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22 septembre 2017

Tony Allen vient de sortir « l’album de sa vie » sur le prestigieux label Blue Note

par Antoine Tombini

Comme un rêve qui devient réalité. Une phrase peu originale mais qui prend tout son sens lorsque l’on évoque le nouvel album de Tony Allen, The Source, sorti aujourd’hui sur le prestigieux label Blue Note. « Tony n’a jamais aussi bien joué de la batterie. Il n’a jamais été aussi libre et puissant qu’aujourd’hui« , affirme le saxophoniste Yann Jankielewicz, qui l’accompagne depuis une dizaine d’années. C’est au début de cette année que Tony Allen amorce la préparation de son nouveau long format influencé par ses nombreuses rencontres entre ses voyages en Afrique et en Amérique. Car le père de l’afro-beat a parcouru un long chemin pour en arriver là. Quinze années avec Fela Anikulapo-Kuti, puis une carrière solo gigantesque où le batteur nigérian n’a cessé d’explorer différents genres musicaux, collaborant aussi bien avec Oumou Sangaré, Sébastien Tellier, Damon Albarn, Jimi Tenor, et plus récemment Jeff Mills, Moritz Von Oswald Trio ou encore Nu Guinea. La liste est longue. Dans un studio d’enregistrement du 18ème arrondissement de Paris, on a rencontré Tony Allen pour discuter de son long voyage, entre une session live et son déjeuner :

Comment as-tu découvert le jazz ?

Au Nigéria, on l’écoutait principalement à la radio car tout le monde n’avait pas de platines vinyles. J’écoutais donc différents albums de jazz, et quand j’ai commencé à jouer, je me suis aperçu que Art Blakey était le batteur auquel je voulais ressembler. J’essayais de reproduire les thèmes que j’entendais. Il jouait du jazz standard, alors c’est par là que j’ai commencé. De 64 à 65, je n’ai joué que du jazz standard en reproduisant tous les disques de Blue Note en quartet, piano, basse, batterie et trompette. Tout ça bien avant le début du highlife jazz, qui est devenu plus tard l’afro-beat.

Tu écoutais les sorties du label Blue Note quand tu étais plus jeune, et te voilà maintenant en train de sortir un disque sur ce même label. Une belle consécration après plus de 50 ans de carrière, comme un rêve qui devient réalité.

C’est sûr ! J’avais déjà signé sur de nombreux labels. A chaque fois un différent. Mais j’ai toujours eu hâte de faire un coup d’éclat, comme sortir un long format sur Blue Note. Je me suis promis qu’un jour, ça allait devenir un des labels qui accueillerait ma musique, mais je ne savais pas quand. Tout est une question de temps dans la vie, tu ne peux pas demander au soleil de se dépêcher de se lever. Il faut juste attendre, et continuer à se battre pour ce que l’on veut. C’est ce que j’ai fait car Blue Note était mon rêve. Et il est devenu réel, quand j’ai commencé à composer en essayant de coller à leur esthétique en sortant au début de l’année, un EP en hommage à Art Blakey. Et ils ont adoré.

Le jazz est-il le meilleur moyen de t’exprimer musicalement aujourd’hui? Pourquoi ?

Oui définitivement. Parce que je ne chante plus et je me concentre plus sur ma batterie. Tony Allen n’est pas connu en tant que chanteur. Certaines personnes me l’ont fait faire, mais je ne pouvais pas être entièrement focus sur ma batterie. Si je dois faire appel à un chanteur, il doit être seulement chanteur, et être concentré sur ce qu’il doit faire.

D’ailleurs, sur ton nouvel album, The Source, on remarque que chaque morceau est attribué à un instrument.

Oui, pour faire en sorte que les gens ne soient pas fixés sur moi comme des zombies. Il faut essayer de surprendre. Très souvent sur un album, tu écoutes le premier titre, puis le second, et certaines personnes croient qu’elles ont déjà tout écouté en pensant que la suite allait être la même chose. Mais c’est ennuyeux. C’est comme dans la vie, tu ne peux pas manger la même nourriture tous les jours.

Tu collabores une nouvelle fois avec Yann Jankielewicz, que l’on retrouve aussi sur ton disque Secret Agent (2009). Est-ce que cette rencontre t’as poussé à produire ce disque ?

Je me rappelle avoir fait une session à Helsinki, avec le UMO Jazz Orchestra, composé d’une trentaine de musiciens. Jimi Tenor, mon ami, voulait faire de l’afro-beat avec un grand groupe. Et c’était fantastique. J’ai adoré jouer du jazz avec un groupe de cette ampleur, sans vocaux, seulement les cuivres qui chantent. Je me devais d’enregistrer ça et Yann a été la première personne qui m’a montré la direction à prendre. C’est un des rares qui pouvait comprendre mon but, laisser les cuivres chanter.

Comment as-tu rencontré les autres musiciens présents sur The Source?

Mathias Allamane est avec moi depuis l’EP d’Art Blakey à la contrebasse. Et les autres sont mes musiciens habituels. Jean-philippe Dary au piano, Indy Dibongue à la guitare, Nicolas à la trompette, et Yann au saxo. Seulement trois personnes se sont ajoutées, Rémi, Daniel…

Et Damon Albarn ?

Oh non ! Damon est arrivé après. Il n’était pas prévu sur le disque. J’étais en train de mixer un morceau dans un studio à Londres et Damon est passé me voir avec tous ses potes de Gorillaz, Blur, et The Good, The Bad and The Queen. Il a écouté la musique et il a adoré. Il m’a demandé si il pouvait jouer alors qu’on était déjà en phase de mixage. Il n’y avait rien de préparé, et il n’y avait même pas assez d’espace pour que quelqu’un joue dans le studio. Vincent était avec moi pour le mixage et il connaît Damon depuis mon dernier long format Film Of Life. Je lui ai demandé de préparer le piano pour lui, et j’ai dit à Damon. « Ok, maintenant joue« . On l’a enregistré, et voilà comment il a collaboré à l’album. C’est une sorte de business familial et Damon fait partie de cette famille.

Tu collabores avec lui depuis l’album Home Cooking en 2002. Il y a eu ensuite The Good, The Bad and The Queen, Rocket Juice & the Moon, Film Of Life. Comment vous êtes vous rencontrés ?

Je l’avais invité sur Home Cooking pour qu’il chante. On attendait qu’il pose sa voix avant de commencer à mixer. On est allé boire un café, et il m’a demandé si il était vrai que j’avais demandé à ce qu’il chante sur mon nouveau projet. Je lui ai répondu évidemment ! La première fois il n’a pas pu finir. Trop de champagne. Il a dû amener 6 bouteilles au studio, tout le monde était bourré et personne ne pouvait se concentrer. Il a pris la musique avec lui, pour la retravailler dans son propre studio. Et au final c’était superbe.

Tu explores aussi d’autres genres de musique. Comment t’es-tu retrouvé sur des projets plus électroniques comme par exemple ta collaboration avec Jeff Mills?

J’adore les musiques électroniques. Et c’est pour ça aussi que je n’écris pas de la même manière que Fela. La plupart du temps, en tant que batteur il fallait que je me calque sur le style d’Egypt 80 (l’orchestre de Fela Kuti). J’ai commencé à ajouter des sonorités électroniques à partir de l’album N.E.P.A. (2000) en introduisant des synthétiseurs. Fela, lui, n’aurait jamais utilisé de synthétiseurs. Tout a commencé à Londres, en cherchant de nouvelles sonorités. De projet en projet, comme sur Black Voices et Psyco On Da Bus, j’ai commencé à appliquer ces nouvelles sonorités à mon afro-beat car j’adore la fusion de l’acoustique et de l’électronique. Et puis j’ai rencontré ces gars… Moritz Von Oswald et Max, de Berlin. On a fait un disque à trois. Pas de chant, pas d’instruments, juste eux aux machines et moi à la batterie. Et plus récemment, Jeff Mills oui. Le plus important, c’est que le courant passe, et que les genres se mélangent.

Et maintenant? Est-ce que tu penses continuer à collaborer sur des projets similaires?

Cela dépend avec qui. Si la personne me propose une direction intéressante et nouvelle, je serais heureux d’y participer. Et surtout, si c’est une personne qui comprend bien le rythme. J’ai souvent des problèmes quand je dois jouer avec des producteurs de musiques électroniques. Ils ont souvent du mal à déceler la première note de mon thème, et je dois prendre le temps de leur expliquer. Sinon je leur demande de jouer et je les suis car si je commence, c’est compliqué de me suivre !

Pour finir, si tu pouvais choisir n’importe quels musiciens dans le monde pour créer un super big band qui choisirais-tu?

Ca va dépendre des instruments que j’affecte sur le moment. Marcus Miller est la première personne à qui je pense. Et si d’autres veulent se joindre, pourquoi pas !

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