© Isis Mecheraf

Live report : Le Bon Air à Marseille, élu “Queen B2B” des festivals français

Le fes­ti­val qui pre­nait place à la Friche de la Belle de mai, offrant autant d’open airs que de ware­hous­es, épate par son auda­cieuse sélec­tion d’artistes élec­tron­iques s’alliant pour des B2B. Le fes­ti­val Le Bon Air se tenait du 26 au 28 mai, Tsu­gi y était : on vous révèle les sur­pris­es artis­tiques que réser­vait le festival.

Si tu as com­pris la Friche, c’est qu’on t’a mal expliqué”. La colle est encore suin­tante sur l’affiche jaune qui trône sur le mur du Nid, cet espace de safe zone pour les fes­ti­va­liers érein­tés, cha­peauté par la Com­pag­nie Guides gérée par Marie-Rose. Et pour Romain, qui est à la tête du col­lec­tif “Plus Belle la Nuit” et surtout, grand ama­teur de la Friche la Belle de Mai, “Le Bon Air a com­pris com­ment cet endroit fonc­tion­nait. Pour vrai­ment appréhen­der le lieu, il faut se balad­er, voy­ager, et surtout ne pas avoir peur de se per­dre”.

Le labyrinthe musical de la Friche

Le labyrinthe de la Friche, c’est ça, le grand point fort de ce fes­ti­val. Oublions les tra­jets un peu ennuyeux pour se ren­dre d’une scène A à une scène B, qui nous rap­pel­lent à quel point nos jambes sont lour­des. Au Bon Air, tout déplace­ment se trans­forme en fête. Avec ses six scènes répar­ties sur trois étages, l’horizon se veut ver­ti­cal. À l’image de la mag­nifique cas­cade qui coule sur un mur de lierre au milieu du fes­ti­val. On grimpe, on redescend, on est alpagué par l’un des nom­breux points de détente en open air pour se griller une clope. Et surtout, on se laisse sur­pren­dre par une des nom­breuses sur­pris­es organ­isées par le fes­ti­val. Alors qu’on marche à toute allure dans les escaliers pour rejoin­dre La Car­ton­ner­ie et assis­ter à l’une des rési­dences de Dark­side, des per­cus­sions se détachent du boum boum ambiant. C’est une per­for­mance de Fulu Mizi­ki Kolek­tiv, qui trans­forme un coin fumeur en ses­sion jam.

Autre pari un peu fou : une salle secrète s’est insérée dans le par­cours. Elle est présente sur la TimeTable à par­tir de minu­it, mais c’est au fes­ti­va­lier de décou­vrir son emplace­ment. Nul autre choix que d’explorer les lieux, pour enten­dre l’un des trois col­lec­tifs mar­seil­lais qui gère la pro­gram­ma­tion : Metaphore col­lec­tif ven­dre­di, Dis­co­quette same­di et Trop­i­cold dimanche. Dès les pre­mières heures du fes­ti­val, ladite salle secrète est sur toutes les lèvres, devenant même une excuse pour abor­der son crush en toute détente, pour les Mar­seil­lais les plus timides.

French 79

Chaque étage cor­re­spond à une ambiance, et une heure de la soirée aus­si. Le toit-terrasse, lieu emblé­ma­tique de la Friche de 8500 m², offre un panora­ma assez dingue sur la ville, jusqu’à la mer. Pour cette édi­tion, il était acces­si­ble pen­dant les deux jours, le same­di et le dimanche, de 16h00 à 23h00. C’est un peu la cerise sur le gâteau, la ter­rasse la plus insta­gram­ma­ble pos­si­ble, qui te per­met de décu­ver tran­quille au soleil. Et surtout, c’est là que French 79 a posé ses valis­es pour deux soirs (pas fou le Simon). Le DJ, orig­i­naire de Mar­seille, est per­ché sur sa scène devant un mur de LEDs qui s’illumine au rythme de ses vari­a­tions d’electropop. Avec un appareil à fumée qui déboite, nous don­nant des revivals de man­i­fs, French 79 finit par son hit, qu’il a mer­veilleuse­ment réus­si à réin­ven­ter en live. Six ans après sa sor­tie, “Dia­mond Veins” fait tou­jours autant son effet. Comme le résumait si bien notre dernière couv’ : “Mar­seille trop puissant”.

 

I want to B2B free

Les deux autres étages étaient ani­més par un même désir : met­tre un point d’honneur au B2B, cette pra­tique de club qui réu­nit deux Dj et leurs univers par­fois rad­i­cale­ment dif­férents sur une et même scène. Ven­dre­di soir a été mar­qué par l’alliance de la harpe de Bernadette et la tech­no lanci­nante et les mod­u­la­tions de voix de Van­da Forte.

Le fes­ti­val Le Bon Air n’a pas eu peur d’associer des head­lin­ers avec des new­com­ers. Le B2B qu’on attendait le plus était celui de Boys Noize et de notre chou­choute Belar­ia. Les deux artistes affichaient une com­plic­ité dingue échangeant sourires, cig­a­rettes, dans­es… Leur sélec­tion était aux antipodes de la détente, allant de l’électro-house acéré, à la tech­no, en pas­sant par des drops de trance. Nous lais­sant souf­fler 3 min ( pas plus) en reprenant “Life’s a bitch” du Prince de New-York Nas, cette escapade à plus de 140 BPM était sans doute l’un des plus beaux moments de ce festival.

 

B2B artistiques

Essevesse

Mais le fes­ti­val Le Bon Air ne s’est pas con­tenté de mélanger les DJ, il a aus­si fait se ren­con­tr­er la musique et la danse : faisant pass­er de sim­ples DJ-sets à un véri­ta­ble spec­ta­cle.  Pen­dant que Goldie B, l’une des ambas­sadrices du fes­ti­val, s’éclatait à remix­er “Dame tu cosi­ta” en ver­sion drum and bass avec La Dame, cette pro­duc­trice brux­el­loise, une dizaine de danseurs du col­lec­tif Essevesse a fendu la foule armée de leds pour qu’on les repère. Pen­dant vingt min­utes, ils ont livré une per­for­mance aus­si con­tem­po­raine que sen­suelle, qui s’approchait de l’univers du col­lec­tif La Horde. Les cou­ples ont enchainé les portés, sou­vent non-genrés. Mer­ci à l’art et à Essevesse pour faire explos­er les clichés.

Pour clô­tur­er le fes­ti­val, la Car­ton­ner­ie s’est trans­for­mée en ball­room, cet évène­ment issu de la cul­ture afro-américaine et homo­sex­uelle. Le hangar s’est paré d’un cat­walk allant jusqu’au milieu de la salle, où la House of Revlon s’est illus­trée avec son vogu­ing sur­volté sur un set mêlant dis­co, tech­no et house sélec­tion­né par… The Blessed Madon­na. Oui, oui on par­le bien de la “meilleure DJ fémi­nine du monde” par Mix­mag en 2016. La “Vierge Noire”, icône LGBT++, était la pre­mière impres­sion­née par la per­for­mance des vogueurs : son vis­age encadré de ses épaiss­es lunettes noire s’illuminait au rythme des grands-écarts. L’effet est immé­di­at : une fièvre s’empare des danseurs, comme du pub­lic. Les habitués de la scène ball­room claque­nt des doigts plus qu’ils n’applaudissent, et scan­dent les pseudoymes des vogueurs. Le set se fini­ra par son hymne “Sero­tonin Moobeams”, dont les paroles du refrain “Bet I hit you with that bad bitch thun­der” (“Je parie que je t’ai frap­pé avec cette saloperie de ton­nerre”) ne se sont jamais avérées aus­si vraies.

Meilleur moment : Sourire devant la dif­férence de taille entre la perche Boys Noize et Belar­ia, ce qui ne les empêchait pas de sautiller à l’unisson der­rière leurs platines.

Pire moment : quand un Mar­seil­lais du Bon Air nous dit d’attendre son “col­lègue” et qu’on cherche dés­espéré­ment du regard un mem­bre de l’équipe de staff alors qu’il s’agissait évidem­ment d’un sim­ple ami…