Capture d'écran du film

On a vu le film-docu sur toute la carrière de Laurent Garnier

En par­ti financé par Kick­starter, le long-métrage Lau­rent Gar­nier: Off The Record de Gabin Rivoire retrace la car­rière de Lau­rent Gar­nier autant que l’histoire de la tech­no. Le film de 1h30 inter­roge de très nom­breux acteurs de la scène et dévoile de pas­sion­nantes archives. Une réussite.

« Pourquoi est-ce que j’aime autant la house et la tech­no ? J’ai tou­jours été un grand fan de musique, j’ai aimé le punk, le rock, le reg­gae, la soul, la dis­co, et la house et la tech­no regroupent l’essence de tous ces gen­res musi­caux. C’est la musique que j’attendais. » Ain­si s’exprime Lau­rent Gar­nier en ouver­ture du très réus­si doc­u­men­taire de 90 min­utes que lui con­sacre Gabin Rivoire. Fruit de plusieurs années de tra­vail et de tour­nages inter­na­tionaux, Lau­rent Gar­nier: Off The Record, vient d’être envoyé aux 2 800 par­tic­i­pants du Kick­starter qui ont aidé à son finance­ment avec les sociétés de pro­duc­tion Anton, Fea­tur­is­tic Films et Agent Dou­ble. Récem­ment dif­fusé sur une chaîne de télévi­sion belge copro­duc­trice, le film va main­tenant faire la tournée des fes­ti­vals avant de trou­ver, on espère au plus vite, le dif­fuseur français qu’il mérite.

Pourquoi est-ce que j’aime autant la house et la techno ?”

Une des réus­sites du film aux images léchées (notam­ment d’élégants ralen­tis) de Gabin Rivoire – dont c’est la pre­mière réal­i­sa­tion – tient à la manière dont il entrelace avec brio l’histoire intime du DJ préféré des Français avec celle de l’émergence de la tech­no à par­tir de la fin des années 80. Avec des archives rares (et tou­jours bien inté­grées) ou tournées pour l’occasion, Off The Record retrace les deux en par­al­lèle d’autant plus facile­ment que la car­rière de Lau­rent se con­fond avec l’explosion de la dernière grande révo­lu­tion musi­cale du XXe siè­cle. Avec ce qu’il faut d’ellipse et de par­tis pris (Gar­nier se mon­tre un DJ inter­na­tion­al, bien plus que franco-français), Off The Record réus­sit un résumé péd­a­gogique sans être lénifi­ant de cette aven­ture musi­cale. Mais plus que la leçon d’histoire, c’est la dimen­sion humaine de cette exis­tence riche de pas­sions et d’amitiés autant que de musique, qui est mise en avant.

Sans être un exer­ci­ce cri­tique, Off The Record n’est jamais unique­ment con­stru­it à la gloire de Lau­rent Gar­nier. « Il est l’opposé d’une rock star », comme le rap­pelle Geor­gia Tagli­et­ti du fes­ti­val Sonar. Et Off The Record nous le dévoile dans son intim­ité avec ses (éter­nelles) angoiss­es (avant de jouer notam­ment), ses ques­tion­nements, sa générosité, ses amis ou, lors d’une très belle scène, avec des élèves de qua­trième qui réalisent une expo­si­tion sur la musique. Cer­tains pro­duisant déjà eux-mêmes. Le démé­nage­ment dans une nou­velle mai­son « quelque part en Provence » de sa col­lec­tion de 55 000 dis­ques, dont « qua­tre mètres linéaires d’albums de funk et un mètre cinquante de pop française » qu’il cou­ve avec une ten­dresse de « bar­jot », devient « une véri­ta­ble affaire de débile men­tal ».

Si le film passe par Detroit, Chica­go, Berlin et bien évide­ment par sa « mai­son » le Rex Club – où l’on retrou­ve son pre­mier gar­di­en et com­pagnon de route de tou­jours, Chris­t­ian Paulet – ce sont les épisodes bri­tan­niques qui sont sans doute les plus drôles. Notam­ment parce que Gar­nier évoque comme jamais (et avec des pho­tos com­plète­ment dingues) la péri­ode où il tra­vaille le jour en tant que major­dome à l’Ambassade de France à Lon­dres et où la nuit il décou­vre le monde des clubs. Et c’est « le sens de l’humour » et la « per­son­nal­ité orig­i­nale » qu’il donne à ses pre­miers mix­es qui vont, comme le racon­te le VJ anglais Dani Jacobs qui l’a décou­vert, l’amener à jouer à l’Hacienda quelques mois avant l’explosion de l’acid house. Le « Sum­mer Of Love » anglais, Lau­rent ne le vivra pas puisqu’il sera for­cé de ren­tr­er en France pour faire son ser­vice mil­i­taire, mais sa car­rière est lancée. Il sera DJ !

On ne spoil­era pas les épisodes suiv­ants et les sur­pris­es de cette his­toire que le film retrace avec une mul­ti­tude de doc­u­ments inédits, mais tout au long de Off The Record, Lau­rent Gar­nier et les très nom­breux inter­venants (Jeff Mills, Pedro Win­ter, Manu le Malin, DJ Pierre, Jacques, The Black Madon­na… et tant d’autres) insis­tent sur la dimen­sion cul­turelle, mais aus­si poli­tique, de cette musique du futur qui est dev­enue celle de notre présent.

Ah oui, ne soyez pas sur­pris, on entend longue­ment dans le film une chan­son de Sacha Dis­tel, « La belle vie », signe que Off The Record n’est défini­tive­ment pas un film tech­no comme les autres.

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