réputation ; celle hypnotisante de Donato Dozzy, qu’on a failli rater puisqu’on est tombés sur lui presque par hasard en croyant aller voir Forest Drive West (changement de timetable, les deux gaziers ont interverti leurs passages respectifs) ; ou encore celle d’Anetha en clôture, toujours aussi puissante, follement dansante… La boss de Mama Told Ya a encore frappé.

 

« Qu’importe l’endroit, on sera toujours là »

Ce samedi a commencé plus tôt. Qui dit Saint-Etienne, dit assez rapidement football, ASSE, poteaux carrés… Stéphanois de naissance, je suis forcément fan de l’ASSE, même si mon dernier match au stade date d’avant-COVID. Direction le mythique ‘chaudron’ du stade Geoffroy-Guichard pour un match à 15h, contre le Paris FC. Idéal. Saint-Etienne évolue désormais en Ligue 2 et après de très mauvais moments, l’équipe vient d’enchaîner dix matches sans défaite et peut se hisser à la première place de Ligue 2 -en cas de victoire aujourd’hui. On fête ce jour-là les 90 ans du club, dans un stade plein à craquer. Quel bonheur. En revanche sur le terrain, les joueurs de Laurent Battles galèrent, se cherchent sans jamais se trouver ou se comprendre. Sainté se fait cueillir à à la 72ème minute sur un but de Gory. 1-0, première défaite depuis le 12 août. Peu importe, comme le dit le chant « On va chanter, se déplacer rien que pour toi Sainté / Qu’importe l’endroit, le résultat on sera toujours là ». Amen.

Positive education geoffroy guichard

Geoffroy-Guichard © Corentin Fraisse

Le lien entre l’ASSE et Positive Education n’est pas innocent. Du tout, même. Dans le festival, les deux logos sont apposés sur les affiches, les écocups et sur les écharpes (qui ont eu un succès fou au merch’). Le nombre de personnes qui portent au moins un élément estampillé ASSE, c’est assez fou : maillots, pulls, écharpes, bonnets et bobs…

On entame la dernière soirée dans ce lieu mythique. La dernière séance, finalement. En arrivant, dans le premier hangar, impossible de louper le stand de prévention en allant vers la scène 1. Un « espace safe » est présent entre les salles. Au bar, on trouve de petits guides « comment ne pas être relou en soirée ». Et sur les murs s’affichent les visuels toujours efficaces de Act Right : « si ce n’est pas clairement oui alors c’est clairement non » ; « une main baladeuse, c’est une main courante ». Des choses essentielles.

Niveau musique on débute par un DJ-set de Jacky Jeane puis Nadia Fuchsia, stéphanoise d’adoption qui triture le son et tente de nous envoûter avec des incantations chamaniques. Scène 1 s’enchainent Mary B puis Desire, pour une ambiance rave et eurodance « cheesy-sucrée » assumée, comme un joli bonbon. La salle 3 est noire de monde pour Forest Drive West : on est content d’avoir assez vite nexté le live du duo Baraka, peut-être pas assez énergique pour ce que le moment exigeait. Vient le très très bon moment de la soirée avec le set commun de Jennifer Cardini et Pablo Bozzi : ça envoie vraiment fort et la fête est bien là. Ça tape dur tout en étant dansant, il y a des pianos, des rythmiques d&b… Un bonheur.

Jennifer Cardini et Pablo Bozzi

Jennifer Cardini et Pablo Bozzi © Juliette Valero

 

Belle découverte également avec M I M I, DJ basée à Bruxelles : sa musique est sombre comme il faut, basée sur des rythmiques et notamment des kicks bien lourds, bien gras pour coller à ce mood ‘hangar transpirant’. On quittera le festival après quelques crochet par les lives de Rrose (hautement contemplatif), Amnesia Scanner (live AV hautement immersif) et Objekt & Skee Mask (entre breakbeat, IDM, jungle, techno & ambient, avec une précision d’orfèvre).

Adieu la Cité du Design. Ce furent de belles années, qui ne s’oublieront pas. Rendez-vous déjà à la prochaine édition de Positive Education, dans un nouveau lieu donc. « Qu’importe l’endroit, on sera toujours là »

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Meilleur moment : ça se joue entre deux b2b, Jennifer Cardini X Pablo Bozzi et Olympe 4000 x Von Riu

Pire moment : se rendre compte qu’on est le chat noir de son équipe de coeur, ça ne fait jamais plaisir

 

positive education

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