« L’aupinard ‘léger’ n’est qu’une facette de moi » | INTERVIEW
aupinard, artiste humble et bienveillant originaire de Bordeaux, nous ouvre les portes de son monde entre bossa nova, rap et émotions. De ses débuts avec un micro d’écouteurs, jusqu’à à son ascension fulgurante. Avec sa nouvelle mixtape pluie, montagnes et soleil qui bouscule autant qu’elle libère, aupinard s’apprête à jouer à l’Olympia le 22 février à guichets fermés. Là où tout a commencé.
En 2016, tu tombes sur ‘Saudade Fez Uma Samba’ de João Gilberto qui te donne envie de faire de la bossa nova. Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce que tu as entendu ?
D’abord, la richesse des accords. Mais c’est toute la richesse musicale qui m’a frappé. Je ne saurais pas l’expliquer précisément mais j’ai ressenti quelque chose d’unique, un truc que je n’avais jamais expérimenté avant.
Ton compte TikTok est un carton. On parle souvent ‘d’artiste TikTok’, que penses-tu de cette appellation ?
Ce n’est pas que je n’aime pas le terme, mais je le trouve réducteur. Il faut voir comment ça se traduit dans la vraie vie avant de juger. Aujourd’hui être un ‘artiste TikTok’, ça veut souvent dire qu’un son a cartonné sur la plateforme et que les gens viennent au concert pour une seule chanson. Mais ce n’est pas le cas, la plupart des artistes que je connais ont justement explosé grâce à TikTok, mais les vrais fans prennent tout le temps d’explorer leur discographie.
Les choses ont changé. Entre 2000 et 2020, si tu n’étais pas en maison de disque, c’était presque impossible d’avoir des stats ou de faire des scores. Maintenant, tu peux être totalement indépendant et exploser juste grâce à TikTok.

© Cover pluie montagnes et soleil
Tu as commencé dans ta chambre en enregistrant tes sons avec le micro de tes écouteurs. Aujourd’hui, tout est bien différent. Outre l’aspect technique, qu’est-ce que ça change dans ta manière de créer des chansons ?
Pas mal de choses ont changé, c’est clair (rires). Avant, je faisais des chansons juste pour faire des chansons, sans forcément chercher plus loin. Aujourd’hui, ma démarche est différente : je veux raconter des histoires, transmettre quelque chose. Avant, j’avais des idées de paroles en tête, qu’elles soient vraies ou non, et je faisais de la musique avant tout pour la vibe.
Tu sors ton premier EP en 2023, que tu dédies à ta grand-mère Hortense. Ce fut une inspiration pour ce disque ? Comment ça se traduit concrètement dans l’EP ?
Pour ce premier EP tout était différent. Quand j’ai enregistré ma toute première chanson, ma grand-mère était là. Et puis la thématique de ce projet tourne autour de l’amour, que j’ai choisi de symboliser par une fleur. Ma grand-mère s’appelle Hortense, d’où le titre de l’EP : Hortensia. Dans mon deuxième EP que je viens de sortir, je parle aussi d’amour, mais cette fois il n’est dédié à personne en particulier.
Ce premier projet a marqué le début de ton ascension. Comment as-tu vécu cette période et l’accueil du public ?
Tout est allé tellement vite que je n’ai même pas eu le temps de réaliser ce qu’il se passait. Lors de mon concert, j’ai été vraiment touché de voir à quel point mes sons résonnaient chez les gens. Et honnêtement, ça m’a aussi beaucoup surpris.
Tu viens de sortir une mixtape pluie, montagnes et soleil, où tu explores des thèmes comme la confiance en soi, la trahison et les relations passionnelles. Qu’est-ce qui t’a le plus inspiré pour ce projet ?
Dans les textes, ce sont mes expériences personnelles : ce qui m’a touché, fait mal. Pour les sonorités, il y a plein d’influences différentes. Ce projet, c’est un mélange de tout ce que j’ai entendu et aimé au fil du temps. Par exemple dans ‘les rêves sont dangereux‘, on retrouve des sonorités un peu indie. Dans ‘si belle dans l’appareil‘, il y a une touche reggae, et ça, c’est une influence directe de ce que j’écoutais au collège, comme Ini Kamoze ou un peu de Bob Marley.
Il y a beaucoup de moi dans ce projet. Quand un texte était profond, j’essayais de trouver une enveloppe musicale cohérente pour bien faire passer l’émotion. Et c’était tout un exercice.
Tu parles souvent de catharsis à travers la musique. Y a-t-il une chanson qui a été particulièrement libératrice pour toi ?
Oui, ‘toutes les fleurs‘. Au moment où je l’ai fait j’avais un peu plus de recul sur ce que je vivais et j’ai dis tout ce que j’avais sur le cœur. Donc c’est mon cœur qui parle. J’ai pas réfléchi, j’ai juste fait.

© Pierre Daschier
Dans cet mixtape on retrouve moins de bossa nova, ton signe un peu signature, comment ça se fait ? comment tu l’expliques ?
Je voulais pas faire un deuxième disque entièrement bossa nova, j’ai préféré choquer maintenant. Si j’avais refait un album dans le même style tu te serais dit : ‘ok, c’est un album de bossa nova’, et peut-être que mon premier album aurait fini par s’appeler Bossa Nova. Mais non, je veux faire comprendre que c’était une petite période de ma vie et que je ne veux pas faire que ça.
Du coup, avec cet projet, je suis en mode : « Les gars, regardez, il n’y a pas de bossa nova’. Il y a juste ‘le feu.‘ pour pas que vous soyez déboussolés non plus, où on retrouve l’aupinard de base ». Et je me dis que ça me permet, par la suite, d’aller où je veux.
Ton écriture est à la fois brute et poétique, on pense à un titre comme ‘Esquisse’ où tu rappes. Quel est ton processus d’écriture ?
‘Esquisse’ est vraiment un son quitte ou double. Je sais que j’ai perdu des gens qui s’attendaient à retrouver l’aupinard ‘léger’, celui qu’on écoute en regardant un coucher de soleil à la plage. Mais ça ce n’est qu’une facette de moi, et je ne veux pas être enfermé là-dedans.
Quand j’ai fait cet mixtape, mon cœur était en deuil. Et quand la prod de ‘Esquisse’ a commencé à prendre forme en studio, j’ai su que je ne pouvais pas chanter les mots que j’avais en tête. Il fallait que je les dise différemment. Mais en même temps, je me disais : ‘aupinard qui rappe ? Trop chelou’. Pourtant ce fut libérateur et j’ai adoré le faire. Il y a parfois des choses que tu as besoin de dire, et inconsciemment tu sais déjà comment les exprimer.
Tu seras sur la scène de l’Olympia le 22 février, la même salle où tu as assisté à ton premier concert. Quel effet ça te fait de passer du public à la scène dans cette salle mythique ?
Le premier concert que j’ai vu là-bas, c’était Luidji. C’est un artiste avec qui j’ai passé beaucoup de temps et qui m’a énormément motivé à faire de la musique. Mon cerveau marche à moitié quand je parle de l’Olympia (rires).
Passer du public à la scène, c’est un truc de fou. Mais pour l’Olympia je ne saurais même pas trop te dire : c’est l’Olympia quoi ! En tout cas j’ai trop hâte. J’y étais pour voir Yamê, j’ai vu à quel point ça peut être émouvant. Je pense que cette date-là va être l’un des plus beaux jours de mon année.
Y a-t-il un rêve artistique que tu aimerais réaliser ? Un lieu où tu rêverais de jouer, un artiste avec qui tu aimerais collaborer ?
Une tournée internationale (rires). J’aimerais aussi jouer à la Salle Pleyel, parce qu’apparemment cette scène est vraiment incroyable. Côté collaboration ? Je dirais Tom Misch.
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