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©Christophe Abramowitz
20 janvier 2022

Pourquoi l’Hyper Weekend Festival entre déjà dans l’histoire de Radio France

par Patrice BARDOT

Vendredi et pour trois jours, la Maison de la Radio et de la Musique accueille son premier festival, l’Hyper Weekend, avec une édition centrée sur les créations originales. Le directeur musique de Radio France et fondateur du festival Didier Varrod revient sur la naissance et les ambitions de l’évènement. 

Une programmation conforme à la diversité musicale que l’on peut entendre sur les ondes des différentes stations de la maison. Chanson, hip-hop, électronique, classique, tous les genres ou presque seront représentés. Son fondateur, Didier Varrod, directeur de la musique des antennes de Radio France, nous détaille un évènement qui va agiter un 16e arrondissement de Paris d’ordinaire bien endormi.

« Avec l’Hyper Weekend, le cœur de réacteur, c’est l’artistique. […] Réinventer le modèle en créant une manifestation de proximité, avec moins de public, mais plus de créations inédites. »

Didier Varod

Didier Varrod, directeur musique de Radio France et fondateur de l’Hyper Weekend Festival ©Jules Faure

Comment est née l’idée de ce festival ?

Lorsque j’ai pris mes fonctions en 2019, c’est le premier projet que j’ai défendu auprès de Sibyle Veil, la présidente de Radio France. Je trouvais que l’offre musicale des chaînes de la maison était tellement importante et surtout complémentaire, que c’était dommage qu’il n’y ait pas un moment dans l’année où elle soit mise en lumière et un peu résumée.

Les esprits chagrins vont dire : encore un festival de plus…

Justement, en 2019, avant le COVID donc, nous étions dans cette problématique de surenchère festivalière. Au point que l’on évoquait même une “festivalisation” de la culture. C’était donc intéressant de réinventer le modèle en créant une manifestation de proximité, avec moins de public, mais plus de créations inédites. Puisque la plupart des festivals, dans une sorte de surenchère, programment les mêmes artistes tout au long de l’année. Nous avions donc un rôle à jouer sur la proximité et la création. Et puis, même si j’adore les festivals, ce sont souvent des grandes messes concernant surtout les 16/20 ans qui vivent une expérience autant, voire davantage sociale que culturelle. C’est ce qui m’intéresse avec l’Hyper Weekend : le cœur de réacteur, c’est l’artistique.

 

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Pourquoi une localisation à la Maison de la Radio et de la Musique et pas dans des salles plus classiques ?

J’éprouve une attraction toute personnelle pour ce bâtiment et j’étais attaché à le revaloriser, parce qu’il s’y passe beaucoup de choses. Mais c’est un lieu très contraint, en perpétuels travaux depuis quinze ans, et toujours très compliqué à faire bouger. C’est aussi un endroit fascinant pour les artistes qui racontent souvent comment, quand ils arrivent Pont de Grenelle ou au RER Ranelagh, ils ont le cœur qui bat fort la première fois qu’il voit la Maison de la Radio. Ce qui m’amusait dans ce projet, c’était aussi de pousser les murs et d’occuper des espaces à l’origine pas dédiés aux concerts. Bon… en raison de la crise de la sanitaire, cette promesse initiale ne sera hélas que partiellement tenue.

C’est quand même un défi d’organiser un festival dans ce lieu…

Comme toutes les institutions, ce n’est pas facile à bouger. Il y a eu un défi en interne où l’on me disait : « On ne peut pas faire ça pour des raisons de son ou de sécurité », avant même la pandémie. Donc il a fallu que j’embarque tout le monde dans cette aventure.

« Oui, il y a un petit aspect politique dans cette programmation. »

hyper weekend festival

L’auditorium de Radio France ©Christophe Abramowitz

Comment as-tu imaginé cette programmation ?

Le défi était aussi que l’on ne puisse pas rétorquer, comme tu l’as dit tout à l’heure : « Encore un festival de plus ». Nous avons conservé neuf créations, alors que l’on a dû réduire la voilure à cause des contraintes liées au COVID. Et lancer des créations en termes de budget et d’énergie, c’est quand même autre chose que d’acheter juste une date de Gaël Faye ou Benjamin Biolay. L’idée était de travailler sur les principes d’émergence, les premières fois. Et puis, je déteste souligner au marqueur ce que raconte un disque ou une programmation, mais on voit qu’elle raconte quelque chose sur le monde. Diva 22, une création autour des femmes dans le hip-hop, Mr Giscard qui parle de cul, Hubert Lenoir qui secoue toutes les questions de genre tout comme Pierre de Maere et Kiddy Smile évidemment. Ces artistes, dans leur musique et leur propos, définissent leur relation à la société.  Alors oui, il y a un petit aspect politique dans cette programmation.

Tu prends le risque de choquer l’institution…

Didier Varod

© Jules Faure

Oui, mais j’aime bien ça. J’ai construit tout mon parcours dans cette maison en essayant d’amener des petits grains de sable qui ne grippent pas la machine, mais qui au contraire essaient de lui donner plus d’allant et de dynamisme. J’ai produit et animé Électron Libre sur les musiques électroniques pendant neuf ans, c’était une manière de bouger un peu France Inter qui ne diffusait alors que de la chanson, de la musique du monde et du rock anglo-saxon. Lorsque j’ai pris la direction de la musique de France Inter, je l’ai aussi secoué en disant : “C’est bien que l’on passe Higelin, Lavilliers et toutes les valeurs emblématiques de la maison, mais il serait temps de mettre au même niveau une nouvelle génération comme Woodkid, Christine & the Queens, La Femme, Nekfeu ou Orelsan.” J’aurais pu me planter, mais ces artistes ont éclaté et cela a accompagné la mutation de France Inter.

« J’ai construit tout mon parcours dans cette maison en essayant d’amener des petits grains de sable qui ne grippent pas la machine, mais qui au contraire essaient de lui donner plus d’allant et de dynamisme. »

Est-ce que tu as des coups de cœur particuliers sur cette première édition ?

J’en citerai au moins deux : Dominique A et Kiddy Smile. Deux projets antinomiques, mais qui résument bien le festival, mais aussi mes goûts personnels. Dominique A est un peu responsable de cet Hyper Weekend parce qu’il m’a toujours raconté sa fascination pour ce bâtiment. Cela se comprend. Artistiquement, il est né ici chez Bernard Lenoir en 1992 et il s’est quasiment exclusivement développé en radio sur nos antennes. Kiddy Smile résume, lui, l’autre versant de mon travail sur l’électronique et l’histoire de la house. L’entendre chanter en mode chorale gospel, c’est comme une musique d’émancipation pour les gays et ça me plait.

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