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© Philippe R. Doumic / Gary stevens
13 septembre 2022

🎬 Cinq grands moments musicaux dans le cinĂ©ma de Jean-Luc Godard

par Corentin Fraisse

Jean-Luc Godard est dĂ©cĂ©dĂ© Ă  l’Ăąge de 91 ans en Suisse, oĂč il a eu recours au suicide assistĂ©. DĂšs les annĂ©es 1960, le cinĂ©aste franco-suisse a incarnĂ© la Nouvelle Vague et contribuĂ© Ă  repousser les limites du cinĂ©ma français. Que ce soit dans l’esthĂ©tique ou la narration. Soixante ans de carriĂšre, une centaine de films, cĂ©lĂ©brĂ©s Ă  la Berlinale, Ă  la Mostra, Ă  Cannes et mĂȘme des CĂ©sar et Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carriĂšre. Godard c’est une passion pour la photographie, pour les ralentis, les adresses directes, les images en nĂ©gatif, le sport (le tennis surtout)… mais aussi et Ă©videmment, un goĂ»t prononcĂ© pour la musique.

Pour ĂȘtre tout Ă  fait honnĂȘte, le journaliste qui Ă©crit ces lignes connaissait mal les films de Jean-Luc Godard et n’en avait vu qu’une poignĂ©e. Pour Ă©crire cet article, beaucoup d’extraits de ses films ont Ă©tĂ© visionnĂ©s aprĂšs l’annonce de sa mort en ce matin de septembre. Il en est sorti une sĂ©lection -un poil subjective, donc- de quelques trĂšs beaux moments de musique chez Godard. Pas forcĂ©ment les chansons, mĂȘme si elles sont lĂ©gions dans ses oeuvres, mais plutĂŽt les instants oĂč la musique est utilisĂ©e Ă  merveille, ceux oĂč on en parle, ceux oĂč on danse. Car son amour pour la musique se cachait un peu partout. 

On aurait pu citer les musiques originales de Martial Solal pour À bout de souffle ou des apparitions remarquĂ©es comme Macha MĂ©ril qui chante dans Une femme mariĂ©e, Jean-Pierre LĂ©aud dans Week-end. Niveau musique on retiendra aussi Mick Jagger et les Rolling Stones dans One + One, Chantal Goya dans Masculin FĂ©minin, Marianne Faithful dans Made In USA, les Rita Mitsouko dans Soigne ta droite ou encore Jean Ferrat dans Vivre sa vie. Malheureusement, les passages dont on parle ici ne sont pas tous disponibles sur Youtube. Cela vous donne une occasion de voir ou revoir lesdits films !

 

Bande Ă  part (1964)

Chez Jean-Luc Godard, Anna Karina a pas mal chantĂ© mais a aussi et surtout beaucoup dansĂ©. En solo dans Vivre sa vie, en duo dans Une femme est une femme et en trio ici-mĂȘme avec Sami Frey et Claude Brasseur dans Bande Ă  part sorti en 1964. (Eh oui jeune gĂ©nĂ©ration : le regrettĂ© Claude Brasseur a, un jour, Ă©tĂ© jeune)

 

Le MĂ©pris ( 1963)

C’est sans doute l’une des plus belles musiques composĂ©es pour le cinĂ©ma. CrĂ©Ă©e pour Le MĂ©pris par Georges Delerue (1925-1992), fidĂšle alliĂ© des cinĂ©astes les plus reconnus de l’époque (Truffaut, Sautet, Malle
), « Le ThĂšme de Camille » fait office d’ouverture et de clĂŽture du film de Godard. Le thĂšme est rappelĂ© Ă  de nombreux autres moments du film, notamment lors de la scĂšne d’amour entre Piccoli et Bardot. Principalement composĂ© d’instruments Ă  cordes, cet adagio revisitĂ© donne au film une puissance tragique, tout en accompagnant inlassablement une Brigitte Bardot (Camille) plus belle que jamais.

Le « ThĂšme de Camille » restant une rĂ©fĂ©rence de choix pour le reste des grands cinĂ©astes, elle a notamment Ă©tĂ© reprise dans le cĂ©lĂšbre Casino (1995) de Martin Scorsese, sublimĂ©e par des plans aĂ©riens dans le dĂ©sert du Nevada et dont l’intensitĂ© dramatique concorde avec un De Niro en situation critique, en proie Ă  ses pires dĂ©mons.

AdĂšle Chaumette

Sauve qui peut (la vie) (1980)

Serait-ce un clin d’oeil au Grand Frisson ? Le film de Mel Brooks renfermait un joli gag plutĂŽt original Ă  l’Ă©poque en 1977 : la musique anxiogĂšne Ă©tait ironiquement intĂ©grĂ©e dans la scĂšne (la musique y Ă©tait donc diĂ©gĂ©tique, pour les cinĂ©philes puristes), jouĂ©e par une fanfare entassĂ©e dans un bus. On retrouvera cette idĂ©e chez Jean-Luc Godard, deux ans plus tard dans Sauve qui peut (la vie), mais sur un mode bien plus tragique. La musique, qu’on croit d’abord extra-diĂ©gĂ©tique (en dehors de la scĂšne), s’invite Ă  l’image Ă  la toute fin du film. Et c’est une armada de violonistes et de violoncellistes qui accompagne tristement les pas d’Isabelle Huppert.

 

Le petit soldat (1963)

Chez Godard, la musique est aussi commentĂ©e, ce qui donne des instants croustillants. Par exemple les jugements secs de Belmondo dans Pierrot le fou : « Je t’ai dit un disque tous les 50 livres. La musique aprĂšs la littĂ©rature! » ; mais aussi les jugements lapidaires de l’Ă©crivain Parvulesco dans À bout de souffle alors qu’il est questionnĂ© Ă  Orly : « -Est-ce que vous aimez Brahms ? -Comme tout le monde, pas du tout. -Et Chopin ? – DĂ©gueulasse ».

Mais les thĂ©ories les plus amusantes sur la musique dans la filmo de Godard, ce sont certainement celles qu’il fait dire Ă  Michel Subor dans Le petit soldat. Quand l’acteur demande Ă  Anna Karina si elle a des disques, et qu’elle lui propose toute une palette : « -Qu’est ce que vous voulez ? Du Bach ? -Non, c’est trop tard. Bach c’est 8 heures du matin. Un Brandebourgeois Ă  8h du matin c’est merveilleux. -Du Mozart? Beethoven? -Trop tĂŽt. Mozart c’est 8h du soir. Beethoven c’est de la musique trĂšs profonde. Beethoven c’est minuit. » Tout ça, en triturant son appareil photo qui lui servira plus tard Ă  photographier l’Ă©poustouflante Anna Karina.

 

Je vous salue, Marie (1985)

On a Ă©tĂ© marquĂ©s par PrĂ©nom Carmen et cette scĂšne canon, avec comme seul point d’entrĂ©e un tĂ©lĂ©viseur Ă  Ă©cran neigeux, une main et le « Rubby’s Arms » de Tom Waits. Mais l’art de la citation musicale chez Godard, toujours un peu pĂ©dant, est poussĂ© au summum Ă  la fin de Je vous salue, Marie : la valse/hĂ©sitation de Marie est reproduite par la musique de Bach et notamment sa prĂ©sence. TantĂŽt mise trĂšs fort et au premier plan, tantĂŽt mise en retrait.

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