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© Ariel Martini / Photo prise au Sonar 2023 lors du live 'Jbal Rrsas'
16 février 2024

Deena Abdelwahed à la Gaité, techno expérimentale et engagement | LIVE REPORT

par Léa Crétal

Quatre ans après son show accompagnant l’album Khonnar, Deena Abdelwahed est remontée sur la scène de la Gaîté Lyrique pour performer en live son dernier album, Jbal Rrsas. Un moment fort, combinant musique électronique, émancipation et messages politiques. On vous raconte. 

20h30. Sur le parvis de la Gaîté Lyrique, quelques fumeurs se grillent une clope en attendant le début du concert. Après les avoir contournés, passage obligé auprès du videur : « C’est tout droit, à gauche ». On emprunte les escaliers couverts de stickers. Parmi les autocollants, l’un d’eux attire notre attention, le drapeau de la Palestine : indice fortuit -ou non- qui s’annonce prémonitoire, quant à la couleur du concert de Deena.

Dans la queue pour le bar résonnent les kicks d’Ehua, qui assure la première partie, étouffés par les murs insonorisés. Une fois la bière en main, on entre dans la salle. Ehua termine son set et quitte la scène. Pendant le changement de plateau, les enceintes diffusent une musique d’ambiance, qui finit par se couper, signalant l’arrivée imminente de Deena Abdelwahed sur scène. Quelques instants passent, mais celle que le public appelle par son prénom depuis la foule est -pour l’heure- absente. Puis le suspens se rompt.

Deena abdelwahed

© Ariel Martini / Photo prise au Sonar 2023 lors du live ‘Jbal Rrsas’

 

Sur l’écran géant s’affichent les premières images du court-métrage I signed the petition, signé par le réalisateur Mahdi Fleifel. Deena Abdelwahed reste donc cachée derrière la scène, encore un peu, pendant que le public découvre ce film puissamment réflexif, et qui annonce la couleur ‘militante’ de la techno expérimentale de Deena Abdelwahed. La salle s’apprêtait à danser ; elle se retrouve plongée au coeur d’une discussion téléphonique entre deux amis palestiniens, révélant « les contradictions et l’hypocrisie des politiques postmodernes ». Car avec Deena, fête et musique riment avec engagement. Et ça, ses auditeurs-trices le savent bien. Alors tout le monde visionne attentivement le court-métrage, sorti en 2018, qui résonne aujourd’hui plus que jamais.

Après onze minutes de visionnage, l’écran s’éteint. Le silence qui règne dans la salle témoigne de la force du message insufflé par le court-métrage. Vient alors le moment pour Deena de monter sur scène, accompagnée de son acolyte et multi-instrumentiste tunisien Khalil Epi. Le silence est alors rompu par des acclamations, applaudissements et youyous. Le live peut commencer.

Deena abdelwahed

© Ariel Martini / Photos prise au Sonar 2023 lors du du live ‘Jbal Rrsas’

 

Deena met ses machines électroniques en route et démarre avec ‘The Key to the Exit‘, premier morceau de Jbal Rsas. Avec son rythme lancinant, ses sonorités proches de l’alarme et son atmosphère quasi-apocalyptique, cette introduction sonne comme une marche guerrière, ou plutôt de résistance. À partir de là, Deena et Khalil enchaînent les tracks de l’album avec brio : le brut et épique ‘Six as Oil‘, l’ensorcelant ‘Complain‘, le puissant ‘Violence for Free‘…

Derrière eux, un mapping aux formes abstraites et mouvantes apporte une dimension encore plus futuriste, à la musique expérimentale jouée par les deux musiciens. Pendant un peu plus d’une heure, les doigts de Deena jouent sur le drumpad avec une rapidité et une précision remarquables. En bonne équilibriste, elle produit des rythmiques lancinantes et dansantes à la fois. Aux percussions s’ajoutent les mélodies traditionnelles orientales assurées par Khalil Epi, un coup sur synthétiseur, un coup sur cet instrument à corde entre une mandoline et un saz, le tout électrique et amplifié.

La magie opère encore davantage, lorsque Deena se met à chanter ses mélodies enivrantes et hypnotiques, qui entraînent la salle dans une quasi-transe généralisée. Au milieu de la foule, les corps en mouvements exécutent des sortes de danses cathartiques et hypnotiques. Du haut de son estrade, Deena Abdelwahed ne s’en rend peut-être pas compte, mais dans la fosse, son live fait office d’exutoire.

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