La bass music tremble. Surusinghe, prometteuse DJ et productrice d’Australie, vient de rentrer dans l’écurie des pointures du genre. Elle a le métier dans la peau, jusqu’à faire un travail de curation collaborative sur son blog. En bref, c’est une défenseuse de la club culture qu’on vous présente.
Surusinghe est très certainement la sensation de la bass music en 2025. Pas étonnant quand on écoute son très bon dernier EP i can’t remenber the name of this, but that’s ok. Cette année on voit cette DJ et productrice australo-sri lankaise, partout : Glastonbury, Nuits Sonores, Dekmantel, Dour, Outlook… Rien que ça.
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De Naarm à Londres : fuir le silence
Avant de jouer dans les clubs du monde entier, Surusinghe a grandi loin des grandes scènes européennes : à Naarm (Melbourne), dans une ville où, à l’époque, les sonorités bass et syncopées qu’elle affectionne étaient encore confidentielles. Des cours de ballet, une fac de musique, des petits jobs dans des festivals… Puis à 19 ans, elle commence à bosser pour une agence de booking d’électronique.
L’objectif était que la musique l’accompagne. Et ce n’est que le début : Si elle ne se destinait pas forcément à vivre du DJing, c’est l’art des platines qui est venu à elle.



Melbourne possède aujourd’hui une scène électronique dynamique, réalité bien loin de celle lorsqu’elle a commencé. « La vérité, c’est que j’ai dû partir » dit-elle franchement pour Andrew Moore dans Clash. Surusinghe s’envole. Destination : l’autre bout du monde. Et plus particulièrement Londres. En s’installant au Royaume-Uni, elle a mis les deux pieds dans une culture plus alignée avec ses inspirations et ses envies de son.
« Il y aura toujours une centaine de producteurs meilleurs que vous quelque part dans le monde, c’est un fait. À moins de participer à ces soirées, de rencontrer des gens et des promoteurs, si vous n’êtes pas devant les gens, il est difficile d’obtenir ces opportunités. »
Ce déménagement n’est pas qu’un détail biographique. Elle reflète une démarche lucide : celle de se mettre volontairement en décalage pour mieux comprendre ce qu’on veut dire, comment on veut jouer, et avec qui on veut créer. Une audace saluée par des passages sur la BBC et lors de sa résidence chez Rinse.
Drifting : raviver le feu club
C’est aussi ce regard lucide qui donne naissance à Drifting, projet à multiples facettes qu’elle lance avec son amie et manageuse Cali, dans un moment qu’elle qualifie de « bizarre » pour la musique électronique. À leurs yeux, beaucoup d’éléments de la culture club se sont fragilisés ces dernières années : des promoteurs en difficulté, des artistes précaires, des publics plus volatiles, parfois moins curieux. “Les gens deviennent paresseux quand il s’agit de chercher de la nouvelle musique”, déplore-t-elle.
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Drifting n’est pas une simple série de soirées : c’est une plateforme pensée comme un espace de résistance douce, célébration de la club culture. Dans ce projet, il y a un blog hébergé sur Substack, où sont publiés interviews, sélections musicales et réflexions sur le milieu. Mais ce n’est pas tout. Chaque mois, en ligne, un club de musique invitent les passionné·es du monde entier à se retrouver pour parler d’un disque, comme on le ferait à la sortie d’un concert ou au comptoir d’un bar. “C’est le moment le plus précieux de mon mois”, confie-t-elle — loin des enjeux de promo ou de stratégie, pour simplement remettre la musique au centre.
Le premier événement Drifting a lieu en novembre 2024, en collaboration avec le collectif Tropical Waste, dans le South London underground d’Ormside Projects. À l’affiche : Mun Sing, Simo Cell, Sarra Wild. Une programmation exigeante mais ouverte, à l’image du projet tout entier.
Surusinghe, nuit sans fin
Surusinghe est de ces productrices dont la trajectoire dit long sur l’état du clubbing contemporain. Une artiste qui trace sa route en pleine turbulence, tout en s’accrochant à une idée simple : faire de la musique pour celles et ceux qui écoutent (encore) vraiment.
Son nom circule de plus en plus souvent sur les line-ups les plus attentifs de la scène électronique : Boiler Room à Naarm, Nowadays à New York, Drumsheds à Londres, Unsound à Cracovie… Une série de sets à grande vitesse, souvent en b2b avec des artistes comme HAAi, Moktar ou Bitter Babe, et des sorties remarquées sur des labels exigeants — AD93, Steel City Dance Discs, Tra Tra Trax.
Mais ce rythme effréné a son prix. Surusinghe l’admet sans détour : sa mémoire immédiate s’est évaporée à mesure que son agenda s’est rempli. Incapable de se souvenir de visages ou de noms, elle a longtemps été rongée par la culpabilité de ne pas pouvoir rendre aux autres l’attention qu’ils lui portaient. Ce mal discret, mais pesant a donné son titre à son dernier EP : i can’t remember the name of this, but that’s ok. Un disque comme une thérapie rythmique, traversé de tensions souterraines, d’uppercuts techno et de grooves cabossés, mais jamais cynique. Une manière d’apprendre à lâcher prise.
Quoi de plus excitant que de savoir qu’elle participera à la belle aventure « Badatopia » cet été ? Pas grand-chose. Chez Tsugi, on a tous pris nos places pour le Badaboum le 25 juillet. Et vous ?
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