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© Manu Fauque
16 septembre 2022

đź’ż Lomepal revient et joue double je(u) dans son nouvel album ‘Mauvais ordre’

par Bérénice Hourçourigaray

Avec Lomepal, on n’arrĂŞte jamais d’être des « MĂ´mes ». Mauvais ordre est un grand terrain de je(u). Il a recours Ă  la fiction, y glisse secrètement des moments d’introspection et s’amuse avec des instruments acoustiques. On a jouĂ© le jeu et c’Ă©tait jouissif. 

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La fiction au profit de l’introspection

© Manu Fauque

On l’avait toujours connu dans l’épanchement de soi, mais cet album signe une rupture. Lorsqu’on le rencontre, il va jusqu’à parler de « rejet » avec ses anciens disques. Il quitte les sentiments pour faire place Ă  la fiction. Évidemment que des bribes de son « vrai moi » sont incorporĂ©s Ă  ses morceaux. Mais quel est le vrai, quel est le faux ?  Pour une fois c’est Lomepal qui tient les rennes, « on n’a pas les mĂŞmes règles pourtant c’est le mĂŞme jeu » s’inverse.

« Skit it », le dixième morceau nous donne quelques clefs de ce processus crĂ©atif. Sorte d’interlude parlĂ©, la crĂ©ation de son personnage est mis Ă  nu. « Il  est fier et tout et en mĂŞme temps il est très seul », « il y a une seule meuf qui revient mais on ne sait pas si c’est son ex ou si c’est son idĂ©al ». C’est cette « femme parfaite« qui apparaĂ®t en gros plan sur la pochette pendant que Lomepal se fait tout petit. Mais comme l’indiquent subtilement les pixels de sa photo, ce n’est qu’une chimère. Et ce personnage a plusieurs facettes : l’un cherche Ă  rencontrer une fille, l’autre tombe amoureux, un troisième se fait larguer. Triple jeu.

 

 

La puissance de l’acoustique

« Envie de planter quelques tomates et de faire du son sans ordi » nous annonçait, d’entrĂ©e de jeu, l’artiste dans « Tee« . Dans Mauvais ordre, le tournant est engagĂ©. Fini l’autotune. On dĂ©couvre une voix plus pure : « Il y a moins d’effets sur les voix, il est plus assumĂ© et incarnĂ© dans le chant par rapport aux autres » nous confie le chanteur. Mais le rappeur n’a pas disparu pour autant. DĂ©jĂ  dans « Auburn » il affirmait son nouveau style, un dĂ©licieux mĂ©lange entre couplets de rap qui aboutissent Ă  un refrain très rock, soutenu par des paroles en anglais (la langue du rock par excellence) « This is the way« .

Le rythme soutenu de « 50 » et le parler rapide renouent avec le Lomepal des dĂ©buts, un rap teintĂ© d’ironie. Mais le morceau se finit par un solo de piano, sans aucun artifice. C’est ça aussi, Mauvais ordre. Une place prĂ©pondĂ©rante aux instruments dont l’irrĂ©sistible cavalcade pianistique de « Decrescendo » est l’exemple le plus parlant. La puissance de l’acoustique qu’il avait dĂ©jĂ  expĂ©rimentĂ© -et sublimĂ©- dans 3 jours Ă  Motorbass est poussĂ©e Ă  son paroxysme. Et mĂŞme si dans la vie, Lomepal n’a « pas de leader, pas de maĂ®tre » les rĂ©fĂ©rences musicales ne manquent pas. Il nous a confiĂ© qu’il « était retombĂ© dans une phase Beatles » lorsqu’il faisait ce disque. Ce qui est confirmĂ© par son clin d’Ĺ“il Ă  « Strawberry Fields Forever » dans « Pour de faux ». Dans « Decrescendo », on dĂ©couvre un Lomepal insoupçonnĂ© : le bad boy fait une rĂ©fĂ©rence directe Ă  Nicoletta, icĂ´ne de la chanson française des annĂ©es 1960, en citant directement le classique « Il est mort le soleil« .

 

Le piano et la guitare, les alliés de la mélancolie

OĂą sont les nuits calmes, les tours de bĂ©cane ? Pas de panique. Certes Lomepal lâche l’intimitĂ©, mais il n’abandonne jamais sa sensibilitĂ©. Dès le premier titre « Mauvais ordre », un bourdonnement sourd nous plonge dans une noirceur qui met la puce Ă  l’oreille. Il est pris Ă  son propre jeu car la fiction peut ĂŞtre le lieu d’angoisses qui, elles, sont vĂ©ritables. Lomepal devient malgrĂ© lui le porte-parole d’une gĂ©nĂ©ration en proie aux doutes. Et pour cela, l’acoustique est son meilleur alliĂ©. Vous pensiez vraiment que vous alliez vous en sortir sans quelques larmes ? On parle de Lomepal tout de mĂŞme, prince de la mĂ©lancolie. La vraie, celle qui prend aux tripes et qui fait « échanger des heures de sommeil contre des rĂ©ponses« . Le morceau de clĂ´ture, « Pour de faux » est paradoxalement le plus vrai. Loin de l’Ă©go trip de MajestĂ©, il se rĂ©vèle ĂŞtre un vĂ©ritable ode aux gens qui doutent. C’est-Ă -dire tout le monde ? Dès les premières notes de « Maladie moderne », on est projetĂ© dans un Malaise. Mais on est loin de celui qui hantait Flip : son envie inlassable de faire la cour aux femmes. Cinq ans plus tard, ce qui taraude Lomepal est plus existentiel. On l’avait dĂ©jĂ  pressenti dans son « Tee« , tube qui porte l’album. Au milieu du succès et des projecteurs « le ciel est triste que du gris dans la ville ». Il se lasse de son Ă©poque, des rĂ©seaux sociaux qu’il a d’ailleurs quasiment quitter. MĂŞme la  “la ville Lumière se repose sur ses lauriers”, au point que Lomepal a quittĂ© la capitale pour entamer une sĂ©rie de concerts très intimistes dans les théâtres antiques de France. Mais il vient d’annoncer son retour Ă  Paris pour trois concerts en mars Ă  l’Accor Arena ainsi qu’une longue liste de ZĂ©niths français.

 

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Alors s’il-te-plaĂ®t Antoine, continue Ă  faire confiance Ă  tes doutes. Fais durer le jeu autant que le plaisir. Et continue Ă  nous livrer des albums comme celui-ci.

 

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