PORTRAIT | Lossapardo oscille entre art et musique
Dans son premier album If I Were To Paint It, sorti en mai dernier, Lossapardo fusionne l’art pictural et la musique. Une proposition audacieuse qui confirme un talent à plusieurs facettes. Portrait d’un artiste entre deux mondes.
Sur la pochette de l’album, une silhouette, dans la pénombre contemple une toile blanche où se reflète une onde de lumière. Mise en abîme créative, l’image annonce la couleur. Le premier album de Lossapardo sera placé sous le signé de l’art.
Genèse d’un projet
« Je n’ai pas grandi dans un milieu artistique, mais les gens qui m’entouraient ont soutenu ma curiosité », confie l’artiste. Très jeune, il se découvre un vif intérêt pour la musique, et débute le piano à tout juste 6 ans. Ses parents l’encouragent sans relâche. « La scolarité devait bien se passer », mais cela ne l’empêche pas de consacrer une bonne partie de son temps à s’initier à divers instruments.
Son souhait de composer se manifeste l’adolescence, nourri par son apprentissage du piano et de la guitare. Mais tandis que la pratique des instruments est plutôt méthodique et calibrée, la composition se fait de façon plus intuitive. « C’était organique, très expérimental », se remémore Lossapardo. Le morceau « Miel » en est un parfait exemple. Conçu pour la première fois en 2017, « il a pris plusieurs formes », avant de se retrouver dans la tracklist de son album sept ans plus tard.
Son intérêt pour le travail de composition l’amène progressivement à travailler avec d’autres artistes, et pas des moindres. Son nom se retrouve accolé à celui de Dinos, Luidji et Josman sur plusieurs titres, comme « Serpentaire » et « Mon âme ». Ce sont principalement des rappeurs, et pour cause, « ce genre musical m’inspire beaucoup, c’est mon premier rapport à la création musicale », indique l’artiste.
« Au départ, je chantais surtout dans ma chambre », se souvient-il. Mais en 2016, il fait la rencontre de Crayon, un producteur qui encourage son élan créatif. Lossapardo commence alors à joindre sa voix à ses créations instrumentales. C’est avec Crayon qu’il conçoit le projet de l’album. Son ami Oumar Diak, cinéaste, l’aide pour la réalisation des clips. Lossapardo a souvent été autodidacte, mais cette fois, il tient à s’entourer afin de faire éclore son projet. « Pour le rendre abouti, j’avais besoin d’un regard extérieur », confie-t-il.
Un album fait de « moments de vie »
Au départ, le travail d’écriture n’est pas forcément évident. « Je me demandais ce que je voulais raconter, se souvient-il. C’était difficile de trouver un fil conducteur. » Mais au fur et à mesure qu’il rédige ses textes, des thématiques surgissent. « Beaucoup de sons étaient introspectifs, évoquaient le fait de devenir adulte, de faire des choix. »
L’atmosphère de l’album s’esquisse doucement. Pour en arriver à cet aboutissement, il y a eu « beaucoup de discussions avec des amis » mais aussi « beaucoup de moments de vie ». Tout cela rend ces morceaux très intimistes, semblables à des confidences. « Seul », « Nostalgia », « Un peu de lumière »… Les titres invitent à une déambulation dans le monde solitaire, méditatif et poétique de l’artiste.
Il chante le spleen et les tracas existentiels dans des vers introspectifs : « We don’t want to feel the void » (nous ne voulons pas sentir le vide) (« Leather Bellini »), « Open up means that you could hurt me » (S’ouvrir signifie que tu pourrais me faire du mal) (« ATRUMS »), « And I still don’t know if I need or I want it » (Et je ne sais toujours pas si j’en ai besoin ou si je le veux) (« Nostalgia »).
« Je suis vraiment satisfait de cet album, mais il m’a fallu faire des choix pour le terminer », se souvient Lossapardo. Cela implique notamment de renoncer à certains titres. « C’est comme pour une peinture, c’était à moi de le décider à quel moment j’estimais que le projet était abouti. C’est arrivé quand l’album m’a semblé pleinement cohérent, et que l’histoire était compréhensible. »
L’art prend des couleurs
Outre le minutieux travail de composition, l’album propose un audacieux enchevêtrement de disciplines artistiques. La musique cohabite avec la peinture, les deux s’illustrant respectivement. « Au départ, je voulais raconter des histoires, et j’ai progressivement souhaité concilier ces deux médias. Cela permet une forme de synesthésie entre le visuel et le sonore. » L’envie lui vient lorsqu’il travaille en 2017 sur des projets de clips pour d’autres artistes. « If I Were To Paint It » est le fruit de ce travail multidisciplinaire.
La musique et les motifs artistiques s’articulent avec finesse dans ce projet. La lumière, surtout, est le fil rouge de cette création. « Elle occupait une place important dans mes peintures, j’ai donc voulu exacerber cet élément qui caractérise mon travail. » La lumière s’immisce dans la pièce sur la pochette de l’album, et la musique « Un peu de lumière » clôt la tracklist. « J’avais envie de finir l’album sur une touche positive », explique Lossapardo.
Maintenant, quelle suite pour le projet ? « Le faire vivre sur scène, en live… C’est un nouveau terrain d’expérimentation pour raconter plus en profondeur les sons. » Lossapardo ne compte pas s’interrompre maintenant, mais pour un prochain projet, il faudra attendre un peu. « Cet album a nécessité beaucoup de moments de vie pour exister. Il faudra en vivre d’autres pour les raconter dans un prochain projet. »