The Dare, electroclash railleur au Badaboum | LIVE REPORT
Paris, fumée de clope, odeur de poppers et d’indie sleaze : au Badaboum, Harrison Patrick Smith alias The Dare se produisait samedi soir. L’Américain de 28 ans, qui se balade entre nonchalance et fines provocations, défendait son premier album What’s Wrong With New York? — plongée décomplexée dans l’electroclash nostalgique des années 2000. Sur scène, costard-cravate et lunettes noires, il a incarné l’élégance brute de cette scène rock’n’roll dont il revendique l’héritage.
Par Mel Mougas
Les étoiles alignées pour The Dare
Si 2024 a été marquée par Charli xcx et son album Brat, c’est aussi grâce à lui. Son nom a explosé après son apparition en tant que producteur de « Guess » en feat avec Billie eilish, morceau devenu la bande son du « brat summer » et nommée aux prochains Grammy Awards dans la catégorie ‘meilleur duo pop’. Le titre a propulsé The Dare en dehors de ses clubs new-yorkais, jusqu’au-devant de la scène.
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L’artiste, qui avait remué les foules en tant que DJ à la Boiler Room de Charli xcx à Ibiza, n’a pas eu de mal à convaincre la Gen Z sur TikTok. Son tube « Girls » y fait des ravages, touchant une génération en quête de fun et de désinvolture. Cette année, l’artiste a également profité du retour en force de l’indie sleaze dans la mode — et plus globalement la pop culture — esthétique années 2000 qu’il porte dans son cœur.
Toutes les étoiles du succès s’alignent pour celui qui semble être le fruit de l’union de James Murphy (LCD Soundsystem) et Kate Moss.
Comme un présage d’une popularité future dans nos contrées, l’artiste se produisait déjà en mai dernier à La Boule Noire. Quelques mois plus tard, c’est une salle au double de la capacité qu’il prend d’assaut, le Badaboum donc, avant de s’attaquer au Trianon le 12 mars prochain.
Devant le club, la file d’attente se fait longue. Et le nom de Charli revient dans toutes les conversations. « T’as une cravate ? » demande un anglais ayant fait le déplacement. « Bah non, je n’ai pas de cravate » lui répond une fan française, sourire aux lèvres. Un clin d’œil à ce dress code inconsciemment imposé, mais surtout une preuve que Paris, malgré sa fascination pour le cool new-yorkais, ne perd jamais son insolence.
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Le Badaboum semble taillé pour The Dare. Mieux encore que le Silencio, où il jouait la veille en privé, le lieu à l’esthétique brute et léchée colle bien à son univers. On se retrouve ainsi entre cool kids et clubbeurs-clubbeuses nostalgiques des années 2000. XCelles et ceux pour qui le rock se vit encore avec des synthés, des stroboscopes et une pointe de provocation. Ce n’est pas un hasard si l’artiste est l’un des architectes sonores de ce renouveau musical. « Il a tout compris au fun » confie Maya, étudiante anglaise croisée dans le fumoir, autoproclamée « partygirl ». Elle précise : « Je pense qu’il est fun, il fait de la musique fun. Et on ne se lasse jamais du fun. » Formule simple, mais qui résume l’essence de l’artiste.
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Mise en bouche en demi-teinte avec un set de Speckman, ami de l’artiste californien. DJ allemand à la barbe de trois jours et cigarette à la main, Speckman enchaîne les morceaux UK garage et dance music. Il troque son casque pour mixer avec des écouteurs filaires, clin d’œil à l’attitude « too cool for school » qui plane dans la salle. Il déçoit notamment en jouant un remix peu inspiré de « 360 » (de Charli XCX, encore elle) mais se rattrape en glissant « What I Want » de Gregor McMurray, lettre d’amour évidente à cette pop abrasive et prétentieuse qui semble l’animer. En choisissant où se placer dans la salle, pas d’autre choix que de se mettre avec les « girls in the back of the club » — on préfère être ici, niché entre l’ingé son et l’Américain ROLE MODEL, venu soutenir son ami, plutôt qu’au milieu de la fosse bien trop déchaînée.
Golden boy impeccable
Ponctuel, élégant et désinvolte, The Dare entre en scène avec quelques mots lâchés dans un français douteux. Derrière son costume, sa cravate et ses lunettes de soleil — parfaites pour masquer cernes et pupilles —, The Dare est pris en sandwich par son synthé et son contrôleur ; le premier à sa droite et l’autre à sa gauche. Lumières abrasives, voix éraillée, synthés omniprésents : tout concourt à créer une expérience immersive. Les premiers rangs sont une masse compacte de corps en sueur. « Faut pas être épileptique » lâche une fan, mi-sérieuse mi-amusée.
Il enchaîne « Open Up », « Good Times », « I Destroyed Disco », et bien sûr « Guess », accueilli comme un hymne générationnel. Il s’est amusé à le remixer une nouvelle fois, cette fois-ci lui donnant des airs d’acid. Nombreux tracks ont d’ailleurs eu le droit à leurs petites modifications, spécialement pour ce show. C’est le cas de « Sex », qu’il prolonge sur scène.
« On dirait un peu Julian Casablancas sous K », glisse un spectateur en retrait. Comparaison flatteuse ? Mais pas totalement infondée : dans son rôle de golden boy impeccable, The Dare est à la fois énigmatique et viscéral, chaotique et maîtrisé.
Quand il quitte la scène la première fois, personne n’y croit. Quelques instants plus tard, il revient pour un rappel avec deux chansons, dont « Girls« . La salle exulte. Moment de communion presque absurde, le titre est l’un des seuls que l’artiste n’a pas modifiés et l’expédie en un peu moins de trois minutes. Il le sait, toute la salle n’attend qu’une chose : de l’entendre interpréter son tube. Prenant le contre-pied de la célébrité, The Dare ne fait pas de cadeau et on a quasiment envie de le remercier.
En sortant du Badaboum, l’équipe de l’artiste distribue des affiches proclamant : « What’s Wrong With Paris ? », invitant chacun·e à y inscrire ses doléances. Si la Capitale a ses travers, une chose est certaine : The Dare n’en fait pas partie. Légèrement redondant, mais toujours électrisant sous ses airs de bad boy moqueur en costume, il a offert à son public ce qu’il demandait : du fun, de l’excès et un rendez-vous chez l’ophtalmo.
Par Mel Mougas