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Renaissance sous le déluge : quand We Love Green 2022 devient We Love Rain

We Love Green post-covid ça donne quoi ? C’est d’abord beau­coup de meufs qui nous ont fait vibr­er, de la fête et puis surtout beau­coup de pluie et de gadoue. Enfilez vos bottes et vos K‑way, on part en live report.

Deux ans de silence pour cause de pandémie mon­di­ale, c’en était assez. Il fal­lait retrou­ver l’allégresse, la tran­spi, le partage et l’amour de la musique. Ce week-end le Bois de Vin­cennes ne s’est plus tu, il a vibré avec We Love Green. Une nou­velle édi­tion joyeuse mais surtout très, très, très plu­vieuse, pous­sant les organisateur•trices à annuler la soirée du same­di et au pas­sage les très atten­dus Phoenix et Laylow.

Pour­tant, tout avait bien com­mencé en ce jeu­di d’ouverture. L’atmosphère était chaude et le ciel avait des couleurs de sex on the beach. Sur la grande scène de la Prairie, l’Argentine Nathy Pelu­so fai­sait tanguer nos hanch­es et nos coeurs, tan­dis que Jor­ja Smith nous envelop­pait de sa soul et de sa voix d’or sous le chapiteau de la Clair­ière. Plus tard dans la soirée, Damon Albarn, habil­lé en livreur de piz­za en veste rose, nous offrait le show de la soirée. Un enchaîne­ment des tubes de Goril­laz — “On Melan­choly Hill”, “19–2000”, “Pirate Jet” — et d’invités. La Mali­enne Fatouma­ta Diawara en fea­tur­ing sur “Désolé” est apparue pour chanter le titre aux côtés d’Albarn, et étaler toute sa classe par la même occa­sion. Un moment de pure exul­ta­tion. Peu après, ce sont les artistes Bootie Brown et Pos qui sont mon­tés sur scène pour inter­préter respec­tive­ment “Sty­lo”, “Dirty Har­ry” et “Super­fast Jel­ly­fish”, et un “Feel Good Inc.” en ver­sion rag­ga. Déroutant, mais par­fait pour libér­er les corps. Sur le fameux “Rhine­stone Eyes” devenu une ten­dance Tik­Tok, notre livreur de piz­za rose a rejoint le pub­lic. Les mains vers le ciel, Damon Albarn lance la ren­gaine entê­tante que la foule rem­plie de Gen Z con­naît bien et s’impatiente de s’égosiller : à coups de “tu-tu-tu-tu”.

We Love Pluie

C’est le lende­main vers 18h, en plein show “incroy­able” de SCH, que le Coachel­la français a pris des allures de Fyre fes­ti­val. Même si là, l’or­ga a su réa­gir. Alors que le tube “Bande organ­isée” réson­nait sous le chapiteau de la scène de la Clair­ière, les festivalier•es qui n’avaient pas la chance de sauter en rythme sur l’hymne de la France, cher­chaient un endroit où s’abriter. Une heure plus tard, les quelques 40 000 participant•es pataugeaient dans les petits tor­rents boueux qui s’étaient for­més sur le long chemin menant au festival.

Si vous avez en tête les images glam­ours d’Alexa Chung et Alex Turn­er en bottes de pluie main dans la main à Glas­ton­bur­ry, oubliez-les. Ce n’était rien de tout cela. C’était plutôt ambiance chiens mouil­lés et épreuve foireuse de Koh-Lanta. Evidem­ment c’est à peine le domaine quit­té, que le soleil a décidé de re-pointer le bout de son nez. Les chanceux•ses encore présent•es sur place ont alors eu l’opportunité d’assister à une inter­pré­ta­tion guitare-voix intimiste de “La Grenade” par Clara Luciani. Le dimanche matin on était tremblant•es, encore traumatisé•es par cette évac­u­a­tion for­cée. “L’orage est prévu pour quand ?” , “ils vont annuler” , “PNL sur la scène de La Prairie, on peut être sûr que c’est mort”, peut-on lire çà et là, dans les groupes de dis­cus­sion pour organ­is­er entre potes ce week-end de fes­ti­val. Heureuse­ment, l’orage ne s’est pas arrêté au dessus du Bois de Vin­cennes comme la veille. Et seule­ment quelques avers­es ont sur­pris — ou agré­men­té selon les per­spec­tives — les sets de Arlo Parks, Wet Leg, Angèle et Slowthai. Pas de quoi annuler ce dernier jour de We Love Green donc, mais des saucées suff­isam­ment impor­tantes pour trans­former ce grand espace vert en un gigan­tesque ventre-glisse boueux.

Merci les meufs !

Mal­gré la pluie, on a tout de même vu des belles choses. Déjà du côté des meufs qui ont tran­scendé cette édi­tion post-covid. Same­di avant que l’orage ne gronde, Amaarae a sur­pris la foule en venant accom­pa­g­née d’un ensem­ble gui­tare, basse, bat­terie très rock pour inter­préter sa pop r&b. Ain­si son hit très sen­suel “Fan­cy” s’est méta­mor­phosé en un slo­gan agres­sif que l’on hurle. De son côté Lous and The Yakuza a fait twerk­er nos boules et mouiller nos yeux en enchainant les bops r&b et les bal­lades où le texte nous prend aux tripes. Sur le titre “Ami­go” Lous a été rejointe sur scène par ses deux soeurs pour danser ensem­ble. Tout d’un coup le show avait un air de grande fête familiale.

Lous and The Yakuza We Love Green

Lous and The Yakuza © HP

Dimanche, le bal des reines ne s’est pas arrêté, il s’est accéléré même : Ibeyi, Arlo Parks, Wet Leg, Juli­ette Armanet, Shy Girl, Angèle. On a ain­si décou­vert ce que le mot soror­ité sig­ni­fie réelle­ment avec le show d’Ibeyi. Les soeurs jumelles se sont épaulées tour à tour. Lisa-Kaindé était leadeuse de la presta­tion, Nao­mi ayant une extinc­tion de voix. Mais la fragilité de ses cordes vocales n’a pa empêché Nao­mi de soutenir sa soeur.

Arlo Parks a quant à elle enchan­té l’audience par son chant de velours qui tranche avec sa gestuelle de rappeuse. La Lon­doni­enne était à moitié cour­bée, fer­mait les yeux et bal­ançait son bras gauche, quand elle souf­flait sa soul au pub­lic. Au même moment de l’autre coté du bois, les filles de Wet Leg ten­tait d’embarquer un drôle de pub­lic dans leur univers indie rock. Devant elles étaient entassés des fans d’Angèle et PNL qui patien­taient pour voir leurs artistes préférés fouler la grande scène quelques heures après. Quelque chose de mag­ique est alors arrivé : la pluie (peut-être le seul moment où celle-ci a été appré­ciée). Et, nous avions défini­tive­ment “les jambes humides”.

Sous la tente de Lala­land, le pub­lic le plus branché de Paris (à savoir girls and gays) s’est rassem­blé pour sauter au rythme de l’hyperpop de Shy­girl. Si certain•es appréhendaient son set en rai­son de sa presta­tion jugée ratée au Pitch­fork fes­ti­val, rapi­de­ment Shy­girl a mis tout le monde d’accord. Robe Marine Serre, wig mul­ti­col­ore et canons à étin­celles, la chanteuse était tout sauf timide. En par­al­lèle, sous le chapiteau de la Clair­ière un autre pub­lic s’essouffle. Celui de “la boule dis­co vivante Juli­ette Armanet”, comme l’a décrite l’une de ses fans. Toute de pail­lettes vêtue, la chanteuse n’est plus sur scène elle est sur un ring. Un ring d’amour. Sa presta­tion est si intense que son heure de set sem­ble avoir duré seule­ment deux min­utes. Enfin, Angèle, a ren­du la foule invin­ci­ble à la pluie. Pen­dant une ving­taine de min­utes, il a plu à verse, le ciel gron­dant même. Mais les fans sont resté•es stoïques, mêmes celles et ceux sans para­pluie et k‑way. Tous•tes étaient près à chanter les paroles des tubes de la star belge. Et puis soudain, au moment de “Ta reine”, le soleil est revenu. Un mes­sage que chacun•e est libre d’interpréter comme il ou elle le souhaite…

Que du love

Des hommes se sont eux aus­si démar­qués de la pro­gram­ma­tion éclec­tique de We Love Green.  On a adoré l’ambiance troisième mi-temps de match de foot du set de Slowthai. Men­tion spé­ciale à Najwa, une fan qui a été invitée sur scène par l’artiste pour rap­per à ses côtés. On ne peut pas non plus pass­er à côté du show peace n’ love du duo PNL. Si vous vous sen­tiez en manque d’amour et un peu seul, on peut vous assur­er qu’après leur con­cert, nos coeurs débor­daient d’amour. Entre chaque titre les deux frères s’arrêtaient pour scan­der de ten­dres et doux mes­sages : “Regardez la lune, pensez à ceux que vous aimez !”. Enfin, cette édi­tion s’est clô­turée sur une note de fête. Quand certain•es ren­traient en état sec­ond et per­daient l’usage de leurs jambes sur le set enflam­mé du duo élec­tro Dis­clo­sure, d’autres partageaient — lit­térale­ment  - une fin de ban­quet espag­nol avec C. Tan­gana. L’artiste Madrilène avait ramené sur scène, table, et alcools mais aus­si, et avant tout, gui­taristes, chanteur•ses et per­cus­sion­nistes de fla­men­co. Le temps d’un instant nous n’étions plus à Paris, nous étions transporté•es de l’autre côté des Pyrénées. Une per­for­mance cinématographique.

Meilleur moment : le show son et image de Goril­laz.

Ce que l’on a aimé égale­ment : le stand-up qui s’invite en fes­ti­val. Chaque édi­tion de WLG mêle musique et con­férences, cette année pour la pre­mière fois, l’humour était égale­ment présent. Une inno­va­tion qui per­met aux non-initiés de décou­vrir l’univers du stand-up au détour d’un concert.

Pire moment : la pluie et la gadoue, sans Petu­la Clark.

 

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