Clermont : « Le 101, clap de fin » après 15 ans d’existence
« Le 101, clap de fin ». L’équipe du club l’a annoncé : après 15 ans de bons et loyaux services, le club clermontois du 101 (One O One) fermera ses portes définitivement à la fin du mois de mai. Le communiqué est à lire ci-dessous. Il y a bientôt dix ans, Tsugi s’incrustait au 101 pour en démêler les secrets de son succès.
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(Article publié en décembre 2015)
Par Nicolas Bresson pour tsugi
Pas facile, dans une ville de taille moyenne, de faire tourner un club dédié à la musique électronique pointue. C’est pourtant le pari relevé depuis cinq saisons à Clermont-Ferrand par deux passionnés.
Une cave en centre-ville dans une petite ruelle déboulant sur la place de Jaude. Une capacité d’environ 200 personnes et une ouverture trois nuits par semaine. Des vieux néons un peu kitsch le long du bar, des jeux de lumière sans prétention, pas de tables ou de banquettes, encore moins de carré VIP. Le 101 – prononcer One O One – est aux antipodes des autres clubs de la ville généralement situés en périphérie, des grands « complexes » semblables à des supermarchés avec leurs gigantesques parkings et leurs bretelles d’autoroute. L’effort par contre, a été porté sur l’essentiel, la qualité du sound-system, impeccable. On l’aura compris, l’endroit est, à nos yeux, le seul club fréquentable de Clermont-Ferrand, avec une programmation techno n’ayant pas grand-chose à envier à ses homologues parisiens.
Un petit miracle que l’on doit à deux amis de longue date qui se sont associés voilà quatre ans pour reprendre l’endroit, ancienne place forte du rock indépendant. Il y a Christophe, le patron, le financier, le gestionnaire. Et puis il y a Boris, figure historique de la scène électro locale, qui cumule les casquettes de directeur artistique et de DJ résident, quand il ne sert pas des bières derrière le comptoir. Sous son nom de scène Syrob, il a été l’un des pionniers de la scène techno clermontoise, jouant dans les premières raves et évangélisant le public via des émissions sur les radios locales. Après avoir tenu un magasin de disques, monté son propre label Copilote et tenté sa chance à Paris, il a choisi de revenir en Auvergne lorsque s’est présentée l’opportunité de racheter le club.

© Club 101 / Archi Vinyl
Éduquer le public
« À l’époque, beaucoup de gens me déconseillaient de le faire, explique-t-il confortablement attablé à une terrasse de la fort bien choisie place de la Victoire. Mais j’étais convaincu que cela marcherait. Qu’il y avait ici le public suffisant pour faire tourner un endroit avec ce type de musique ! On s’était donné entre trois et cinq ans. On attaque la cinquième saison. Le contrat est respecté. » Car si l’évocation de Clermont-Ferrand ne fait pas forcément rêver dans le reste de la France, souffrant d’une image de ville froide, post-industrielle et isolée, elle compte tout de même près de 300 000 habitants, dont 35 000 étudiants. Une aubaine, tout comme le retour en grâce de la techno qui a coïncidé avec l’ouverture du 101. Un nom choisi à la fois en référence à un album live de Depeche Mode, mais aussi au mythique synthétiseur SH101. « Et puis cela fait penser au binaire, au numérique, qui sont des suites de 1 et de 0 », s’amuse Boris.
Chaque soirée du club possède une thématique bien spécifique. Le jeudi, jour traditionnel de sortie entre étudiants, carte blanche est laissée à des associations locales avec une programmation aussi diverse que ces dernières : bass music, house et parfois même trance, qui connaît un regain d’intérêt dans la région. Le samedi est généralement la soirée où Boris reprend son alias Syrob pour jouer ‘all night long’.
« Je joue un peu de tout, en restant qualitatif bien sûr, mais ça va de la new wave à la house en passant par le disco où l’électro-funk. L’entrée est gratuite et le samedi est plus facile à remplir, les gens ont envie de sortir entre amis. L’idée est d’éduquer le public et de lui donner envie de venir les vendredis. »
Combler un manque
Car si la notoriété du 101 a aujourd’hui largement dépassé les frontières de l’Auvergne, c’est bien grâce à ses rendez-vous du vendredi, où la crème des DJs nationaux et internationaux est venue se frotter aux platines. Pas les superstars de la techno à la Jeff Mills, bien sûr, trop chères pour ce club intimiste, mais des artistes émergents comme Paula Temple, Ancient Methods, Voiski, Antigone, François X, Milton Bradley, Recondite, Jérémy Underground et des plus installés comme DJ Deep, Manu le Malin, Legowelt, AtomTM, Neil Landstrumm, The Hacker ou Shed.

© Club 101 / Archi Vinyl
L’une des plus grandes fiertés pour Boris étant d’avoir accueilli un live de Dopplereffekt, venu spécialement de Detroit. « Toutefois, le vendredi n’est pas rentable. En plus, comme la ville est mal desservie niveau transports, cela nous coûte plus cher de faire venir les artistes. Mais ces soirées sont l’âme du club, sa raison d’être. On veut faire plaisir aux passionnés du coin et répondre à l’insuffisance de l’offre dans les autres endroits. »
« Le 101 a comblé un manque. On a enfin un endroit où sortir régulièrement avec une vraie direction artistique »
On a interrogé l’un de ses passionnés, Viti, DJ à ses heures sur les ondes de Radio Campus ou dans des bars de la ville, qui confirme. « Le 101 a comblé un manque. On a enfin un endroit où sortir régulièrement avec une vraie direction artistique. Jusque-là il n’y avait que de petites soirées ponctuelles ou alors toujours les mêmes mecs de la french touch qui venaient à la Coopérative de Mai, la SMAC locale, qui travaille surtout avec des gros tourneurs. Pour le reste, il nous fallait faire beaucoup de kilomètres. »

© Club 101 / Archi Vinyl
Pour la suite, Boris ne se voit pas vraiment continuer vingt ans en tant que patron de club et prépare la relève. Associé avec un jeune DJ, il projette le lancement d’un nouveau label. Et espère voir, pourquoi pas, émerger une vraie scène clermontoise.
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Soutien au 101, à toutes ses équipes et à la scène clermontoise