On a passé 7 jours à Budapest pour le Sziget Festival | LIVE REPORT
Bienvenue en pays Magyar*, au mythique Sziget Festival qui sévit depuis déjà trente ans. Pour cette édition 2024, on a voulu vivre l’expérience au maximum en étant là lors des 6 jours de l’événement. Tentative de résumé d’une semaine dans l’un des plus gros festivals d’Europe.
*(oui, comme la race du dragon qu’affronte Harry P. dans La Coupe de Feu)
Bon. On ne va pas vous mentir : le Sziget est un très gros morceau. Ça dure 6 jours, il y a cinq scènes principales et bien 25 scènes annexes, forcément plus petites. L’événement rameute au moins 60 000 personnes par jour -et encore, on parle ici des moins grosses affluences, ça monte jusqu’à 110.000 personnes/jour. Toutes les musiques, une ambiance de gigantesque kermesse… avec cette constante impression d’être, pendant une semaine, dans une bulle de gauche et (en grande partie) queer, au sein d’un pays passé à l’extrême-droite sous le joug de Viktor Orban.
Organisation carrée, visée internationale
« Sziget » ça veut dire « l’île » : efficace. Pour se rendre à l’événement, en tram/métro c’est environ 15 minutes depuis le centre-ville, en bateau sur le Danube c’est 25 minutes. Sur place, le site est immense -il faut parfois des kilomètres pour traverser l’endroit- et malgré l’immense fréquentation (a minima 60.000 festivaliers par jour) on n’a jamais la sensation de se marcher dessus ou d’être oppressé. Une file d’attente pour boire, manger ou passer aux toilettes ? Très rare au Sziget -à part pour quelques concerts sur la grande scène.
Au-delà des transports, le festival sait s’occuper de ses hôtes. Des pelletées de stands sont là pour discuter santé mais aussi bien-être psychologique. Chaleur suffocante dans l’après-midi ? Une camionnette-brumisateur fait le tour du site, ainsi qu’un camion avec des tuyaux d’eau/lances à incendie. Magnifique. Bon point également, parmi la pléiade de campings dispo sur place : le XS camping, avec ses accès 100% PMR (douches PMR, facilités pour les fauteuils). Un modèle que les organisateurs aimeraient exporter.
Patates de forints
En revanche, une chose est claire ici : le public visé est international, pas local. Il n’y a qu’à voir les prix qui sont pratiqués pour la nourriture et les boissons. Vous débourserez un peu moins de 5 euros pour une pinte de bière classique ; jusqu’à 19€ pour un menu burger-frites-boisson soft. Si bien qu’on a vu s’installer des stands ‘low budget’, où on pouvait manger des mac’n’cheese-nuggets pour environ 6-7€.
Quand on sait que le SMIC local est l’un des plus faibles d’Europe (161.000 forints, soit 487€ par mois) ça pique. Même chose pour les billets d’entrée (99€ la journée, 289€ les 3 jours, 339€ les 6jours), complètement hors-de-prix pour la majorité des hongrois.
La scène Colosseum, ‘Busò’ protecteur
Au Sziget, on trouve de très -très très- nombreux styles de musiques, du metalcore à la dub en passant par la k-pop. Mais ce qui nous a bien sûr intéressé pendant 6 jours, c’est la scène électronique : le Colosseum. Agencée en cercle et faite de palette, elle est surplombée par la grande tête d’un colosse (photo ci-dessous) qui ressemble étrangement aux monstres locaux, les Busò de la ville de Mohács.
Le Colosseum aura souvent été un refuge pour nous, dans les moments de creux où pour relancer nos fins de soirées. On y aura vu le duo d’Allemandes basées en Espagne Parkerstrange, Supergloss mais aussi la locomotive hollandaise Ki/Ki, qui a prouvé une nouvelle fois que « la techno ne mourra jamais ». Quelques patrons et patronnes avec Richie Hawtin, Len Faki, Sven Vath (décidément, toujours des Allemands) ou encore Honey Dijon ! L’Américaine semble partager la même passion pour la house-disco gavée de voix soul avec la Française Chloé Caillet, qui a livré un set assez impressionnant de technique. Un autre français s’est illustré : NTO, donnant un set fougueux plein de mélodies prenantes.
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Quelques découvertes avec Frederic., house / deep house efficace, sans plus mais ça fait le travail ; comme pour Merven, Australienne issue de la dance music et basée à Berlin. Il n’y avait quasiment personne devant Marco Bailey, la faute à Skrillex sur la Main Stage au même moment. Et belle percée du Hongrois Hot X avec sa techno industrielle calibrée.
Mais la perf’ qui nous a le plus emporté cette semaine au Colosseum, c’est celle de CCL : il était 22h, ressenti 3h30. Elle a envoyé dans tous les styles (house, garage, transe hypnotique…) pour un DJ-set au cordeau, un train qui va tout droit sans l’ombre d’une hésitation. Bon, la house-ragga fallait oser, mais ça n’enlève rien. La fête totale.
Théâtre ouvert sur le monde
Arriver en début d’après-midi sur l’île du festival, c’est s’assurer la possibilité de voir des compagnies de danse qui évoluent sur du piano classique. La danse, le cirque et le cabaret font partie intégrante de l’identité du Sziget.
Trois projets marquants pour le symboliser : dans le Magic Mirror, salle circulaire comme un Cabaret Sauvage, on a pu voir le show SZX_MCHN, comédie musicale drag sur le thème ‘are aware of our own sexuality ?’ ; l’exceptionnel Bernie Dieter’s Kabarett, qui défie les lois du spectacle vivant et de la gravité ; tout comme la compagnie Gratte Ciel (présente à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris) en extérieur avec son spectacle Rouge !, acrobaties suspendues et explosions de confettis-pétales de rose en fin de représentation. Magique.
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Plus grande kermesse d’Europe
L’ambiance ‘kermesse’ règne sur le Sziget. Les campings sont nombreux, mais le public peut également poser sa tente dans le festival, à peu près n’importe où. Au fil de la semaine, des animations déambulent sur les chemins empruntés par les festivaliers. Statues vivantes, dinosaures et oiseaux rares. Aussi dans le grand nombre de scènes, un paquet sont là pour passer de la musique qu’on retrouve d’habitude à 4h du matin dans les bars de plages… de 2013. Avec d’affreux remixes de ‘Now You’re gone’, ‘Destination Calabria’ ou ‘Welcome to St-Tropez’. Et ça plait.
Au détour d’une scène, on peut faire du saut à l’élastique, un tour de grande roue ou s’offrir une ambiance ‘fête au village’ avec la Sziget house party. Une chill zone sur la plage est là pour les moments de repos. Ce qui nous a énormément fait plaisir, c’est la scène réservée aux Tribute bands : là, on y a vu des groupes de reprises qui imitaient à l’identique des groupes fédérateurs. Beatles, Linkin Park… Dur de savoir quel concert on a préféré entre ABBA et Rage Against The Machine : en tout cas, on a chanté ‘Dancing Queen‘, ‘Gimme gimme gimme’, ‘Killing In The Name Of » et ‘Know Your Enemy‘ à s’en décoller le palais.
Stars planétaires et émergence mondiale
Niveau concerts, la liste est évidemment très longue. On se sera baladés allègrement entre les scènes, à la recherche du frisson. On le trouvera avec des artistes émergents, notamment Morena Leraba venu du Lesotho, ou encore un artiste bien connu chez Tsugi : Chéri, gagnant cette année du Tremplin Sziget. Le Français est venu défendre son ‘Vilaine Garçon Tour’ jusqu’au bout des ongles. Toujours entre français, espagnol et anglais, entre pop lassive et basses sensuelles, kicks agressifs et mélodies hyperpop. En fond de scène est inscrit un gros ‘BUT WHO THE FUCK IS CHERI ?’ maintenant vous savez. Et vu la détermination de ce ‘Vilaine garçon’, tout le monde saura bientôt.
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On avait hâte de voir Royel Otis, le public du Sziget aussi. Du rock adolescent dans ce qu’on a fait de mieux, dans la lignée de l’excellent album Pratts & Pain sorti début 2024… Et les Australiens n’ont pas l’air de se rendre compte de leur succès. Leurs titres sont déjà repris en choeur, l’assistance pète un câble sur l’efficace reprise du ‘Murder On the Dancefloor’ de Sophie-Ellis Bextor. Ambiance de feu pour un concert retentissant.
Très bonnes performances de Marc Rebillet, de Big Thief, Warhaus, L’Entourloop, Yard Act ou encore Aurora et Blondshell ; on fut un peu déçu par les Irlandais de Fontaines D.C. (parler avec son public, c’est autorisé) et par Yves Tumor (est-il habité, ou sous emprise ?) ; surpris par l’immense succès de Liberato (il y a combien d’italiens dans l’assistance ?). Et puis, Liam Gallagher est passé pour confirmer deux choses : qu’il est toujours aussi antipathique et qu’il a une voix dingue. Malgré les différends il continue de chanter du Oasis, par exemple « Up In The Sky » ou « Digsy’s Dinner ».
Sur la grande scène, 5 prestations impressionnantes au fil de la semaine : RAYE, la meilleure des drama queens britanniques, sa voix soul-jazz entre Amy et Jorja et sa technique impressionnante ; Janelle Monáe, transformée depuis son album libérateur The Age Of Pleasure ; Sam Smith, voix de dingue et danseurs-euses à fond de balle (merci pour cette mise en scène monstrueuse sur ‘Unholy’)…
Et puis, le dernier soir avec Skrillex pour un set qui a électrisé une foule monstre sans moment de répit, et enfin son acolyte Fred again.. Immense moment de communion comme une pré-cloture du festival, avec un live parfaitement construit, qui laisse le temps de respirer, de vivre des émotions fortes et de lâcher les chiens. Fred again.., décidément LA superstar de l’année.
Clôture idéal pour un festival de 6 jours au Sziget, semaine inoubliable. Deux choses ne changent pas, même à 1500 km de Paris : peu importe où tu vas (‘qu’importe la place et qu’importe l’endroit’ finalement), c’est toujours le stand raclette qui embaume le plus, et les drapeaux bretons les plus visibles.
Et si vous voulez déjà prendre votre pass pour le Sziget Festival 2025, c’est possible avec un tarif ‘Super ealry bird’ ! Merci Budapest, t’étais super.
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Meilleur moment : Un trio Fred again.. – CCL – Royel Otis, la scène Magic Mirror et la découverte de la Palinka
Pire moment : ne pas avoir trouvé la ‘scène secrète’ + avoir dû faire une croix sur Nia Archives et Overmono, si on voulait avoir une chance de dormir quelques heures avant d’aller choper le vol retour pour Paris.