đ Meilleur album de l’annĂ©e ? Ce nouveau Pilotwings est aussi drĂŽle que brillant
On pourrait croire quâils veulent battre un record. Sous ses airs potaches, le second album des Lyonnais Pilotwings, Les Charismatiques, sorti le 17 septembre chez BFDM, est celui qui brasse le plus de genres diffĂ©rents et d’apparence Ă©loignĂ©s quâon ait entendu depuis longtemps. Synthwave, disco, ambient, tropical, dub, balearic, pop 80’s, new age, funk, folk⊠On ne sait jamais Ă quoi sâattendre. Mais quand câest si bien produit, on ne peut que dire oui. Retour avec le dĂ©sormais trio sur la conception d’un album-concept sur le vin nature, aussi drĂŽle que sĂ©rieusement brillant, hyper rĂ©fĂ©rencĂ© mais assez accessible pour pouvoir titiller les oreilles du grand public.
« Sur le titre « Ăa Sulfite !! », on a essayĂ© de faire la caricature la plus insupportable des enfoirĂ©s pĂ©dants du vin naturel. »
Il nây a quâune chose que les Pilotwings prennent au sĂ©rieux : la musique. FormĂ© en 2011 par Guillaume Lespinasse et Louis de la Gorce, le duo a cherchĂ© son style quelques annĂ©es. AprĂšs sâĂȘtre extirpĂ©s de la mouvance tech house, ils tapent dans lâĆil du label BFDM (Brothers From Different Mothers, qui compte notamment J-Zbel, Emma DJ ou Simo Cell). Et leur premier album Les Portes du Brionnais en 2016 frappait trĂšs fort, capable de marier breakbeat, house, balearic et dub, dans un esprit loufoque. AprĂšs cinq ans et quelques EPs, voilĂ le deuxiĂšme effort (toujours difficile, comme dit lâadage), marquĂ© notamment par lâajout dâun troisiĂšme membre, le guitariste Axel Ropert-Lemercier : « On a bossĂ© ensemble pendant des annĂ©es, il avait dĂ©jĂ fait un featuring sur lâalbum prĂ©cĂ©dent » racontent les deux autres. « Ăa sâest vraiment fait naturellement. »
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Artwork
Sâil y a une chose qui nâa pas changĂ©, câest leur humour. Toujours fidĂšles Ă un esprit franchouillard de terroir, les « urbains dâadoption » ont une thĂ©matique qui court pendant une bonne partie du disque : le vin naturel. « On a imaginĂ© quâon entrait dans une secte du vin nature » expliquent-ils. Et enchaĂźnent alors sur l’origine du titre du disque : « Les Charismatiques, câest un mouvement du catholicisme, qui ressemble quand mĂȘme beaucoup Ă une secte, et qui existait dĂ©jĂ Ă cĂŽtĂ© de chez nous quand on Ă©tait gamins. Comme on a un grand dĂ©lire sur le vin nature depuis pas mal de temps, on a croisĂ© les deux idĂ©es. » En rĂ©sulte ce qui a Ă©tĂ© choisi pour premier single, le pseudo-new age et potache « Ăa Sulfite » : « On a essayĂ© de faire la caricature la plus insupportable des enfoirĂ©s pĂ©dants du vin naturel. »
La thĂ©matique se poursuit essentiellement Ă travers les titres des morceaux, comportant presque tous une blague. Mais, comme un certain Philippe Katerine, il ne faut surtout pas voir dans Pilotwings un groupe purement comique. DĂ©jĂ , leur amour de la campagne est sincĂšre. « On vient de lĂ , le terroir, câest important pour nous, câest nos origines. On ne va pas parler de quelque chose quâon ne connaĂźt pas » avouent-ils. « On a essayĂ© dâĂȘtre le plus franchouillard possible. On lâa fait assez consciemment, mais au dĂ©but ça ne lâĂ©tait pas tant que ça. » Si on peut y voir une critique du regard en surplomb des citadins sur les rĂ©gions, le groupe se garde bien de toute sur-intellectualisation : « Sinon on va croire quâon se politise ! »
« C’est vrai qu’on se prend assez peu au sĂ©rieux, mais le seul sujet quâon considĂšre vraiment, câest la qualitĂ© du rendu. Pour nous, lâessentiel, câest que le morceau soit bon. »
Parce que Pilotwings nâest pas un groupe de discours : ce sont avant tout de purs amoureux de musique. « On ne met pas toujours des blagues, malgrĂ© lâĂ©tiquette quâon a pu nous coller. C’est vrai qu’on se prend assez peu au sĂ©rieux, mais le seul sujet quâon considĂšre vraiment, câest la qualitĂ© du rendu. Pour nous, lâessentiel, câest que le morceau soit bon. » Et effectivement, lorsquâon lance un titre comme « Mazirat sous pschit », on ne sâattend pas Ă un titre aussi riche, Ă la fois synthwave, disco et mĂȘme folk. Et tout le disque est un remarquable travail de prĂ©cision, tant dans la construction des titres que la qualitĂ© de la production. « On voulait vraiment que ça sonne comme sorti d’un studio professionnel », affirment-ils. Et c’est rĂ©ussi. « Câest vraiment un album qui sâĂ©coute. On lâa majoritairement Ă©crit lâĂ©tĂ© dernier, sans aucune perspective de live, donc on lâa pensĂ© comme un produit de studio avant tout. »
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Surtout, lâarrivĂ©e du guitariste permet dâapprofondir la palette sonore du groupe. Sa guitare Ă 12 cordes apporte des touches de folk concrĂ©tisant lâaspect terroir du projet. « On sait mieux enregistrer de vrais instruments, les voix, les guitares, les percus », prĂ©cisent-ils. « On essaye de mettre le plus dâinstruments possibles, et le plus de percussions diffĂ©rentes, pour quâon ne puisse plus situer leur origine. On a donc mĂȘlĂ© des darboukas maghrebines, un didgeridoo australien… » et bien dâautres choses. « Notre rĂ©fĂ©rence, pour ça, a toujours Ă©tĂ© Yello [duo Ă©lectronique suisse]. On a ce mĂȘme principe de travail de textures sonores qui mĂ©lange beaucoup de styles. »
« On veut juste aller oĂč on a envie dâaller, sans se poser de questions de genre musical, ou de vente, ou quoi que ce soit. »
Et, en effet, la quantitĂ© de styles brassĂ©s est impressionnante, et justifie la longueur de certains titres. Symbolique de cette ambition, « Viens Jouer », de presque huit minutes, dĂ©marre avec une inquiĂ©tante ambiance tropicale pour glisser vers la folk psychĂ©. Et si ces deux styles vous laissent de marbre, on enchaĂźne directement sur « Pas dâAs, Badass », en collaboration avec le trio funk-punk lyonnais Lapassenkoff ; pour ensuite explorer le hip-hop aux cĂŽtĂ©s de Hajj, compagnon de label et « voisin de studio ». Et la liste ne sâarrĂȘte jamais. « Ces influences ne font que sâajouter aux autres. On aime toujours autant les groupes disco, synthpop ou zouk qui nous ont influencĂ©s sur le premier album. On a mĂȘme refait de la house durant nos sessions, mais on trouvait que ça correspondait moins au style de lâalbum. »
Tout fait de ce disque l’un des plus fous de cette rentrĂ©e. Et pourtant, malgrĂ© sa richesse parfois surabondante, il conserve de bout en bout une grande fraĂźcheur. Car le groupe ne cherche pas la complexitĂ© Ă tout prix : « On veut juste aller oĂč on a envie dâaller, sans se poser de questions de genre musical, ou de vente, ou de quoi que ce soit. » Câest en combinant cette forme de naĂŻvetĂ©, de curiositĂ© dans lâĂ©criture, d’humour et de folie, avec une exigence de production que le groupe parvient Ă signer ce qui ressemble Ă l’un des meilleurs albums de l’annĂ©e.