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© Jacob Khrist
6 juillet 2024

Jeff Mills, l’interview 100% Detroit đŸŽ™ïž

par Tsugi

De la naissance de la techno Ă  Detroit au dĂ©but des annĂ©es 1980, Jeff Mills a tout vu, tout entendu. D’abord en tant que DJ Ă©mĂ©rite, puis comme producteur au sein de Final Cut, d’Underground Resistance, et en solo. Une sommitĂ© qui se confie longuement sur sa vision du mouvement, le contexte d’alors, et sur la beautĂ© d’une ville meurtrie sur laquelle, finalement, on ne sait pas grand-chose.

Par Brice Miclet

 

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Les gens parlent souvent de 1984 comme annĂ©e de naissance de la techno, notamment parce que c’est celle de la sortie du titre ‘Techno City‘ de Cybotron. Qu’en pensez-vous ? La techno a-t-elle une date anniversaire ?

Jeff Mills : Je ne pense pas. Mais mon opinion pourrait ĂȘtre trĂšs diffĂ©rente de celle d’un autre artiste ou observateur du genre. D’aprĂšs mes souvenirs, je dirais qu’il n’y a pas eu de point de dĂ©part particulier, quoi que ce soit qui ait tout dĂ©clenchĂ©. On ne peut pas parler de la techno de Detroit comme de quelque chose de collectif, finalement. Parce que tellement de personnes ont fait tellement de choses Ă  des moments et des lieux diffĂ©rents
 Et beaucoup de ce que nous considĂ©rons comme les premiers titres de techno Ă©taient en fait trĂšs influencĂ©s par ce qui se passait Ă  Chicago Ă  la mĂȘme Ă©poque. On appelait cela de la musique progressive. C’était une musique qui venait d’Europe.

 

Le hip-hop ou l’electro-funk new-yorkais par exemple, ont particuliĂšrement influencĂ© vos premiĂšres annĂ©es de djing Ă  Detroit, au dĂ©but des annĂ©es 1980 ?

Jeff Mills : Je jouais de la musique de rue. Cela englobait donc le hip-hop, oui, mais aussi la dance industrielle, la new-wave, la post new-wave
 Toutes sortes de musiques alternatives. Pour moi, la techno de Detroit n’était pas une musique de rue parce que la majoritĂ© des ceux qui la produisaient et de ceux qui l’écoutaient ne venaient tout simplement pas de la rue. Ils venaient des clubs.

 

En tant que DJ pendant la premiĂšre moitiĂ© des annĂ©es 80, quelle Ă©tait votre relation avec les artistes que nous appelons aujourd’hui les Belleville Three, Ă  savoir Kevin Saunderson, Derrick May et Juan Atkins, qui sont de votre gĂ©nĂ©ration ?

Jeff Mills : J’étais DJ professionnel, j’avais une Ă©mission de radio six jours par semaine, et je devais me produire en soirĂ©es deux ou trois fois par semaine. De trĂšs nombreux djs me passaient leur musique. Je ne participais pas du tout Ă  la production, j’étais un peu vu comme un programmateur. J’ai donc entendu leur musique trĂšs tĂŽt, l’ai passĂ©e dans mes Ă©missions puis en club.

 

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Les artistes de cette Ă©poque et de DĂ©troit avaient-ils le sentiment que quelque chose d’important allait arriver ou Ă©tait en train d’arriver artistiquement ?

Jeff Mills : Vous savez, Ă  l’époque, Detroit Ă©tait une ville trĂšs segmentĂ©e. Beaucoup de gens Ă©voluaient dans leur propre clique, dans tel groupe, dans tel style, et ne communiquaient pas nĂ©cessairement entre eux. Tout le monde restait un peu dans son coin. Comme Ă  l’époque de la Motown quand les Temptations ne communiquaient pas avec les Supremes, qui ne communiquaient pas avec les Four Tops etc. Mais nous savions que quelque chose fort Ă©tait en train de se passer, mĂȘme si ça n’est que bien plus tard, entre le milieu et la fin des annĂ©es 1980, que les gens ont commencĂ© Ă  rĂ©ellement interagir, Ă  se dire que la musique techno pouvait reprĂ©senter Detroit

© Jacob Khrist

 

C’est souvent un raccourci d’affirmer que les gens ont agi collectivement et ont eu la volontĂ© de crĂ©er la techno ensemble ?

Jeff Mills : C’est arrivĂ© comme ça. À cette Ă©poque, les instruments Ă©lectroniques se dĂ©mocratisaient Ă©normĂ©ment, vous pouviez aller dans un magasin de musique et acheter une boĂźte Ă  rythmes, un Ă©chantillonneur, toutes sortes d’équipements. Mais il fallait de l’argent, ça coĂ»tait trĂšs cher. Si vous aviez les moyens de le faire, vous n’aviez pas nĂ©cessairement besoin d’ĂȘtre dans un groupe ou de rencontrer plein de gens pour faire de la musique. Au dĂ©part, nous ne savions pas vraiment qui possĂ©dait ces instruments sur Detroit. C’est finalement grĂące aux soirĂ©es universitaires, aux fraternitĂ©s et aux sororitĂ©s que nous avons pu connecter entre artistes et djs. Par exemple, j’ai reçu un enseignement musical et technique trĂšs diffĂ©rent de ceux qu’ont reçu Ken Collier ou Delano Smith. Et puis, Ă  la fin des annĂ©es 1980, nous avions compris ce que nous reprĂ©sentions collectivement, en tant que groupe d’artistes.

 

Avez-vous eu alors la volontĂ© de changer la sociĂ©tĂ© ? D’apporter quelque chose de politique ? Juan Atkins, par exemple, a Ă©tĂ© trĂšs tĂŽt considĂ©rĂ© comme un musicien engagé 

Jeff Mills : À la fin des annĂ©es 1980, j’ai fait partie du groupe Final Cut. Detroit Ă©tait encore trĂšs sinistrĂ©e Ă©conomiquement, nous n’avions pas beaucoup d’informations sur ce qui se passait en ville, et Ă©galement sur ce qui se passait hors de Detroit. Notre seule chance Ă©tait d’ĂȘtre repĂ©rĂ© par quelqu’un de New York, qu’on y jouait votre musique. Peu d’entre nous pouvaient voyager. Derrick, Kevin et Juan avaient cette possibilitĂ©, mais les autres trĂšs trĂšs peu. Ca n’est qu’un fondant Underground Resistance avec Mike Banks en 1989 que nous avons commencĂ© Ă  comprendre le monde qui nous entourait rĂ©ellement, que nous avons pu situer la techno, lui donner une place dans les musiques Ă©lectroniques, Ă  comprendre que tout Ă©tait connectĂ©, que d’autres musique comme le hip-hop, entre autres, devenaient de plus en plus politiques. Ca n’est donc pas venu tout de suite, pas pour nous en tout cas. Une fois cela compris, nous avons cherchĂ© Ă  savoir si la mĂȘme chose, le mĂȘme Ă©lan se produisait Ă  l’extĂ©rieur du pays.

 

 » Je jouais de la musique de rue. Cela englobait donc le hip-hop, oui, mais aussi la dance industrielle, la new-wave, la post new-wave
 Toutes sortes de musiques alternatives. »

 

Est-ce aussi parce que la techno a connu une reconnaissance médiatique tardive ?

Jeff Mills : Je vais vous donner un exemple : avec Underground Resistance, nous avions listĂ© les personnes ou structures capables de relayer notre dĂ©marche. Il y avait beaucoup de publications noir-amĂ©ricaines telles que Ebony ou Black Entrepreneur. Nous leur avons envoyĂ© une lettre dans laquelle nous expliquions qui nous Ă©tions, ce que nous faisions, et pourquoi cela pouvait les intĂ©resser. Nous n’avons reçu aucune rĂ©ponse. Absolument aucune. Le hip-hop Ă©tait partout, mais il n’y avait aucune appĂ©tence pour une musique Ă©lectronique nĂ©e Ă  Detroit, zĂ©ro. On a vite compris que si l’on voulait survivre, il fallait quitter le pays.

Nous ne voulions pas finir comme ces artistes de jazz qui n’intĂ©ressaient plus du tout le public amĂ©ricain. Nous nous sommes notamment tournĂ©s vers Berlin. C’est lĂ -bas que nous sommes d’abord allĂ©s. C’était un dĂ©chirement que de quitter les Etats-Unis, de quitter Detroit, une ville qui avait enfantĂ© de la Motown, d’une industrie musicale propre. Mais nous n’avions pas le choix. Aujourd’hui, certaines cultures sont amĂ©ricaines sont encore largement dĂ©considĂ©rĂ©es en leurs contrĂ©es. Peut-ĂȘtre sont-ce les rĂ©sidus de certains problĂšmes raciaux, des choses comme ça.

 

Vous avez Ă©tudiĂ© l’architecture en parallĂšle de votre activitĂ© de DJ, c’est bien cela ?

Jeff Mills : Oui. Je voulais d’abord ĂȘtre avocat, mais plus j’en apprenais sur ce milieu, plus je sentais que j’allais y perdre ma dignitĂ©. Je me suis donc tournĂ© vers l’architecture. J’ai commencĂ© les Ă©tudes, mais Underground Resistance s’est crĂ©Ă© et a commencĂ© Ă  prendre de plus en plus de place dans ma vie. Je pensais que je pouvais faire une pause, jouer de la musique, et reprendre les Ă©tudes plus tard. Mais je suis toujours musicien trente-cinq ans plus tard.

 

C’est intĂ©ressant parce que l’architecture de Detroit est souvent mise en relation avec l’aspect industriel et presque froid de la techno. Qu’en pensez-vous ?

Jeff Mills : J’en pense que beaucoup ne se rendent pas compte de ce qu’est rĂ©ellement Detroit. Il faut bien comprendre que cette ville est trĂšs imprĂ©gnĂ©e de l’architecture Art-dĂ©co. Il y en a partout. C’était une ville extrĂȘmement prospĂšre au dĂ©but du XXe siĂšcle grĂące aux industries de l’acier et de l’automobile. Ils ont donc grandement embelli Detroit. Les bĂątiments municipaux, les Ă©coles, les universitĂ©s, les bibliothĂšques
 La ville est pleine de cet Art-dĂ©co rayonnant. J’ai toujours fait un lien entre l’élĂ©gance de la techno de Detroit et l’élĂ©gance de la ville. Ces derniers temps, c’est difficile de le voir, mĂȘme des personnes qui y vivent ne s’en rendent pas compte.

Il y a quelque chose de similaire Ă  l’Egypte antique, avec ces colonnes, ce cĂŽtĂ© magique de l’architecture. Si vous allez lĂ -bas, levez la tĂȘte, observez les sommets des bĂątiments. Vous y verrez la mentalitĂ© dans laquelle cette ville a Ă©tĂ© construite, ce Ă  quoi pensaient les gens en les Ă©rigeant, l’essence de ce qu’ils imaginaient en termes de civilisation. MĂȘme si Detroit est connu pour son cĂŽtĂ© ouvrier, elle a cette Ă©lĂ©gance et ces apparats. Quand j’étais enfant, c’était une ville trĂšs agrĂ©able, un trĂšs bel endroit. Pas comme New York, Los Angeles ou Chicago, non. C’était trĂšs particulier. Aujourd’hui, les gens essaient de retrouver cette mentalitĂ© et cet imaginaire, c’est fascinant. Il n’est pas rare de voir une ville dĂ©cliner, Detroit n’est pas la seule amĂ©ricaine Ă  qui c’est arrivĂ©. Mais on peut y voir, comme en Egypte, une forme d’intention civilisationnelle. Sans toute cette atmosphĂšre, sans cet aspect de la ville, sans cette sophistication, il n’y aurait jamais eu de si belles voitures de produites, ou de morceaux comme No UFO’s.

 

AprĂšs avoir Ă©tĂ© longtemps DJs, qu’est-ce qui vous a poussĂ© vers la production musicale dans la deuxiĂšme moitiĂ© des annĂ©es 1980 ?

Jeff Mills : J’ai commencĂ© Ă  produire de la musique pour des raisons pratiques. À l’Ă©poque, ma concurrence en tant que dj Ă©tait Electrifying Mojo. C’était si intense que mĂȘme avec toutes les ressources dont je disposais, mĂȘme en travaillant pour de grandes radios telles que WDRQ ou WJLB, mĂȘme en ayant accĂšs aux nouveautĂ©s des majors ou de labels comme Def Jam, ça n’était pas suffisant. Je suis donc allĂ© dans un magasin de musique pour acheter du matĂ©riel et apprendre Ă  produire. Je composais le jour, et je diffusais ma musique la nuit. Mais il ne fallait surtout pas dire que c’était de moi. Je faisais croire que j’avais accĂšs Ă  des nouveautĂ©s que mes concurrents n’avaient pas. Par contre, il fallait que ces morceaux sonnent trĂšs professionnels, il fallait que tout le monde pense qu’ils provenaient de chez Def Jam ou que sais-je. J’ai donc dĂ» m’amĂ©liorer trĂšs rapidement, apprendre Ă  travailler avec un sĂ©quenceur, des boĂźtes Ă  rythmes, Ă  sampler comme le faisaient les Public Enemy et le The Bomb Squad. Et je me suis amĂ©liorĂ© (rires). Ca a fonctionnĂ©.

 

Vous ĂȘtes souvent qualifiĂ©s, vous et l’ensemble des artistes techno de l’époque, de « rebelles », de « techno rebels ». Que pensez-vous de cette notion de rĂ©bellion ?

Jeff Mills : Je crois qu’elle est appropriĂ©e nous concernant. Il faut comprendre le contexte d’alors : les grands labels, les majors, dominaient totalement la musique amĂ©ricaine, ils maintenaient la tĂȘte des petites maisons de disques sous l’eau. Pouvoir crĂ©er son propre label, rassembler son propre public et communiquer Ă  notre maniĂšre, c’était finalement trĂšs audacieux et trĂšs rebelle. On sentait l’influence de Berry Gordy et de la Motown. Les dirigeants de Detroit Ă©taient trĂšs durs, le maire, Coleman Young, Ă©tait trĂšs dur. Parce que la ville Ă©tait dure Ă©galement. Avec Underground Resistance, nous voulions redĂ©finir les rĂšgles, repenser ce qu’un label indĂ©pendant pouvait ou devait faire. Nous avions totalement abandonnĂ© l’idĂ©e de ne gagner que 3 % de nos royalties, nous allions en rĂ©cupĂ©rer 100 %. On pensait comme ça. Rebelle ? Ca me va, oui.

 

Quand Underground Resistance est né, aviez-vous la volonté de divertir les gens ? Quelle était votre relation avec la notion de divertissement ?

Jeff Mills : Quand nous avons commencĂ© le groupe, nous Ă©tions principalement intĂ©ressĂ©s par la production musicale. J’avais mis fin Ă  mon activitĂ© de dj. J’en avais marre. J’étais retournĂ© en Ă©tudes, je voulais devenir rĂ©ellement musicien, mais Mike Banks a suggĂ©rĂ© que je reprenne le djing parce que savais comment la musique Ă©tait produite, j’avais cette expĂ©rience. J’ai hĂ©sitĂ© parce que je pensais que c’était lĂ  la possibilitĂ© de faire passer un message. Nous n’avions pas spĂ©cialement l’intention de nous produire en concert, alors, pourquoi pas redevenir DJ ? Nous voulions produire beaucoup de musique, devenir un label, une entreprise. Les quelques propositions de concerts que l’on nous a faites se sont trĂšs bien passĂ©es, c’est vrai, on aurait pu tourner et divertir le public. Mais nous Ă©tions surtout intĂ©ressĂ©s par la vente de nos disques. On pouvait bien gagner sa vie en faisant cela. Aujourd’hui, c’est tout Ă  fait diffĂ©rent. Et nous avons vendu beaucoup de disques en indĂ©pendant. On a fait des t-shirts qui se sont trĂšs bien vendus Ă©galement.

 

Penses-tu que les jeunes d’aujourd’hui sont suffisamment conscients des origines de la techno ? Que le travail de transmission fonctionne ?

Jeff Mills : La notion de transmission a changĂ© avec le temps parce que la façon dont nous communiquons a changĂ©. Je crois que ce travail a globalement Ă©tĂ© fait. Par exemple, le fait d’avoir Ă©tabli un lien, dĂ©jĂ  Ă  l’époque, entre les publics de Berlin et de Detroit, Ă©tait bĂ©nĂ©fique pour les deux partis et symbolique dans l’idĂ©e d’aller quelque part, d’y rencontrer des gens, de ramener des informations chez soi, de les traduire en musique
 Vous trouverez, encore aujourd’hui, des liens trĂšs forts entre les personnes de Detroit, de Tokyo ou d’Amsterdam. Et c’était un peu notre objectif finalement. Pour rĂ©pondre Ă  votre question, est-ce que je pense que c’est encore pertinent aujourd’hui ? Oui, je le pense. Je pense que ces connexions constantes ont permis Ă  la techno de survivre.

C’est aussi ce qui l’a rendue un peu insaisissable, mouvante. Si la techno devient moins populaire quelque part, que le mouvement s’éteint dans un pays, elle peut renaĂźtre ailleurs et simultanĂ©ment. C’est comme une vague, comme des ondes. Tout cela a Ă©tĂ© pensĂ© trĂšs tĂŽt, dans notre approche, nos relations avec l’extĂ©rieur. Au dĂ©but des annĂ©es 1990, quand on voyageait, on parlait avec les artistes locaux, on se passait des informations, on se suggĂ©rait des idĂ©es, on s’entraidait en fait. Quand nous allions Ă  Amsterdam, nous, artistes de Detroit, savions ce que cela signifiait d’ĂȘtre Ă©coutĂ©s Ă  l’autre bout du monde. On mettait un point d’honneur, par exemple, Ă  aller voir les disquaires de la ville. Nous voulions ramener une petite part de cette ville chez nous, mĂ©langer, avec la possibilitĂ© de crĂ©er quelque chose de mondial. Pas seulement Ă  Detroit, Berlin ou Londres, mais partout, jusque dans les campagnes. Nous sommes allĂ©s jouer dans des lieux improbables, reculĂ©s, pour des clopinettes parce que nous avions compris ce qui pourrait arriver si les gens se mettaient Ă  aimer notre musique. C’était beaucoup de travail, c’était trĂšs intense. Mais je ne suis pas trĂšs surpris de la taille prise par ce mouvement et cette musique. Parce que tout cela Ă©tait rĂ©flĂ©chi.

Par Brice Miclet

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