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18 novembre 2024

The Dare, losing my nerd | INTERVIEW

par Tsugi

Avec son premier album, le New-Yorkais The Dare ressuscite le dancefloor new-yorkais des années 2000, quand LCD Soundsystem ou The Rapture enflammaient les nuits de la Grosse Pomme, tout en avouant un amour immodéré pour l’électroclash. Un élève appliqué à l’énergie communicative.

Article issu du Tsugi Mag 173, par Juliette Soudarin

 

Chemise fine en lin, visage encore bouffi du matin, Harrison Patrick Smith – The Dare à la scène – apparaît, au travers de son écran, semblable à un premier de la classe qui se serait couché un peu trop tard. On est loin de l’extravagance et de l’irrévérence de son double médiatique, toujours affublé d’un costard noir près du corps, d’une cravate et de lunettes de soleil. Un Paul McCartney des débuts ou un Jarvis Cocker version Hedi Slimane (directeur artistique de la maison Céline, ndr) en somme. Le jeune homme s’apprête à sortir son premier album What’s Wrong With New York ?, condensé de l’énergie dance-punk new-yorkaise et débridée des années 2000.

 

« Mes journées sont étranges. Parfois je suis à mon bureau et j’écris de la musique pendant huit heures sans quitter mon appartement. D’autres jours, je prends l’avion pour Berlin depuis Paris et je mixe le soir », explique tout souriant The Dare.

Il faut dire que depuis la sortie et le succès inattendu durant l’été 2022 de « Girls« , son premier single aux sonorités électro-rock et aux paroles explicites (« I like girls who make love, but I love girls who like to fuck »), puis de son EP The Sex EP, il est devenu, malgré lui, le symbole du retour de l’indie sleaze, ce mouvement culturel nébuleux qui a marqué les années 2000 et 2010 à coups de pantalons slims, de vestes léopard et d’hygiène douteuse.

 

Smith perçoit cet engouement autour de l’indie sleaze comme l’expression d’un désir d’hédonisme : « Sur TikTok, une sorte d’historien expliquait que la musique de ces dix dernières années a été créée par des artistes seuls dans leurs chambres. Après cette période – et je pense que la pandémie a accéléré ce changement –, on a eu besoin que la musique soit de nouveau amusante comme dans les années 2000. Et la seule manière pour y parvenir est qu’elle prenne vie au contact d’autres personnes, dans des fêtes, que les artistes saisissent l’excitation, le chaos et qu’ils en soient influencés. »

One ne peut que lui donner raison. En bonne nouvelle coqueluche des weirdos branchés de la scène électronique underground, on a retrouvé cet été The Dare aux côtés de la Britannique Charli XCX à la production du titre « Guess« , sur la version deluxe de son sixième album, Brat (« sale gosse » en français, ndr), véritable hommage à la culture club.

 

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Électroclash, le retour

Pour autant, par souci de rigueur, le musicien rejette l’étiquette indie sleaze qu’on lui accole – trop proche de l’industrie de la mode selon lui –, préférant les termes électroclash, dance punk ou bloghouse. The Dare se réclame d’un héritage musical précis, en partie ancré dans les gratte-ciel new-yorkais : The Rapture, Shit Robot, DFA Records, Chicks On Speed, Ladytron et surtout Fischerspooner. Le duo américain fut responsable de son obsession soudaine pour ces sonorités brutes électroniques.

« Entendre pour la première fois leur titre “Emerge” a été un grand moment. Je venais juste d’arriver à New York et cela exprimait pour moi l’anxiété, le glamour et l’énergie de la ville qui s’immisce dans la vie. C’était la musique que j’avais envie d’entendre et je trouvais qu’elle était absente, voire méconnue autour de moi », se rappelle Smith.

Le projet The Dare a pris forme après la crise sanitaire, dans le sous-sol du Home Sweet Home, un bar « farfelu » dans le quartier de Lower East Side à Manhattan où se retrouvaient badauds et quelques cool kids en recherche d’un peu d’amusement. « Lorsque mon amie qui était barmaid là-bas m’a demandé de mixer les lundis soir, je ne savais même pas comment faire. J’ai appris lentement au fil des soirées. Puis, après la pandémie, le DJ du jeudi soir a démissionné, c’est là que j’ai commencé à avoir un vrai public », développe le musicien. À l’époque, Smith travaillait en tant que professeur de musique dans une école primaire.

 

 

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« Avec l’électroclash, tu peux juste monter sur scène et faire du rock : être grossier, dire des choses inappropriées ou drôles. » The Dare

 

Petit à petit, les résidences au Home Sweet Home, que Smith nomme Freakquencies, commencent à gagner en renommée. La suite on la connaît : il sort « Girls », et sa carrière explose par effet boule de neige. Si le succès de Smith semble soudain, il n’en est pourtant pas à son premier coup d’essai.

Avant The Dare, le musicien se produisait sous le nom de Turtlenecked, un projet indie rock avant-gardiste et complexe qu’il a créé lorsqu’il était étudiant à Portland et avec lequel il a sorti quatre albums hétéroclitesentre 2016 et 2020. Le jeune homme faisait tantôt preuve de lyrisme romantique, tantôt s’épanchait avec cynisme sur l’état du monde ou la misogynie dans la culture indie. Depuis, son approche de la musique a changé : « Il n’y a pas besoin de savoir jouer de la guitare, de faire un grand solo ou de lire des  poèmes merdiques. Tu peux juste monter sur scène et faire du rock : être grossier, dire des choses inappropriées ou drôles. »

 

 

Obsession d’apprendre

Pour Smith, la musique a toujours été une échappatoire, une fenêtre sur un champ des possibles. Il a grandi au milieu de la forêt, non loin de Seattle, mais dans un coin suffisamment reculé pour être un trou paumé. Vie culturelle au niveau zéro, il ne rêvait qu’à partir. Pour passer le temps, le garçon a rejoint des groupes sur les réseaux, déambulé à la bibliothèque pour écouter en intégralité des CD, et collectionnait les magazines de musique et de mode, dont Spin, qui lui permettait de télécharger chaque mois gratuitement une vingtaine de titres. « Je pense que je suis devenu obsédé par l’idée d’apprendre tout ce que je pouvais sur la musique », considère The Dare.

C’est d’ailleurs peut-être ce que l’on peut reprocher à Smith : être obsessionnel au point de devenir trop bon élève. Ce premier album, What’s Wrong With New York ?, sonne parfois comme le produit d’un disciple qui aurait percé les secrets de l’électroclash ou du dance-punk et aurait appliqué un peu trop parfaitement la formule pour ne pas décevoir ses idoles. La fête en devient moins fun. Pour l’instant…

 

Par Juliette Soudarin

 

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