Un nouveau jour se lève sur le petit monde des « sorties de la semaine ». Encore une fois, en ce mois de juin, la météo est au beau fixe. Un peu de jungle du côté de BAMBII, un déferlement de bass au niveau de Pura Pura et une belle dubstep vers Hamdi. Mais aussi : Cocojoey, Gogo Penguin, Maison Blanche, Domenique Dumont, Yaya Bey, Miira et un V.A. d’Applause.
BAMBII – Infinity Club II
Le Club Infinity de BAMBII réouvre ! Difficile de ne pas y passer une tête. La DJ torontoise revient avec Infinity Club II, un concentré fiévreux où dancehall mutant, jungle sauvage et garage givré se fondent dans un chaud-froid irrésistible. Ce nouvel EP pousse plus loin encore le mix d’identités et de textures déjà amorcé sur le premier volet : chaque titre est une capsule dense, moite et précise, pensée pour retourner le club et brouiller les frontières.
Entre les staccatos de BEAM, les échappées sensuelles de Lady Lykez, et le mirage vocal de Jessy Lanza et Yaeji sur « Mirror », BAMBII navigue entre basses jamaïcaines, électronique UK et héritages diasporiques. Avec cette suite, elle consolide son club infini – un lieu hybride, fiévreux et furieusement moderne.
Pura Pura – Side by Side
Pura Pura est un DJ habitué des ondes de la très pointilleuse Piñata Radio. Ce Montpelliérain n’excelle pas seulement derrière les platines : il inonde Bandcamp d’edits pour rendre plus club les classiques du R&B et du rap game. Avec Side by Side, il pousse le projet jusqu’au bout. Sur des tracks qui transpirent ses influences UK, il invite un beau casting de rappeur·euses à venir poser une avalanche de punchlines.
La culture du toasting est mise à l’honneur avec, comme maître·sses de cérémonie : Kaba, LEDOUBLE, Ele A, Ricky Bishop ou encore Cream G. Plus que des textes, Side by Side se fait remarquer par la justesse de sa production. S’il passe par le footwork, il ne s’interdit pas des incursions dans la jungle, de faire les yeux doux à la bass ou de flirter avec le break. En somme, un EP très réussi qui impose le « Pura Pura style » et fait grossir la liste de nos coups de cœur.
Hamdi – Abomination
Attention, zone de turbulence. Avec Abomination, Hamdi balance un concentré de tension électronique comme on en rencontre rarement. Déjà remarqué en mai dernier grâce à son edit de « Damager » produit par Sammy Virji & Interplanetary Criminal, le prodige d’Oxford, caméléon des basses fréquences, pétrit un son brûlant entre dubstep, UKG et grime, le tout servi sur un plateau de subs bien gras.
La filiation est claire : on pense à Skrillex, Skream ou SHERELLE, autant de figures avec lesquelles il partage ce goût de l’impact et de l’éclectisme sonore. Chaque track claque comme une gifle bienveillante : c’est brut, c’est dense, et c’est taillé pour retourner un club. Hamdi ne fait pas dans la demi-mesure : il livre un EP qui transpire la rave moderne et l’insolence sonore – il y a juste à écouter les wobbles
Sur Bandcamp, l’annonce est sobre : « Premier EP de l’année, j’espère que vous l’apprécierez ! » Mission accomplie. Désormais, on attend avec impatience les prochaines secousses que 2025 lui inspirera.
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Facta – Gulp
Facta, cofondateur du label Wisdom Teeth, signe avec GULP un mini-album prometteur.Ce projet de sept titres mêle habilement influences UK soundsystem, tech house minimale et textures psychédéliques. Conçu dans l’urgence d’une tournée européenne et japonaise en fin 2024, GULP n’est pas un projet bâclé. Basses déformées, synthés mouvants et des voix ultra-échantillonnées brouillent les frontières entre organique et électronique.
Il ne faut pas s’arrêter à la première piste « terminal ». Concentrée d’ambiante et de drone, elle n’est que le sas de décompression avant un bon nombre de morceaux résolument club. Si « BDB » a déjà fait un peu parler d’elle, « Jets » sera ravir plus d’un cœur. La suite du projet s’adonne à la contemplation. Et oui pourquoi pas ! Le savoir-faire d’A&R et de DJ de Facta lui ont donné les clés pour qu’un rien match à la perfection. Juste pour ça, ça invite à tendre l’oreille.
Cocojoey – STARS
Préparez-vous à une décharge d’énergie brute ! Cocojoey, alias Joey Meland, débarque avec STARS, un album qui dynamite les conventions et s’impose comme un manifeste d’optimisme déjanté. Oubliez le gentillet, ici on est dans du néo-prog, du bitpop et du cybergrind pur jus, un choc des genres qui rappelle les coups de maître de Sophie ou d’Electric Callboy. Cocojoey, originaire de l’Illinois, transforme ses propres galères – notamment la maladie de Crohn – en une explosion sonore cathartique.
Attendez-vous à des hymnes J-pop fusionnant avec des kicks jazzy, le tout percé de déferlantes cybergrind. Une traversée du cosmos maximaliste, parfois brutal, mais toujours euphorisant, où les notes s’entrechoquent pour célébrer la résilience. STARS en plus d’un album est un cri de guerre technicolor le poing levé pour l’originalité.
Gogo Penguin – Necessary fictions
Jazz et musiques électroniques, deux esthétiques fricotant depuis longtemps ensemble, donnant parfois le pire – l’électro-swing, pourquoi ? — mais aussi le meilleur, comme cette scène britannique qui nous excite depuis une bonne décennie. Originaire de Manchester et non de Londres, GoGo Penguin en est à la fois l’un des éléments les plus populaires et les plus en marge, ayant développé une écriture très singulière, sans doute moins « groove » que nombre de ses pairs. Longtemps conçu autour du trio jazz classique batterie, contrebasse et piano, le groupe est aussi inspiré par l’IDM et l’électronica, raffolant de rythmiques complexes et énergiques, de boucles lancinantes et de mélodies renversantes. Une formule développée sur ses premiers albums jusqu’au départ en 2021 de son batteur historique.
Depuis deux ans et Everything Is Going To Be OK – qui en a décontenancé certains –, GoGo Penguin a été forcé de se réinventer, ralentissant souvent le tempo, plaçant le piano légèrement en retrait et assumant pleinement son amour pour l’électronique avec l’arrivée de synthés modulaires dans les arrangements. Necessary Fictions poursuit ce désir de ne pas capitaliser sur le passé et explore même des contrées plus pop avec le délicat « Forgive The Damages » ou le déchirant « Luminous Giants » accompagné des cordes de l’orchestre Manchester Collective. Le trio réussit surtout une nouvelle fois le tour de force de concilier exigence et accessibilité.
une chronique de Nicolas Bresson à retrouver dans le numéro 181 de Tsugi Mag
Maison Blanche – What A Time !
Les fans de Pont Neuf seront ravis de cette double livraison mensuelle. Après le funk futuriste de KX9000, place à une house plus orthodoxe mais tout aussi emballante. Ce grand fan de DJ Mehdi et de DJ Premier nous offre cinq tracks logiquement soulful, mais aussi très tubesques, à l’image de « Dance Forever », hommage aux grandes heures de la french touch. Belle réussite aussi que l’exercice de style disco « Guilty Disco ». Du grand art.
une chronique de Patrice Bardot à retrouver dans le numéro 181 de Tsugi Mag
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Domenique Dumont – Deux Paradis
Domenique Dumont signe avec Deux Paradis un quatrième album à la fois mystérieux et délicieusement solaire, prolongeant une odyssée balearic teintée de dub et de synthpop. Arturs Liepins, architecte letton du projet, et Anete Stuce, voix enchanteresse, composent une bande-son intime où se mêlent rêves et rituels, le tout bercé par des rythmes reggae et des mélodies délicates.
L’album déroule un cycle poétique, de l’éveil diurne au crépuscule nocturne. La pop est baroque, électronique mutante. Entre clins d’œil eighties et références ancestrales, Deux Paradis invente un langage musical hors du temps. Un album sensoriel à écouter en fermant les yeux pour respirer et tenter l’état de trance. Un album aussi tendre que profond, qui confirme Domenique Dumont comme maître d’une rêverie sonore. Voilà la pop cosmique qu’on n’attendait pas, mais il est bon de se faire surprendre.
Yaya Bey – do it afraid
Depuis Ten Fold, Yaya Bey a fait de son nom un incontournable de la soul urbaine. Militante, musicienne, poétesse et artiste visuelle, elle produit pourtant depuis près d’une décennie sur les traces de son père Grand Daddy I.U, du collectif Juice Crew. Héritière d’un hip-hop politisé et d’une soul désenchantée, elle fait dialoguer Erykah Badu, Audre Lorde et les cris de son Queens natal.
Avec Do It Again, Yaya Bey poursuit son travail de réinvention, entre jazz, soca, hip-hop et groove expérimental. C’est un disque profondément ancré dans le vivant, où la douleur se confronte aux petites joies du quotidien. Sa voix, parfois colère, parfois caresse, s’élève pour dire l’envie d’aimer, de rire, de danser même quand la peur persiste. Aux côtés de BADBADNOTGOOD ou Butcher Brown, elle fait couler un flow à la fois militante et sensuelle. Yaya ne cherche pas à apaiser, mais à embrasser la complexité — et cela résonne avec une justesse rare. Un album qui refuse le repli, et qui se tient droit : Immanquable.
Miira – Cores
Mayra Matte Nunes, alias Miira, est née à Florianopolis, au Brésil, avant de grandir en France. Sa musique concentre cet amour et double identité brésilo-française. Pour la cultiver, elle puise autant dans les classiques brésiliens — Milton Nascimento, Chico Buarque — que dans sa formation jazz et classique européenne.
Avec son deuxième EP Cores, elle garde cette même formule. Entre néo-bossa, influence hip-hop et touches de musique sacrée, Miira impose une voix douce et pleine d’émotion. Les rythmiques brésiliennes sont chaloupées, caressantes et profondément apaisantes. Autant en portugais qu’en français, Cores raconte son cheminement lors d’une fête. Une traversée haute en couleurs (« cores » en portugais), portée par une fraicheur musicale. Bravo !
Applause – V.A. Vol 2
Focus sur Applause, soirées devenues label et fondé en 2023 par Matteo (Chinese Man). Applause V.A. Vol. 2 est le fruit d’une sélection minutieuse.
Le casting des invités est d’ailleurs tout aussi pointu : Sylvere, Lorkestra, DJ Travella, Artem, Tysha Cee… Ces habitué·es du label fusionnent habilement en une compilation musique électronique, bass music, techno percussive, baile funk et grooves afro-caribéens. Dur de ne pas craquer, reprogrammer son week-end et de filer en club à l’écoute de « Wolla Dem », « Cicatriz » ou « Lepo ». Un conseil : s’en gaver jusqu’à plus faim !