Pomme, live et chansons, engagement et cinéma | INTERVIEW (2/2)
Pour ceux qui n’auraient pas suivi, nous avons pu discuter avec Pomme le temps d’une interview très fournie, presque autant que l’actualité de la chanteuse. Alors on a scindé l’interview en deux parties. La première salve se retrouve ici, voici la seconde :
(…)
Pomme disait donc, à propos de ces deux lives -complets bien sûr- au Zénith de Paris :
‘En effet, on n’a fait aucune captation vidéo. Je voulais que l’expérience soit éphémère. Enfin si, un moment a été filmé : mon arrivée sur la première chanson, quand je descends du ciel. Après autant d’abdos, autant que ça me resserve !’
Qu’est-ce que ça fait de redécouvrir tes titres orchestrés, tu as vraiment laissé complètement la main à Malvina ?
Pomme : On a beaucoup discuté, puis on a fait un concert ensemble sur France Inter, où elle avait déjà réarrangé les chansons. Je ne compose pas d’arrangements pour orchestre mais on a parlé de mes références. De Miyazaki, des choses que j’écoutais enfant comme mon répertoire au violoncelle avec Jean-Sébastien Bach, Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns… Des choses qui m’ont marquée.
Avec ça, elle a mis beaucoup d’elle. Dans le Printemps et l’Été, qui les gens pourront écouter en mars, il y a ses références. Elle est inspirée par les classiques d’animation Disney par exemple, où la musique était exceptionnelle. Aujourd’hui c’est plutôt de la musique pop, proche de la comédie musicale. Mais les B.O. de Bambi, Fantasia, Blanche-Neige… C’était magistral.
Au fil de ta carrière, certaines compositions te suivent. Dans. notre première interview ensemble en 2016, on parlait de « Ceux qui rêvent », de « On brûlera »… Qu’est-ce que ça fait d’avoir vu grandir ces chansons et de les jouer devant des publics de plus en plus grands ?
Pour moi, c’est toujours aussi émouvant. C’est fou parce que « Ceux qui rêvent » et « On brûlera » ce sont les deux titres qui ont le plus d’impact sur les gens en concert. Et ce sont deux chansons issues de mon premier album, qui a été compliqué pour moi à défendre. Donc c’est une parfaite métaphore de la complexité de la vie, d’à quel point les choses sont nuancées. Oui c’est un album que je n’ai pas écrit et composé en entier, qui ne me correspond pas parfaitement, n’empêche qu’il existe et qu’il est quand même disque d’or aujourd’hui.
« Ceux qui rêvent » je ne l’ai pas écrite mais ça change rien, c’est hyper important pour moi : c’est la seule que quelqu’un m’a écrite et qui ne parlait pas d’amour candide. Ça parle d’insomnies, et c’est celle qui reste. « On brûlera » je l’ai écrite, et c’était la première chanson d’amour où j’affirmais que j’aimais les filles. Le fait qu’elle ait cette vie là et qu’elle traverse les époques et qu’elle arrive au Zenith en version orchestrale, en duo, c’est hyper émouvant.
C’est aussi, une chanson qui a aidé de nombreuses personnes, notamment queer ?
J’ai l’impression qu’elle n’a pas de plafond de verre. Souvent dans la vie, du moins dans mon projet, les choses ont un début et une fin. Pourtant, cette chanson continue à vivre et à grandir à travers les années, à travers les tempêtes. Je sais qu’elle a aidé beaucoup de personnes, beaucoup s’y sont identifiées, mais ça touche des gens très différents, pas forcément queer. Même chose, quand en concert j’entends des voix d’hommes chanter « Grandiose » alors que je parle d’avoir « un enfant dans le ventre », je trouve ça trop stylé qu’une chanson puisse transcender le genre, l’identité…
Ce qui marque la première fois pendant tes concerts, c’est le contraste entre des chansons qui abordent souvent le chagrin et parfois la mort, et puis entre chaque, tu fais énormément de blagues. D’autres artistes françaises le font aussi, comme Silly Boy Blue ou November Ultra. À quoi c’est dû ?
Oui, avec November Ultra on en parle beaucoup, on est très amies. Je pense que c’est à l’image de ma personnalité sans filtre. Avec, évidemment, une touche d’humour en plus. J’ai toujours eu cette envie d’amuser en moi, de faire le clown. Mes chansons c’est comme ma ‘part d’ombre’, même si c’est un peu grossier dit comme ça. J’y mets tout ce que je ne sais pas exprimer au quotidien -mon anxiété, mes peurs, mes doutes. J’ai une certaine pudeur, voire une frayeur à être dans l’émotion. Je me souviens qu’en 2014 j’ai fait la première partie de Pierre Lapointe (artiste québécois) dans une grande salle. Ce qu’il compose est très triste et il était hilarant entre les chansons. J’avais 18-19 ans, je me suis dit que j’avais envie de faire ça : d’avoir un rapport léger à la scène.
Si on peut parler de La Vénus d’Argent : comment tu es passée de l’envie de cinéma, jusqu’à aujourd’hui tourner ton premier film, qui plus est pour un premier rôle ?
Quand j’étais enfant, je voulais être actrice. Ça n’a pas duré très longtemps, mais j’ai fait quelques castings. Bien plus tard, pendant le confinement, j’ai eu l’impression que c’était la fin du monde et que je n’avais jamais joué dans un film, malgré mon rêve d’enfant. J’ai du mal à accomplir des choses et me reposer dessus : j’ai besoin de d’avoir des nouvelles expériences, de créer des opportunités, de me confronter, de sortir de ma zone de confort. Je me disais « j’aimerais bien le faire une fois » et en même temps ça me terrifiait.
Alors comment ça s’est décidé ?
Un an après le confinement j’ai lu le scénario d’Héléna Klotz, envoyé par un agent de cinéma qui me connaissait par le biais de ma musique. Evidemment, c’était plus facile pour moi de rencontrer des agents de cinéma puisque j’étais déjà exposée dans les médias, c’est un immense privilège. J’ai lu le scénario, je l’ai trouvé trop beau et j’avais envie d’incarner ce genre de personnage, qui me parlait et pouvait me ressembler tout en étant assez loin de ma vie réelle. Je ne voulais pas faire de rôles de musicienne, ou être exactement dans un rôle inspiré de ma vie.
Comment s’est déroulé le travail avec la réalisatrice Héléna Klotz ?
J’ai rencontré Héléna, on a fait un casting et elle m’a tout de suite prouvé sa confiance en moi. Elle m’a aidée avec mes doutes, parce que je ne suis pas actrice donc je ne sais pas jouer. Et en fait on a beaucoup construit le personnage ensemble. J’ai tourné l’an dernier, de mi-octobre jusque fin novembre. À ce moment de l’année, je me faisais raser la tête (cf. photo ci-dessous). Franchement, la repousse est allée vite ! (rires)
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Mais j’ai l’impression que c’est difficile parfois de le pont entre musique et cinéma. C’est facile parce que j’ai le privilège d’être exposée, mais en même temps c’est difficile parce que c’est dur de trouver une légitimité. Je sais que je suis attendue.
Justement, peut-être que vous avez pu en parler avec Sofiane (son partenaire de jeu à l’écran) ? Parce qu’au début de sa carrière d’acteur, quand il est passé de son statut de rappeur installé jusqu’au cinéma et au théâtre, il n’a pas été reçu qu’avec des louanges.
Oui mais c’est normal ! Des gens travaillent pendant dix ans pour faire ça, sans arriver à avoir ce genre de rôle. Donc c’est hyper normal d’attendre de moi que je sois aussi rigoureuse, voire plus. Donc c’est stressant, mais je le vis plutôt bien
Qu’est-ce que le rôle raconte de toi ?
L’ambition féminine. Je pense qu’un des points communs que j’ai avec mon personnage, c’est d’avoir envie de toujours atteindre de nouveaux objectifs, même s’il faut sacrifier des choses intimes et personnelles. C’est un personnage très robotique, assez froid au début et qui finit par s’ouvrir au fur et à mesure du film. Sans être tout à fait comme ça, je peux avoir du mal à exprimer mes émotions.
Au début du film, on voit ton personnage se préparer à aller bosser, dans sa chambre. Il y a presque un côté guerrier, ça m’a évoqué Ellen Ripley dans Alien. Est-ce que des performances d’actrices/acteurs t’ont donné envie de faire du cinéma ?
Avant d’être adulte, je n’étais pas vraiment une cinéphile parfaite. Je ne connaissais pas grand chose et je me suis mise à aller régulièrement au cinéma en arrivant à Paris, parce qu’avec la carte UGC c’est devenu hyper accessible et facile. C’est la ville parfaite pour aller au cinéma tout le temps. Donc ma culture ciné est jeune et récente. Petite je regardais Harry Potter, la série Charmed. Je n’ai pas eu de révélation : j’avais juste envie de faire un métier artistique et j’avais besoin d’attention. Envie d’être dans la lumière donc ça pouvait être musicienne, actrice…
Donc les gens qui t’ont donné envie de faire du cinéma sont des personnages, plus que des acteurs-actrices ?
Oui ! En fait je crois que j’avais envie d’être dans des mondes parallèles. Quand on est enfant, on ne fait pas toujours la différence entre réalité et fiction. C’était plutôt lié à une idée de magie, de fantastique plus qu’à une performance d’actrice. Je voulais être une soeur Halliwell, pas être Alyssa Milano.
Qu’est-ce qui fait une bonne chanson ?
C’est une chanson qui m’émeut, que j’ai envie d’écouter en boucle parce qu’elle me touche intimement. C’est souvent lié à l’émotion, un savant mélange de texte, de musique et d’arrangement. On l’aime sans réfléchir à l’aspect technique. Les bonnes chansons, on les écoute sans s’en lasser, on les réécoute des années après et on les aime toujours.
Qui sont tes artistes de chevet en ce moment ?
J’écoute beaucoup Boy Genius depuis plusieurs mois… Et aussi Mustafa the Poet : il a une chanson incroyable « Name of God ».
Il y a quelque chose de très naturel dans ta manière d’être engagée. Les collectes de vêtements dans les villes où tu joues, l’upcycling, les bleus de travail recyclés, mais aussi plus largement pour la cause queer… Quel est ton rapport à l’engagement, en tant qu’artiste et en tant que personne ?
J’ai l’impression que c’est à peu près pareil, en tant qu’artiste et en tant que personne. Je ressens une plus grande responsabilité en tant qu’artiste, parce que j’ai une audience, sur laquelle ce que je dis a un impact. J’ai envie de dire des choses importants, ou en tout cas qui peuvent avoir un impact positif. Mon engagement en tant qu’artiste, c’est simplement le prolongement de mon engagement perso.
Ce qui est important pour moi, c’est d’être intersectionnelle : c’est à dire de pas défendre que les causes qui me concernent. Le racisme, les inégalités sociales, ça ne me concerne pas directement mais pour que ça change, il faut que les gens pas concernés s’emparent de ces sujets.
Oui, peu importe la cause il faut forcément des alliés ?
Exactement, c’est comme les mecs avec le féminisme… Personnellement je ne sais pas que ça représente de vivre du racisme, donc je ne peux pas ressentir ce que les gens concernés ont vécu. Mais donner de la visibilité, se renseigner, se déconstruire, c’est important pour moi en tout cas.
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Merci à Pomme pour cette interview. On se dit à très vite et entre temps :: allez voir La Vénus d’Argent, courez voir Pomme en live et streamez Saisons