Skip to main content
© Marion Sammarcelli
9 octobre 2023

Interview avec l’acid queen KI/KI : « la techno ne mourra jamais » 🎙️

par Marion Sammarcelli

En juillet dernier, KI/KI était à Paris pour les dix ans de Peacock Society pour un passage remarqué -et remarquable- sur la scène MIRROR. Depuis, on a pu discuter avec elle de ses débuts en tant que productrice puis DJ, de sa fascination pour les sonorités techno et acid des années 1990, de la création de son label slash, ou encore de ses secrets de diggeuse professionnelle.   

L’acid, elle l’a dans la peau. LittĂ©ralement. Si il est encrĂ© sur son Ă©paule en une typographie distordue propre au genre musical, il squatte Ă©galement la clĂ© USB de KI/KI depuis qu’elle sait mixer. Elle lui a mĂŞme dĂ©diĂ© une soirĂ©e qu’elle a crĂ©Ă©e : 5HRS OF ACID. Mais attention. On ne parle pas de n’importe quel acid, on parle bien du seul, de l’unique… de celui qui a pris ses racines Ă  la fin des annĂ©es 1980 suite Ă  une dĂ©formation continue -arrivĂ©e presque par erreur- des lignes de basse du fameux Roland TB-303. KI/KI en est fascinĂ©e depuis ses dĂ©buts. Elle fait partie de cette nouvelle gĂ©nĂ©ration d’artistes qui puise dans les sonoritĂ©s 90s tout en crĂ©ant un univers musical Ă  la fois moderne et futuriste. Nostalgique ? Ça n’est pas le mot. Pour elle, ces morceaux possèdent simplement ce « on-ne-sait-quoi » que la musique Ă©lectronique contemporaine n’a pas. Rencontre. 

 

Comment t’es-tu plongée dans la musique électronique ? 

KI/KI : Enfant, je vivais dans une petite ville néerlandaise où personne n’écoutait de musique électronique. Puis j’ai fini par découvrir la deep house. Alors, j’ai commencé à produire mes propres morceaux très jeune, à 15 ans, avant même de savoir mixer. Mais en diggant de plus en plus de DJs, de tracks, de mixes, j’ai étendu ma culture musicale et je me suis mise au deejaying. Ensuite, j’ai déménagé à Amsterdam et j’y ai vraiment découvert l’univers du clubbing. 

KI/KI © Marion Sammarcelli

 

Adolescente, quand tu as commencé à produire, as-tu tout de suite été attirée par les sonorités 90s ? 

KI/KI : Oui et non ! J’ai commencĂ© Ă  jouer avec mon ex-copain. On avait deux univers complètement diffĂ©rents et on essayait de trouver un juste milieu en faisant des compromis. Après un an, je me voyais de plus en plus avancer seule. D’autant plus que je produisais dĂ©jĂ , et lui non. Alors j’ai diggĂ© de plus en plus pour moi… J’aimais les sonoritĂ©s des annĂ©es 1990 en gĂ©nĂ©ral, mais en ce qui concerne la techno, l’acid et la trance 90s… Jamais je n’avais entendu un truc pareil. It was sick. Ă€ ce moment lĂ , un nouveau monde s’est ouvert Ă  moi (rires).

Alors, j’ai commencé à chercher et à mixer seulement ce genre de sonorités, dont beaucoup d’acid. Après mon premier gig, j’ai passé au moins trois ans à ne mixer que de la musique électronique des années 1990. J’aimais tellement ça, pour moi ces morceaux ont quelque chose que la musique contemporaine n’a pas. Aujourd’hui c’est différent, beaucoup de nouveaux producteurs -dont moi- s’inspirent des années 1990 et réussissent à incorporer ces sonorités à des productions plus modernes. 

 

Quels artistes des années 1990 t’ont inspirée ? 

KI/KI : Mon Dieu. Ils sont tellement nombreux que je ne sais plus (rires) ! Je peux citer Outlander ou bien Miss Djax, une DJ et productrice allemande que je considère comme la reine de l’acid… Et il y en a encore beaucoup d’autres. 

 

Tu mixes des sons old school, pourtant tes sets sont empreints de sonorités futuristes. Est-ce que pour toi, la techno reste la musique du futur, même aujourd’hui ? 

KI/KI : Définitivement, oui ! La techno ne mourra jamais. Comme les sonorités des années 1990 en général d’ailleurs. Certaines personnes disent qu’elles sont de retour, moi je pense qu’elles ne sont jamais vraiment parties, mais qu’on en entend parler car elles sont considérées comme hype aujourd’hui. On reprend toujours du passé pour créer de nouvelles choses. C’est pour ça que la techno ne disparaîtra jamais selon moi. Et puis cette musique se décline sous tellement de formes évoluant au quotidien. Elle fera irrémédiablement partie de notre futur.

 

D’ailleurs, quel est ton secret de diggeuse pour dénicher tous ces tracks introuvables ? 

KI/KI : Les disquaires, Ă©videmment (rires). Mais je traĂ®ne beaucoup sur GERMSGEMS qui a une sĂ©lection Ă©norme de techno 90s… Ça m’arrive aussi de me perdre dans l’algorithme d’iTunes Store (rires). Je tombe sur un vieil album, ensuite sur un autre puis sur un troisième… Tout s’enchaĂ®ne assez vite. C’est pareil avec Youtube d’ailleurs. C’est cool et pratique pour digger des sons d’un certain genre, cependant je ne dĂ©laisserai jamais les disquaires et discogs. En cherchant bien, c’est lĂ  que je trouve mes meilleurs tracks. 

 

À lire également sur Tsugi.fr : Vinyles 2.0 : sur YouTube depuis 10 ans, ces diggers rencontrent enfin le succès

 

Et tu mixes parfois avec des vinyles ?  

KI/KI : Dans le passé oui, mais aujourd’hui je rippe tout. J’ai énormément de disques qui sont introuvables en digital et qu’on ne peut donc télécharger nulle part… Mais c’est une grosse contrainte pour les festivals. J’ai vu tellement d’artistes jouer des heures au soleil et bousiller leurs vinyles, qui fondaient avec la chaleur. J’ai trop peur de me dire « F*ck, ce disque introuvable coûtait 200 balles » (rires). Donc je numérise tout.

Mais ça me manque beaucoup. Je préfère mixer avec des vinyles qu’avec des CDJ. Certes il y a plus d’options, de points CUE, on peut faire des sets très dynamiques. Avec des vinyles aussi mais je ne sais pas… Ça reste différent. 

 

On remarque que la scène des années 1990 revient. Elle a le vent en poupe même trente ans après, tous styles confondus (trance, techno, rave, jungle, uk garage, acid house…) selon toi, à quoi cela est dû ? 

KI/KI : Quand j’ai commencé à jouer il y a huit ans et que j’ai découvert cette techno des années 1990, quelque chose a vraiment changé en moi. Je suis tombée sur des sons que je n’avais jamais entendus auparavant. Ils avaient une certaine âme. Et je pense que beaucoup de jeunes ressentent la même chose aujourd’hui. Il sont attirés par une époque qu’ils n’ont pas vécue puis par une esthétique qu’ils n’ont pas connue. Et puis, c’est cyclique, cette mode des années 90 n’est jamais vraiment partie.  

 

Quelle est l’histoire derrière ton label slash, comment lui as-tu donné vie ?

KI/KI : Tout le monde l’a compris, je voue une passion pour les artistes des années 1990. Je voulais donc utiliser mon label pour re-sortir des tracks de cette époque, créer des collaborations avec des artistes de ces années qui n’avaient rien sorti depuis trente ans pour que des productrices et des producteurs contemporains remixent ces morceaux inédits… Bon, c’était plus compliqué à mettre en place que je ne le pensais (rires). De nombreux artistes que je voulais étaient évidemment difficiles à contacter. J’ai donc décidé, pour le moment, de laisser une grande place aux artistes contemporains. Pour autant, je n’ai pas laissé tomber le projet avec les artistes des années 90. Simplement ça met du temps, comme trois ans par exemple (rires). 

 

Tu as commencé la production avant d’être DJ. Récemment tu dévoilais ton premier EP Leave It To The Vibe, c’était important pour toi de faire ta première release sur ton propre label ? 

KI/KI : C’est drĂ´le parce que l’idĂ©e originelle derrière slash n’était pas de sortir ma propre musique comme je l’expliquais. Je voulais plus mettre en avant les autres productrices et producteurs. Mais, je venais juste de terminer cet EP et je n’arrivais pas Ă  trouver un label qui lui correspondait. Alors j’ai rĂ©alisĂ© que je pouvais le sortir moi-mĂŞme et ça avait beaucoup plus de sens d’ailleurs. 

 

Si tu produis depuis autant d’années, pourquoi n’avais-tu jamais rien sorti avant ? 

KI/KI : J’avais 15 ans, je n’étais pas encore trop sûre de ce que je créais… Enfin surtout, je n’avais pas de plan de carrière, ça restait un hobby. Puis les études prenaient trop d’espace dans ma vie. J’ai dû arrêter de produire pour les terminer. Aujourd’hui ça fait deux ans et demi que je me suis remise à composer, mais ça été difficile. J’ai tout redécouvert, réappris, j’étais redevenue novice. C’est pour ça que j’ai pris mon temps. 

 

Quelque chose dont on n’a pas parlé, que tu aimerais ajouter ?  

KI/KI : Je peux simplement dire que l’année qui arrive va être riche en projets, notamment avec 5HRS OF ACID, la soirée que j’ai créée ! On est en train d’organiser une tournée européenne avec sûrement un passage à Paris. Seul critère : je veux une grande warehouse (rires). 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par KI/KI (@ki.slash.ki)

Visited 245 times, 1 visit(s) today