The Prodigy, intergénérationnel, crame l’Olympia|LIVE REPORT
Les shows d’automne réchauffent. Le dimanche 10 décembre, Paris avait la chance de faire partie de l’une parmi la dizaine de villes prévues pour la fraiche tournée européenne du groupe électro-rock britannique The Prodigy. À l’Olympia « Army Of The Ants » était surtout une histoire inespérée, mais réelle. On y était, et on y a laissé nos oreilles.
Y rentrer faisait comme l’effet d’une erreur, si vous aviez moins de quarante ans. Devant l’Olympia, personne. Tout le monde, ou presque, était déjà rentré. Bien ponctuelle, la génération X investissant la fosse se faisait remarquer facilement : peu de cheveux, pas mal de bières mais personne n’est venu pour rester statique. Et c’est tout à fait normal. Depuis la mort tragique d’un des deux chanteurs de The Prodigy, Keith Flint, en 2019, le groupe devenu duo faisait deuil. Ce n’est que l’année dernière que l’autre MC Maxim « Keith Palmer » Reality, et Liam Howlett, musicien DJ, s’adonnaient à de nouvelles perspectives de tournées. Décembre 2023 est arrivé, enfin. On s’attendait à du lourd, du bruyant… et on a été servis !
Il est 19h30, c’est tôt non ? On a à peine commencé à digérer le dîner, que l’opener part déjà sur du gros son. Ça réagit calmement dans le public. On se demande pourquoi, car le DJ Saligo assure bien seul sur scène. Déjà là pour BB Jacques en novembre, compilant pogo sur pogo, ça a du lui faire tout drôle de constater la différence de public. Le quadruple champion de France de scratch vient quand même se présenter pour faire un set de breakbeat, de footwork et de ghetto house… C’est génial, pourtant personne ne bouge. On a presque froid ! À la limite, ça tape du pied. L’impatience, peut-être ? Visiblement en signe de respect, la foule applaudit quand l’artiste quitte la scène. Première partie ou pas, on attend The Prodigy à l’Olympia.
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Enfin, The Prodigy
Dès qu’il s’agit de The Prodigy, on change de registre. Les vingt minutes d’entracte annoncées ne sont qu’une audacieuse manière de lancer les hostilités. Ça se remplit encore plus, jusqu’à craquer, faire bouger la mezzanine qui accueille d’ailleurs certains enfants. Bizarre, on est bien dimanche ? Les parents ne veulent pas tous leur bien, a priori. Certains dorment, d’autres attendent impatiemment avec un casque antibruit posé sur la tête. Sécurité, toujours. Cependant, le dodo n’aura pas duré très longtemps : à l’Olympia, le moment où les lumières s’éteignent est bel et bien celui où il est désormais impossible de fermer l’oeil. C’est donc réveillant et réveillé que The Prodigy démarre sur « Breathe« , morceau phare de The Fat of the Land. Un départ en énergie pure, tous les membres bougent de la tête comme pas possible. C’est comme si ils jouaient déjà depuis une heure. Il est vrai qu’ils se faisaient discrets depuis le décès de Keith Flint, l’un des leurs. Mais Dieu sait que ce soir, aucune bribe de discrétion n’a effleuré les tympans du public qui a sauté, sauté, sauté.
N’ayant sorti aucun album depuis No Tourists en 2018, The Prodigy ne peut qu’être contraint à réviser ses classiques. C’est en quelque sorte prévisible. Mais de là à sentir le réchauffé… pas vraiment. Le public est enfin bouillant, et ça se sent (on parle transpiration). La foule fout littéralement le bordel : sauts les uns sur les autres, coups de coude, jetés de gobelets et de bouteilles d’eau… On ne respire plus et on ne sait plus où donner de l’oeil. Car avis aux épileptiques : ce show n’est pas forcément fait pour vous. Du deuxième morceau « Omen » à « Smack My Bitch Up« , les lasers multicolores se baladent, se croisent, clignotent et s’étendent depuis la grande statue posée sur la scène. C’est sans compter les lumières d’ambiances déjà présentes, ainsi que les gyrophares faisant généralement comprendre que le danger n’est jamais loin.
Le danger est ce soir sur la scène, personnifié par le charisme d’un Maxim Reality plus chaud que jamais. Il ne danse pas vraiment, s’adonnant plutôt à des runs en arrière à la manière d’un combattant de boxe. Ça va relativement bien avec les coups de poing qu’il n’hésite pas à lâcher en face de la fosse. Ça va aussi avec les doigts d’honneur, qu’il vise aidé de ses collègues vers les gens de la mezzanine encore assis. On le comprend : à ce stade, ne pas être debout est presque un manque de respect. « Ne prenons pas de risques » a-t-il du se dire en levant le doigt, à la place d’opter pour un « levez-vous !«
Aux alentours de 22h20 avec un concert commencé un poil en retard, on est en droit de s’étonner pourquoi les quatre artistes (le duo accompagné d’un guitariste et d’un batteur) quittent déjà la scène. On n’est pas dupes : on sait déjà qu’ils reviennent très bientôt. Même pas le temps d’entendre les encore, que Rob Holliday le gratteur, reprend l’une des guitares qu’il avait gentiment accroché autour d’un agent de sécurité dans la fosse crash (celle dédiée aux photographes ainsi qu’aux ramassage d’évanouis), avant de repartir sur une fresque musicale de fin. « Take Me to the Hospital« , « Invaders Must Die« , « We Live Forever » et « Out of Space » à la suite, ces titres signent l’aboutissement d’une célébration qui a l’air d’avoir fait du bien à tout le monde. On n’en dira pas tant du malin qui sortait avec un paquet de glace sur le nez, croisé aux toilettes à la moitié du concert alors qu’il se vantait d’être en légère doudoune sans manche. Décidément, même une doudoune ne l’aura pas empêché de chopper vite froid.