‘Whoever Said It’: vie, mort et grand retour d’un track disco
« Comment le disco a percuté le monde ? ». Pour fêter la sortie du numéro spécial Disco de Tsugi, on plonge dans les méandres du genre et de l’industrie, pour comprendre comment il bouleverse des destins et des vies. On vous raconte ça avec la folle histoire de ‘Whoever Said It’ d’Alonzo Turner.
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Dans les bacs du disquaire près de chez vous, une pépite disco s’est peut-être glissée entre les hits de Chic, Donna Summer ou Gloria Gaynor. Un 33 tours jaune, surmonté d’un grand « L.A. » violet. Difficile de détourner le regard de cette curieuse galette, qui renferme un morceau aussi groovy qu’hypnotique : « Whoever Said It ».
Avant de goûter aux subtils passe-passe de David Mancuso aux platines du Loft, ce disque a atterri dans les mains de ce genre de personne qui bouleverse des vies. Entre temps, une carrière en pleine ascension, des espoirs vibrants, une rencontre fortuite, une faillite financière et un rêve brisé sont passés part là. Pas de panique : l’histoire finit bien, on vous explique tout.
Dave Crawford, producteur ambitieux à l’assaut du disco
Dave Crawford, chanteur de gospel dans sa jeunesse, devient animateur de radio et DJ pour une petite station de Jacksonville, puis de Tampa. Parolier à ses heures perdues, il connaît son premier succès en 1968 avec l’intemporel « What a Man », interprété par Linda Lyndell (et repris en 1994 par Salt-N-Pepa).
Cette première réussite est un tournant pour Dave, qui décide de s’attaquer à l’industrie musicale. En 1969, avec Brad Shapiro, il intègre la prestigieuse Atlantic Records pour produire des hits de Wilson Pickett, Dee Warwick et The J. Geils Band. Ses rêves de compositeur ne sont pas en reste : avec sa cousine Jackie Moore, il sort « Precious Precious« , qui se hisse dans les charts en 1970. S’ensuit un travail d’orfèvre aux côtés des grands noms de l’époque : B. B. King, The Mighty Clouds of Joy, Phyllis Hyman et surtout Candi Staton. Le succès de « Young Hearts Run Free » est un signe. En 1974 il lance son propre label, L.A. Records.
Destins croisés et maudits
En 1978, le deuxième protagoniste de cette histoire tente à son tour le rêve hollywoodien du disco. À seulement 23 ans, Alonzo Turner gère un groupe de rock à West Hollywood. La nuit, il se consacre à l’écriture de son rêve musical : « Whoever Said It ».
Les destins se croisent sur cette chanson, cette ode à l’amour. « Whoever Said It » attire l’attention de Dave Crawford. Un deal est conclu : le single sortira sur L.A. Records et servira de teaser au premier album d’Alonzo Turner intitulée You’ve Got Something. Grâce à cette première publication, Turner commence à se faire un nom à Los Angeles et dans le comté d’Orange.
Hélas comme la plupart des titres sortis sur L.A. Records, le succès n’est pas au rendez-vous. Les pertes financières sont lourdes, Dave Crawford doit bientôt mettre la clé sous la porte. Le LP d’Alonzo Turner ne verra jamais le jour. Le mystère plane depuis autour de ce projet inachevé. Il aurait néanmoins écrit un morceau éponyme pour le premier album de Norma Lewis, It’s Gonna Happen.
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Alors que Dave Crawford rentre dans son Miami natal pour devenir animateur de radio gospel, Alonzo Turner décroche un petit job chez un disquaire. Féru de belles sapes, il vend aussi des vêtements à une clientèle d’élite de Beverly Hills, comptant notamment parmi ses clients l’un des stylistes de Michael Jackson. Trois ans après Dave, en 1991, Alonzo décède des suites d’une maladie (laquelle ?), emportant avec lui ses rêves disco de strass et de boules à facettes.
Disco Revival contamine la tombe d’Alonzo Turner
Du moins, c’est peut-être ce qu’il pensait. En 2013 soit 35 ans plus tard, « Whoever Said It » sort de l’ombre, samplé par l’incontournable DJ disco et house de Chicago, Rahaan. « Disco Fantasy » inspirera ensuite d’autres artistes, comme Star B avec « Love Will Remain » ou Joy Anonymous avec « Joy (Love’s Not Real) » en 2022.
On y retrouve le talent d’Alonzo Turner : falsetto déchirant, basse cahoteuse et synthés envoûtants. Un morceau qui donne envie d’être amoureux.se. Un peu comme nous, face à ce bel hommage et à ce revival (renaissance ? ou nouvelle naissance?) d’un génie oublié, emporté par les tumultes de la scène disco.
« Qui a dit cela? » Que le disco a bouleversé des vies ? En tout cas, beaucoup de monde dans ce dernier numéro de Tsugi. (lieeeen)
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