© Mathieu Foucher

Save the planet, you dumb shit” : à Bourges, le rock s’est refait une jeunesse

Des propo­si­tions punk plus qu’under­ground et en anglais : la soirée du 21 avril dans le 22 d’Auron du Print­emps de Bourges son­nait presque comme une anom­alie. Mais en mis­ant sur l’émer­gence, le fes­ti­val a mis en lumière des artistes éton­nants — et à décou­vrir en live.

La soirée était intense. Alors que le pub­lic se rassem­blait devant Jeanne Added et Flavien Berg­er d’un côté, ou bien Dis­iz et La Femme de l’autre, cer­tains ont poussé la curiosité vers cette scène du 22 d’Auron où la plu­part des sept noms étaient incon­nus. C’est que tous et toutes incar­nent une voie de renou­veau pour un rock en pleine réin­ven­tion. Sans con­ces­sion, et pour­tant ravageur.

 

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Les débuts se fai­saient avec les Brux­el­lois d’Ada Oda, et leur irré­sistible mélange de post-punk et de pop ital­i­enne, suiv­is de la for­ma­tion fémi­nine Lam­bri­ni Girls et leur noise cou­plant reven­di­ca­tions fémin­istes et autodéri­sion. Bref, l’é­tat d’e­sprit était déjà bien instal­lé au moment où les Québé­cois de Choses Sauvages ont pris pied sur la scène. Les six Mon­tréalais ont déroulé leur éton­nante propo­si­tion de punk-funk en français, jouant par­faite­ment du con­traste entre leur chanteur, bête sauvage torse nu, et des musi­ciens lui offrant un socle tan­tôt dis­co, tan­tôt rock intense furieux… qui sait surtout laiss­er le temps à ses morceaux de se déploy­er pour trans­porter le public.

 

 

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Mais la meilleure sur­prise de la soirée reste indé­ni­able­ment Joe & The Shit­boys. Le pro­jet est déjà improb­a­ble sur le papi­er : un punk hard­core à la décon­trac­tion toute cal­i­forni­enne, pour­tant venu des îles Féroé ‑avec ses 52 000 habitants- jusqu’à Bourges. Le tout avec des morceaux ne dépas­sant jamais la barre des deux min­utes, et aux titres savoureux comme “Life Is Great, You Suck”, “Save The Plan­et (You Dumb Shit)” ou “Drugs R’4 Kids”. Sur scène, tout cela se com­bine pour don­ner à la fois un sourire jusqu’aux oreilles et l’en­vie de tout cass­er. Entre blagues potach­es et reven­di­ca­tions LGBT, le front­man au charisme débon­naire est par­venu à faire ce qu’il voulait de la salle. On a même vu un vrai pogo et des walls of death à Bourges ! Les mem­bres de Lam­bri­ni Girls et Eno­la Gay venaient même se join­dre à la fête le temps de quelques titres. Un pur régal.

 

Bourges

© Math­ieu Fouch­er — Joe & The Shitboys

 

Peut-être est-ce cette légèreté qui a man­qué à Deadlet­ter, sex­tet lon­donien qui offre une sorte de con­den­sé de la scène post-punk actuelle. Sans doute à cause d’une scène désor­mais quasi-saturée ‑et donc compétitive- le groupe se retrou­ve à sur-jouer les atti­tudes et l’in­ten­sité. On pour­rait y voir une manière de com­penser leur style un peu trop iden­ti­fié ? Ce serait sévère : certes, les références habituelles du post-punk se font un peu trop ressen­tir, mais le tout est servi avec énergie et talent.

 

© Jean-Adrien Moran­deau — Eno­la Gay

 

Un peu plus tard, les Irlandais d’Eno­la Gay peinent à rem­plir la salle, mal­gré leur sym­pa­thique propo­si­tion de fusion, évo­quant un Rage Against The Machine plus indus­triel et som­bre. C’est que le pub­lic se masse déjà sur la scène d’à côté pour voir le clou de la soirée : The Psy­chot­ic Monks. Les qua­tre parisiens fai­saient fig­ure de vétérans au milieu de ces jeunes for­ma­tions. Et ils ont par­faite­ment assumé leur rôle de tête d’af­fiche. Jamais dans la facil­ité, le groupe ne relâche en aucun cas la ten­sion. Chaque morceau ond­ule entre des moments de fureur et des moments de calme sus­pendus, portés par quelques inter­ven­tions à la trompette.

 

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Dans leurs tenues où le genre est aboli, les musi­ciens sem­blent être tran­scendés par l’én­ergie pro­pre de chaque titre, toute en pré­ci­sion. Si l’al­bum est intense, le live est car­ré­ment un rouleau com­presseur. Le tout s’est con­clu sur une courte apos­tro­phe à la Min­istre de la cul­ture Rima Abdul Malak, présente dans la salle. Ce qui rap­pelle que tant qu’il véhicule une rage d’être lais­sé pour compte, le rock, à Bourges comme ailleurs, ne perd rien de sa pertinence.

 

© Jean-Adrien Moran­deau — The Psy­chot­ic Monks

 

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